La question de la décroissance chez les verts français( Télécharger le fichier original )par Damien ZAVRSNIK Université Aix- Marseille - Diplôme d'études politiques 2012 |
2. La mutation de l'organisation partisane écologiste : De l'anti-parti à la machine électorale ?La création des partis Verts ne se fait pas dans l'idée de fonder un parti de pouvoir. Partout en Europe, l'objectif initial des Verts est moins de fabriquer une machine électorale que de faire du parti l'avant-garde d'une organisation sociale écologiste. Symbole de cette originalité, le leitmotiv de « faire de la politique autrement » anime les débats internes des Verts encore aujourd'hui. Sur la base du constat d'échec de la démocratie représentative ils souhaitent renouveler les modes de participation à la vie collective et instituer une démocratie participative, un Basisdemokratie (« démocratie basiste ») pour les Grünen allemands en pointe sur le sujet. Les Verts allemands bousculent d'ailleurs tant les formes classiques d'organisation partisane qu'ils sont qualifiés de « partis anti-parti» (antipartei Partei). Il est important de ne pas négliger l'originalité organisationnelle des écologistes. Celle-ci ne relève pas du détail de fonctionnement interne mais est consubstantielle à l'identité des Verts. A travers la structuration du parti c'est toute la philosophie de l'écologie politique que l'on retrouve. Benoît Rihoux a forgé l'expression de « projet idéologico-organisationnel »246(*) pour illustrer ce caractère particulier. Cependant un tel projet réussit il à déjouer la loi fondamentale posée par Roberto Michels selon laquelle toute organisation partisane tend à l'oligarchie247(*) ? Plus généralement, l'intégrité idéologique qui régit le mode d'organisation des écologistes est-elle compatible avec une logique de conquête de pouvoir ? Les réponses à ces questions imposent de revenir sur les principes qui établissent les Verts en tant que parti basiste. Puis seront examinées les limites d'une telle organisation. Enfin un éclairage sera donné sur les réformes organisationnelles participant au processus d'institutionnalisation de l'écologie partisane française. Les principes du parti basisteParadoxalement les Verts ont souvent fait l'objet de diatribes concernant leur rapport à la démocratie. Accusés de « khmers verts » ou d'écolos fascistes, les Verts sont souvent vilipendés en raison de supposées tentations autoritaires qui imposeraient une dictature « verte »248(*). Face à leurs détracteurs, les Verts expliquent que « non seulement l'écologie est politique, mais que le politique et la démocratie sont déjà de l'écologie »249(*). Pour eux un futur soutenable est indissociable de la démocratie participative. Seule la responsabilisation collective etant à même d'apporter des réponses durables à la crise écologique. Les Verts s'appliquent donc à mettre en oeuvre leurs principes démocratiques au sein de leur organisation. Le rassemblement des différentes organisations écologistes lors du Congrès de Clichy de 1984 donne lieu à un compromis statutaire. Les négociations entre la Confédération écologiste et le Parti écologiste aboutissent à une organisation hybride. Plus structurés qu'une association ou qu'un mouvement social, les Verts ne sont pas non plus un véritable parti. Examinant la jeune organisation à l'aune de la définition d'un parti politique donnée par La Palombra et Weiner, Guillaume Sainteny se refuse à lui donner le qualificatif de parti. Jusque dans les années quatre-vingt-dix les Verts ne prennent pas la forme partisane car « ils n'ont voulu ou n'ont pu créer un véritable parti de pouvoir »250(*). Les études sur l'organisation du parti Vert ont pu faire émerger plusieurs spécificités qui permettent d'élucider ce constat251(*). Le parti écologiste est d'abord très attaché au respect du pluralisme intra-partisan. Cet aspect se manifeste par l'organisation très girondine du parti. Idéologiquement réfractaires à l'Etat nation les écologistes ont bâti leurs structures partisanes sur un modèle fédéral de régions autonomes et solidaires. En outre le Conseil National Inter-Régional (CNIR), le parlement du parti, est composé majoritairement par des représentants des régions (trois quart de délégués élus dans les assemblées générales régionales et un quart lors de l'assemblée générale fédérale) afin d'éviter l'omnipotence de la région Ile de France. Le respect du pluralisme est également garanti par l'élection au scrutin proportionnel de liste des délégués au CNIR. Les candidats au CNIR se rassemblent autour de motions d'orientation. La représentation de ces différentes « sensibilités » est alors fonction du nombre de suffrages recueillis par leur motion. Le mode de désignation du Collège exécutif (CE) des Verts est lui aussi régi par l'ambition du pluralisme. La quinzaine de membres du CE est désigné avant tout pour leur représentativité et non pour leur compétence. D'autre part l'organisation du parti est le moyen d'éviter l'instauration d'une oligarchie verte. Des règles institutionnelles sont mises en place afin de barrer l'accumulation de capital politique par les « élites ». Très critiques à l'égard de la Vème République, les Verts ont longtemps refusé l'existence d'un leadership individuel. Les statuts de 1984 prévoient ainsi quatre porte-paroles pour médiatiser le message « vert » sur la place publique. D'une manière générale tout est fait pour empêcher l'établissement de hiérarchies qui viendraient rompre l'égalité entre les adhérents. Des règles de non cumul interne et externe s'appliquent à tous les membres du parti. La pratique du « tourniquet », qui implique le remplacement d'un élu à mi-mandat par son co-élu, est aussi instaurée afin de faire partager l'expérience politique au plus grand nombre et d'éviter l'émergence de professionnels de la politique. Les principes organisation du parti écologiste (structure décentralisée, autonomie des régions et des groupes locaux, exécutif volontairement faible, refus de la personnalisation, ...) que nous avons ici brossé à grands traits ne donnent pas pleinement motif de satisfaction. La volonté d'instaurer une démocratie interne parfaite bride l'efficacité du parti voire se retourne contre elle-même. * 246 RIHOUX, Benoît, Les partis politiques : organisations en changement. Le test des écologistes, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques politiques, 2001 * 247 MICHELS, Roberto, Les partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Paris, Flammarion, 1971 (1ère édition 1911) * 248 La plus fameuses de ces critiques tient surement dans le pamphlet plus idéologique et politique qu'intellectuel de Luc Ferry. Voir FERRY, Luc, Le Nouvel ordre écologique. L'arbre, l'animal et l'homme, Paris, Grasset, 1992 * 249 LIPIETZ, Alain, Vert espérance. L'avenir de l'écologie politique, Paris, La Découverte, 1993, p. 24. * 250 SAINTENY, Guillaume, L'introuvable écologisme français, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 245 * 251 FAUCHER, Florence, « Les Verts et la démocratie interne », dans Florence Haegel (dir.), Partis politiques et système partisan, op.cit., p. 102-142. |
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