B. L'antagonisme apparent des organes
Le COPAX et l'APSA présentent, en effet, une
organisation quasi-identique, les organes du premier correspondant à
ceux du second ou vice-versa. Hormis quelques nuances terminologiques, les
attributions des uns correspondent à celles des autres selon le type
d'organes désigné. Ainsi, on dénombre :
1. le Secrétariat Général qui correspond
à la Commission ;
2. le Conseil des Ministres et la Conférence des Chefs
d'Etat tiennent leur équivalent ;
3. le Comité des Ambassadeurs correspond au Groupe des
sages ;
4. la FOMAC à la Force africaine
prépositionnée ;
5. le MARAC au Système continental d'alerte
rapide ;
6. le Réseau des Parlementaires de l'Afrique centrale
(REPAC) correspond au Parlement Panafricain.
Cette bigamie institutionnelle, cette reproduction
institutionnelle ne paraît avoir pour valeur et ne peut
s'interpréter que comme une autonomisation évidente, aux
apparences radicales, de l'Architecture de l'Afrique centrale à celle de
l'Union Africaine. En effet, puisque l'Afrique centrale dispose d'une
architecture complète, viable et fonctionnelle, elle demeure apte
à enclencher de manière autonome son processus de
résolution des conflits qui naissent en son sein.
En outre, alors que l'APSA est conçue de telle sorte
que les régions répondent de leur responsabilité en
matière de résolution des conflits devant elle, à
défaut du Conseil de Sécurité des Nations Unies, c'est
plutôt devant ses organes politiques que l'Afrique centrale pourrait, au
regard de son organisation actuelle, engager sa responsabilité.
Autrement, l'existence d'un organe comme le REPAC n'en serait que
superfétatoire et ne se justifierait nullement.
Et puis, le rôle du Comité des Ambassadeurs des
pays membres du COPAX résidents dans le pays du siège (le Gabon)
doit être clarifié. est-il susceptible d'être limité
à une simple contribution à l'analyse de la situation
concernée et à la facilitation de la conduite de l'action
décidée ? Si, a contrario, à travers eux,
les Etats membres demandent des comptes au COPAX, les données de la
place de l'Afrique centrale dans l'APSA s'en trouveraient
dénaturées.
Et si la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
ne se cantonne pas à la prise de décisions internes relevant du
simple fonctionnement des structures, à l'instar de la
désignation des personnels civils et militaires, si la décision
de juger de l'opportunité d'engager la FOMAC, par exemple, persiste
à lui incomber, elle serait fondée à apprécier la
comptabilité des opérations engagées, leur succès
ou leur échec.
Dès lors, et face à ces différents
égards, comment soutenir que l'Afrique centrale demeure un
démembrement de l'APSA ? Et pour quelle cohérence entre les
deux architectures ?
La conclusion selon laquelle l'Afrique centrale, par le biais
de la CEEAC et du COPAX, est en principe un pilier de l'APSA pouvait
difficilement manquer d'inflexion. En effet, un ensemble de facteurs donnent
à penser et à affirmer ce que l'Afrique centrale est un maillon
affranchi, voire indépendant de l'APSA. C'est ce à quoi nous
conduisent les facteurs historiques liés aussi bien au contexte qui a
justifié la naissance de la Communauté Economique des Etats de
l'Afrique Centrale que celui qui a animé la création du
Comité Consultatif Permanent des Nations Unies pour les Questions de
Sécurité en Afrique Centrale - UNSAC en vertu desquels les
organisations et les textes respectivement mises en place puis adoptés
dans le cadre de l'Afrique centrale emportaient à la fois le
privilège du préalable et une antériorité qui ne
pouvait s'apparenter à une indépendance.
De même, cet affranchissement ne pouvait que se lire au
travers des institutions y résultantes et de leur fonctionnement. En
effet, les institutions nées en Afrique centrale dans les contextes
décrits se trouvaient et se trouvent encore à ce jour sous
l'apparence d'une dualité ou d'une rivalité entre elles et celles
relevant de l'APSA. Il en va de même, des textes qui créent le
COPAX et de ceux qui lui servent de complément.
Conclusion de la première partie
En répondant, dans les développements
précédents, en guise d'approche théorique, à la
question de savoir quelles sont les fondements de la place de l'Afrique
centrale dans l'Architecture de Paix et de Sécurité Africaine
(APSA), nous sommes parvenu à la réponse au gré de
laquelle, la place de l'Afrique centrale dans l'APSA trouve ses fondements dans
les dispositions tant universelles que continentales. L'ensemble de ces
instruments nous ont par ailleurs permis d'établir que la place de
l'Afrique centrale dans l'APSA n'est, en définitive, que celle de la
CEEAC, et celle de la CEEAC est celle du COPAX et ses
démembrements-FOMAC et MARAC. Cette conclusion indique en
réalité que l'Afrique centrale n'est qu'un maillon de l'APSA.
Plus précisément, cette démonstration
était bâtie sur un fil conducteur chronologique mais pas
historique. En présentant les fondements de l'assise de l'Afrique
centrale dans l'APSA, à partir des dispositions pertinentes de la Charte
des Nations Unies pour aboutir à celles de l'UA et de la CEEAC, il
s'agissait de montrer que les questions de paix et de sécurité
internationales relevant de la responsabilité principales du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, les mécanismes
régionaux ne peuvent établir leur compétence en la
matière que sous le fondement de la Charte des Nations Unies et des
accordes particuliers. Il est apparu à ce stade que la Charte des
Nations Unies confère elle-même cette compétence aux
organismes régionaux, au regard de son chapitre VIII. C'est au
gré de celui-ci que lesdits organismes ordonnancent entre eux les
rapports hiérarchiques, la répartition et l'ordre de traitement
des crises qui surviennent dans leur espace respectif ou commun. Ce qui
explique que l'Union Africaine en soit à partager avec les
Communautés Economiques Régionales et leur mécanisme de
paix et de sécurité (CER/MR), les prérogatives qu'elles
tirent de la Charte des Nations Unies.
A ces fondements s'appuient un ensemble de principes
posés par des textes pertinents adoptés tant à
l'échelle régionale qu'à l'échelle continentale.
Cet ensemble de fondements établissent une architecture continentale de
paix et de sécurité à deux niveaux, le niveau continental
autour du CPS et le niveau régional autour du mécanisme
régional de sécurité collective établi par la
CEEAC, le premier se subordonnant le second à qui il confie la
compétence, sous certaines conditions, du règlement des
différends. Là se trouve indiquée la place de l'Afrique
centrale dans l'APSA.
Pourtant, cette conclusion ne manque pas de paradoxes et
connait une importante relativité du fait même de son
ordonnancement juridique, des dualités ou rivalités
institutionnelles qui semblent ne pas traduire sa dépendance à
l'Union Africaine ni à l'Architecture de Paix et de
Sécurité Africaine.
Si la place de l'Afrique centrale dans l'APSA reste bien
affirmée au regard des divers fondements exposés, il importe
néanmoins de savoir si la pratique et l'opérationnalité
que pose le principe ne connaissent pas d'écueils de nature à
inspirer des suggestions pour une meilleure construction du mécanisme ou
sa meilleure mise en oeuvre. Telle va constituer l'ossature des prochains
développements, en guise d'approche pratique.
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