4.5.-Analyse de la participation
sur la plan de la conduite des acteurs
Dans notre recherche, nous avions envisagé
d'appliquer l'analyse organisationnelle à l'étude de la conduite
des membres des différents comités. Postulant que ces
comités constituaient des systèmes d'action concrets. Cependant
l'analyse du cas à l'étude nous incita à réviser ce
postulat constatant que les dispositifs participatifs mis en place dans le
cadre de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement, incluant les comités, n'ont constitué que
l'extension d'un système d'action existant.
Un système d'actions concret se
caractérise par : (1) l'interdépendance des acteurs, (2) la
création d'une norme sociale qui détermine les règles du
jeu à travers lesquelles les calculs rationnels et stratégiques
des acteurs se trouvent intégrés. Dans un contexte
d'interdépendance chaque acteur a besoin de l'autre pour atteindre ses
objectifs. Dans le cas à l'étude, le promoteur voulait maintenir
de bonnes relations avec la communauté et avait de son appui pour la
réalisation de projet. Il avait également besoin des
autorités municipales et régionales pour faciliter la
réalisation du projet et en assurer l'acceptabilité sociale. La
communauté avait de besoin du promoteur et de son projet pour assurer
sa survie. Elle avait besoin des autorités municipales comme
représentant de ses intérêts auprès du promoteur.
Les autorités régionales et nationales souhaitaient que le parc
industriel soit construit en raison des retombées fiscales importantes
et avait de l'appui de la communauté à cet égard.
En ce qui concerne la norme sociale, le compromis
plusieurs fois exprimé implicitement et explicitement par les
participants consistait en la proposition suivante : Sous
réserve que le promoteur veut nous impliquer dans la réalisation
du projet en favorisant l'embauche de la main d'oeuvre locale et
régionale, nous sommes prêts à faire des sacrifices pour
faciliter la réalisation du projet ». Les dispositifs participatifs semblaient s'inscrire
dans la continuité de ce compromis dont l'application a
été assurée par les autorités municipales et le
promoteur avec l'assentiment implicite et explicite de la population.
4.6.-Evaluation des
dispositifs participatifs sur le plan des résultats
4.6.1.-Empowerment
Nous nous intéressons à la participation
comme processus pouvant conduire à l'empowerment et à
l'effet des dispositifs participatifs à cet égard. Cependant,
selon Rich et al (1995) la participation ne conduit
nécessairement à l'empowerment. La participation au processus
décisionnel peut être «empowering » ou
«dispowering » selon la nature et l'issue de
l'expérience. Le «dispowerment » se
produit lorsque les citoyens ou la communauté perdent la maitrise de la
gestion de leurs affaires et cela même si, comme l'affirment les auteurs,
les citoyens ont eu la possibilité de participer au processus
décisionnel.
Dans l'étude de cas, chaque dispositif a permis
à des citoyens, à différentes étapes de la
réalisation du projet, d'exprimer leurs préoccupations et
d'obtenir l'adoption de mesures d'atténuation ou de bonification, des
mesures de suivi ou des modifications du projet. Mais ces dispositifs pris
dans leur ensemble, ont-ils permis l'atteinte de l'objectif de maîtrise
sociale (des citoyens) qui suppose la possibilité d'exercer une
influence réelle sur la décision ? Nous nous limitons
à une présentation des faits à la phase de
réalisation du projet.
A cette phase, les efforts déployés pour
atténuer les nuisances de la construction ont eu un succès
limité compte tenu de la situation de fait créer par la
décision de construire le complexe industriel en milieu habité et
à fortes potentialités agricoles. Dans ce contexte, même si
le promoteur et les autorités régionales et municipales,
accompagnés de certains membres du comité de suivi ont
tenté de rassurer les résidents en leur démontrant que
les normes régissant ce type d'activités ont été
respectées, et que des mesures ont été prises en vue pour
atténuer les nuisances, l'impact sur les résidents n'en a pas
été pour autant diminué. Le stress vécu par
certains résidents a détérioré leur qualité
de vie et cela malgré la grande acceptabilité sociale dont jouit
le projet auprès de la communauté.
La situation est la même en ce qui concerne le
cas de la circulation intensive des véhicules lourds qui s'est maintenue
voire intensifiée pendant plusieurs semaines, du matin jusqu'au soir et
à raison d'un passage toutes les 30 secondes. Le contrôle accru de
la vitesse, l'adoption d'un horaire limitant les activités de transport
et l'élargissement de certains tronçons du réseau routier
local n'ont pas eu d'effets significatifs sur les nuisances et le
problème de la sécurité causé par ces va-et-vient
ininterrompus de ce type de véhicules dans une zone en pleine
activité.
En somme, il ressort de ce qui précède
que l'empowerment formel créé par L'organisme
participatif institué par le projet ne s'est pas traduit par une
maîtrise sociale du changement. Les deux (2) problèmes
expliquant cette situation sont : l'absence de l'information pertinente
au moment requis pour identifier les enjeux de la décision, les lacunes
de l'étude d'impact en ce qui concerne l'identification des incidences
sociales et environnementales du projet et la détermination a
priori d'un site pour la construction du complexe industriel sans solution
alternative.
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