Justice politique et prévention des conflits dans les sociétés pluriethniques: cas de la politique de l'équilibre régional au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Alain Patrick YODOU SIBEUDEU Université catholique d'Afrique centrale - Master II en sciences sociales, option: gouvernance et actions publiques 2011 |
Paragraphe 2- La constitution des populations autochtones et de la minorité anglophone en entité politique de revendicationL'anthropologie des sociétés africaines montre qu'elles sont composées de groupes ethniques aux consciences identitaires très fortes. Face aux revendications permanentes de ces groupes ethniques, le problème du passage de la démocratie quantitative, c'est-à-dire un Homme une voix, à la démocratie qualitative, autrement dit la prise en compte de ces groupes comme des unités politiques élémentaires du système politique s'impose avec acuité. Pour ce qui est du cas du Cameroun, on observe deux types d'expressions qui émanent de ces types de groupes. Ainsi peut-on identifier (1) les populations autochtones qui réclament beaucoup plus de représentation au niveau local, et (2) la minorité anglophone qui manipule l'arme de la sécession. II. 1- L'autochtonie et la revendication localeLe phénomène de la naissance des lobbies ethniques à l'ouverture de l'ère démocratique au Cameroun va toucher l'ensemble de cet État d'Afrique centrale dont les populations autochtones des grandes villes. Comme le cas du mouvement sawa pour la défense des intérêts des populations originaires de la région du littoral du Cameroun. En effet, la sous représentation des populations autochtones dans leurs localités d'origine amène celles-ci à faire des revendications en s'appuyant sur les dispositions constitutionnelles au sujet de la protection des populations autochtones31(*). C'est ce qui motive par exemple la manifestation des peuples Sawa de la localité de Douala baptisées " Marches sawa ", au lendemain des élections municipales du 21 janvier 1996 à Douala. Marche au cours de laquelle les politiciens issus de l'ethnie Sawa visaient à protester contre une présumée hégémonie politique des « Allogènes bamiléké » sur les « Autochtones sawa » dans la ville de Douala qu'ils considèrent comme leur terroir ancestral32(*). Ces manifestations des populations autochtones de la société camerounaise est un type particulier de revendications qui s'ajoute aux tensions sociales qui minent ce pays. Bien que les revendications politiques émanent de la quasi-totalité des communautés ethniques au Cameroun, il faut noter qu'elles connaissent certaines différences. Si quelques unes font grief de la situation de délaissement et d'exclusion de certaines communautés ethniques (sur le plan éducatif, économique, social, infrastructurel), les réclamations issues des populations autochtones originaires des métropoles mettent davantage le doigt sur leur sous-représentassions aux postes de responsabilité dans les représentations communales et régionales de leurs localités respectives. Il n'y a qu'à s'arrêter sur les réclamations des populations autochtones des villes de Yaoundé et de Douala pour s'en convaincre. Du fait des migrations des autres peuples suite aux attractions de la ville en effet, les originaires de ces localités sont en effet mises en situation « d'étouffement » sur leur propre territoire d'où les revendications de représentation accrue des natifs des villes de Yaoundé et de Douala respectivement capitales politique et économique aux postes communaux et régionaux de leur localité. Les revendications provenant de la minorité anglophones du Cameroun constituent elles aussi une autre sorte des tensions sociales qui minent le pays. * 31 (Cf.) Préambule de la constitution du Cameroun du 2 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. * 32 Au lendemain des élections municipales du 21 janvier 1996, quatre maires élus se trouvèrent être des Bamiléké contre un maire autochtone sawa. |
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