La place de l'Afrique centrale dans l'architecture de paix et de sécurité africaine (APSA)( Télécharger le fichier original )par Rahim Jhan NGUIMBI Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) - Master 2, contentieux international 2012 |
B. L'application effective des principesD'emblée, il nous semble qu'en Afrique centrale, quelques uns de ces divers scénarios ont été employés. Il reste à savoir ceux qui l'ont été dans le cadre de l'APSA ? Certes, les pays d'Afrique centrale ont mené une kyrielle d'activités sur le terrain du maintien de la paix ou même de la prévention, que l'on peut classifier parmi ces six scénarios, mais celles-ci ne justifient pas pour autant la place de l'Afrique centrale dans l'APSA. Il en est ainsi, entre autres, de la démonstration dissuasive de force soutenue par une action politique et diplomatique de la CEEAC, qui a eu cours en 2006, à Sao Tomé et Principe, que l'on peut classer dans le scénario 1, y compris, l'action politico-diplomatique menée en 2008 en RDC dans le cadre des opérations stratégiques de gestion de la crise par le COPAX. Dans le scénario 5, il est possible de classer le renforcement du mandat de la MONUC et l'action humanitaire au profit des populations de l'Est de la RDC128(*). D'autre part, l'UA a engagé des actions conformes à l'un ou l'autre des scénarios sans qu'elles rendent nécessairement compte de l'application des mécanismes de l'APSA. Il s'agit, par exemple, dans le scénario 3 de la Mission préventive d'observation de l'UA au Burundi (AMIB) et dans le scénario 4, de la Mission de l'UA aux Comores (AMIC)129(*). C'est le lieu de noter que le caractère multidimensionnel requis par les successives Feuilles de route de la FAA et de l'APSA, ne concerne que les actions qui rentrent dans le cadre du scénario 5, à l'instar du déploiement de la MICOPAX, qui en constitue une satisfaisante illustration. En particulier, l'action de la MICOPAX nous sert d'illustration appropriée pour montrer, non seulement, l'ancrage effectif de l'Afrique centrale au type d'opérations de soutien et de maintien de la paix exigée par les dispositions actuelles de l'APSA, mais aussi, la collaboration entre les CER/MR (à l'instar de la CEEAC/COPAX) et l'APSA. Déployée en RCA pour un mandat qui court, en principe, jusqu'en 2013, elle est, jusqu'ici, la plus importante réalisation de la CEEAC dans le domaine de la paix et de la sécurité et dans le cadre de l'APSA. Mais la Communauté ne peut véritablement se prévaloir de l'avoir initiée étant donné qu'il s'agit d'un héritage des précédentes missions multinationales en RCA, à savoir, la Mission de Surveillance des Accords de Paix à Bangui (MISAB) et la Force Multinationale en Centrafrique (FOMUC). La CEEAC a, en effet, pris le relais de la CEMAC le 12 juillet 2008130(*), assumant ainsi effectivement le mandat de paix et de sécurité régional et confortée en cela par la résolution de l'AGNU, du 11 janvier 2001, consacrant la coopération entre l'ONU et la CEEAC131(*) dans le domaine de la paix et la sécurité internationales. Son caractère multidimensionnel qui justifie donc, entre autres, son adhésion à l'APSA se caractérise de la façon suivante : 1. Une dimension ou composante militaire est chargée de poursuivre la mission de la FOMUC, dont l'objet essentiel était le soutien des forces armées centrafricaines (FACA) dans leur restructuration et leur sécurisation du pays, dans le processus de Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion (DDR) des ex-combattants. Elle est composée de 500 militaires originaires du Cameroun, du Congo, du Gabon et du Tchad, et d'un détachement des FACA qui y est intégré. Son état-major est situé à Bangui, la capitale centrafricaine; 2. Une dimension police et gendarmerie, chargée d'assurer la sécurisation de la capitale, d'appuyer le processus électoral et contribuer à la réforme du secteur de la sécurité. Elle est composée de 150 policiers et gendarmes, dont le Chef de la composante ; 3. Une dimension civile chargée d'assister les autorités centrafricaines pour les aspects civils et politiques, dont le développement du processus politique, le processus de réconciliation nationale : la promotion du respect des droits de l'homme et la coordination de l'aide humanitaire et la lutte contre les maladies pandémiques et endémiques. Elle est constituée de 30 civils dont le chef de mission civile, représentant spécial du Chef de l'Etat Gabonais, responsable de la Mission. Jusqu'en décembre 2011, la MICOPAX maintenait une présence à Bangui et dans trois autres villes: Paoua (Nord-Ouest), Kaga Bandoro (Centre-Nord) et Ndélé (Nord-Est). Par ailleurs, pour tenir compte d'une des contraintes de l'APSA, indiquée dans les Feuilles de route, une dimension maritime a été incluse à l'édifice de paix de la sous-région. Ainsi, en application des instructions du Conseil des ministres du COPAX, le Secrétariat général de la CEEAC a élaboré la stratégie de sécurisation des intérêts vitaux en mer des Etats membres de la CEEAC situés dans le Golfe de Guinée. Cette stratégie est articulée autour du COPAX et a établi une synergie avec la CGG et la CEDEAO. Elle est la première expérience continentale actuellement mise en oeuvre dans la zone et regroupe le Cameroun, le Gabon, la Guinée-équatoriale et Sao Tomé et Principe. La CEEAC diligente, dans ce cadre, l'implantation d'un Centre régional de sécurisation maritime de l'Afrique centrale (CRESMAC), à Pointe-Noire (Congo), la mise en place du mécanisme de financement de la stratégie et l'organisation d'une conférence maritime internationale. L'approche pratique et opérationnelle de la place de l'Afrique centrale dans l'APSA devait être confortée par les mesures effectivement prises par l'Afrique centrale ou plutôt sa CER de référence qu'est la CEEAC. S'il demeure vrai que les dispositions essentielles du COPAX tardent à s'arrimer à celles de l'APSA, la volonté politique est clairement en phase avec cette exigence des instances continentales africaines. Cela étant, les apparentes incohérences juridiques ne limitent ou n'empêchent nullement la collaboration et la coopération indispensable (politiques, stratégique et opérationnelle) établie de manière perceptible, entre les organes de l'Afrique centrale et ceux de l'APSA. D'où les actions du MARAC sous l'égide de l'UA, les exercices de formation de la Brigade d'Afrique centrale en vue de la certification de la FAA, de leur composition en conformité aux recommandations des Feuilles de route de l'APSA et de la FAA ; d'où la MICOPAX, entre autres. Le constat est donc patent, celui de la place qu'occupe l'Afrique centrale dans l'APSA et de l'existence d'une collaboration effective à cet égard. Mais le constat demeure aussi, celui du report récurrent des délais inhérents à la certification définitive de la Brigade régionale et de la Force africaine pré-positionnée, et donc, de leur capacité définitive à intervenir sur le théâtre des conflits, sous les auspices du CPS. Ce constat justifie que l'on s'interroge sur les écueils d'une action aboutie et cohérente, sur le rôle effectif et efficient que l'Afrique centrale doit jouer en jouissance de sa place dans l'APSA. Tel est l'objet de l'ultime chapitre développé ci-après. * 128 Voir sur ces questions la Communication du Général GARCIA, op.cit. * 129 Cf. « La Force africaine en attente », Politique de sécurité : analyse du Center for Security (CSS), n°84, novembre 2010, p. 2. * 130 C'est, en fait, en janvier 2009 que son commandement a été officiellement transféré à la CEEAC pour une effectivité opérationnelle de la force régionale de paix. Pourtant, lorsque la FOMUC est lancée par la CEMAC le 25 octobre 2002, la FOMAC existe déjà depuis le Protocole du COPAX du 24 février 2000. * 131 Voir notamment le paragraphe 5 de cette résolution « se félicitant que, dans leur volonté d'instaurer un climat de paix et de sécurité dans leur sous-région et d'y renforcer les institutions et la pratique démocratiques (...), les Etats de la Communauté Economique des Etats d'Afrique centrale aient créé le Conseil de paix et de sécurité de l'Afrique centrale et décidé de créer un mécanisme d'alerte rapide en Afrique centrale (...) ». |
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