2.10.2.-Les facteurs
communautaires
Des auteurs soutiennent également que les citoyens
peuvent remettre en question la nécessité d'investir tant
d'efforts et de temps dans une démarche d'EIE. Selon leurs dires, les
citoyens, déjà assez occupés par leurs propres obligations
quotidiennes, peuvent difficilement s'engager dans de telles activités
(Parry et Wright, 2003, p. 388). Certains groupes exclus ou
marginalisés peuvent également être difficiles à
mobiliser ou simplement ne pas souhaiter participer, comme l'avancent Wright et
al. (2005, p. 61) cité par Koios, 2011:
La participation est peut-être ancrée dans la
culture moderne en santé pour des politiques de développement et
de revitalisation, mais la recherche participative démontre bien souvent
que certains groupes sont difficiles à impliquer, que les
représentants légitimes de la communauté ne sont pas
toujours faciles à cibler et que les personnes pauvres et
marginalisées ne souhaitent pas toujours participer au processus et
préfèrent parfois que les projets soient dirigés par des
professionnels (traduction libre).
L'étude menée par Kearney (2004, p.
227) révèle également que les structures
participatives favorisent souvent la participation de représentants de
groupes déjà bien établis plutôt que la
participation de citoyens « ordinaires », mais aussi que les citoyens
peuvent être frustrés devant des exercices participatifs qui ne
leur semblent pas toujours accessibles et dignes de confiance.
2.10.3-Les facteurs
politiques
La participation citoyenne dans l'EIE pourrait
également soulever des craintes sur le plan politique. Une EIE
participative risquerait d'intéresser des acteurs aux
intérêts potentiellement divergents ou qui n'ont pas l'habitude de
collaborer (Farhang, Bhatia et al., 2008, p. 264). Une EIE
participative risque donc de soulever la controverse au sein d'une
communauté ou encore de ranimer un conflit latent qui nuira au processus
décisionnel.
La crainte que le processus décisionnel soit pris en
otage par les citoyens est également évoquée
(Kearney, 2004, p. 225). Ainsi, certains décideurs
gouvernementaux appréhendent une opposition systématique des
citoyens à tout projet d'importance, sur la base que leur santé
pourrait en être affectée. Puisque les décideurs ont
généralement une aversion pour le risque, ils seraient alors
réticents à s'engager dans un processus participatif qui risque
de miner leur capacité à mettre en oeuvre des projets, des
programmes ou des politiques.
2.10.4.-Les facteurs
théoriques
La participation citoyenne dans l'EIE fait également
face à plusieurs obstacles de nature théorique. Tout d'abord, il
existe bien des ambiguïtés sur la notion de « participation
citoyenne » et sur la façon de l'appliquer en EIE. Certains
avancent que ces problèmes trouvent leurs origines dans les documents
fondateurs de l'EIE qui évoquent l'idée de participation
citoyenne sans toutefois l'expliciter (Mahoney et al., 2007). De
surcroît, nombre d'expressions prolifèrent dans la
littérature sur l'EIE : « implication citoyenne », «
implication locale », « participation communautaire », «
consultation de la communauté » et bien d'autres. Ces expressions
sont souvent utilisées de façon interchangeable, sans qu'une
réflexion critique soit portée sur ce qu'elles impliquent pour
l'EIE (Mahoney et al., 2007).
Il ne semble donc pas y avoir de cadre théorique solide
permettant de guider les décideurs et praticiens de l'EIE en
matière de participation citoyenne. Comme le souligne Bauer et Thomas
(2006, p. 512), « l'écart entre la promotion théorique de la
participation de la communauté dans l'évaluation d'impact et le
manque de lignes directrices pour le faire suggère que, dans le meilleur
des cas, il ne sera pas possible de répondre à cette exigence
à cause de sa complexité » (traduction libre).
D'ailleurs, certains avancent que les fondements
théoriques de l'EIE n'ont pas encore atteint un niveau de
maturité permettant d'y intégrer le citoyen. Selon cette
perspective, les mécanismes participatifs pourront être
intégrés seulement lorsque la science de l'EIE deviendra plus
mature et robuste (Cole et al., 2005, p. 385).
D'autres auteurs soulignent que l'EIE peut être
conçue de façons bien différentes. Par exemple, Kemm
(2000, p. 431) distingue deux types d'EIE : (i) les EIE à « focus
larges » qui mettent en lumière un modèle holistique de
l'environnement, qui sont plus qualitatives, et qui promeuvent des valeurs
démocratiques et la participation de la communauté; et (ii) les
EIE à « focus étroits » qui reposent plutôt sur
l'épidémiologie et la toxicologie, et qui cherchent à
mesurer et à quantifier les impacts des politiques sur la santé
de la population. La participation citoyenne peut donc être
définie bien différemment en fonction de l'approche
privilégiée par les praticiens de l'EIE.
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