La question de la décroissance chez les verts français( Télécharger le fichier original )par Damien ZAVRSNIK Université Aix- Marseille - Diplôme d'études politiques 2012 |
La cristallisation de l'écologie politique en partiL'institutionnalisation de l'écologie politique sous la forme partisane est une étape décisive. Mais comme nous l'avons vu, un fort sentiment antiparti traverse le mouvement écologiste. La réunion des différentes organisations sous la forme d'un même parti n'était donc pas chose aisée. Depuis l'origine les écologistes ont critiqué les partis professionnels comme des machines à distribuer des postes déconnectés de la réalité. Ce discours antisystème partisan tend à disparaitre avec l'émergence des Verts en tant que parti. De fait ils intègrent le jeu politique. Ce basculement, qui peut être compris par certains comme une trahison, permet aussi aux écologistes de lever le principal frein à leur aventure électorale. L'échec de la liste Europe Ecologie à dépasser les 5% (synonymes de députés dans une élection à la proportionnelle) alors que les sondages la plaçaient régulièrement au-dessus marque une prise de conscience pour les écologistes. Sans structure établie, il n'est guère possible de franchir les barrières institutionnelles qui les confinent à la marge. Signe de cette contradiction profonde, les Verts choisissent un mode d'organisation (nous l'étudierons en détails plus tard) qui l'éloigne du profil type d'un parti de pouvoir. Ce choix est idéologique dans la mesure où les écologistes souhaitent faire de la politique « autrement » et entendent instituer une démocratie interne à toute épreuve. Mais c'est aussi une nécessité pratique. Il faut en effet agréger sur le long terme les militants issus de mouvements divers (gauchistes, environnementalistes, féministes, tiers mondistes, ...) dans un même ensemble. Ce double impératif donne alors naissance à une organisation qui permet la libre expression de tous dans le respect de la stricte égalité. A titre d'exemple le principe du fédéralisme est inscrit dans les statuts, tout comme des droits conséquents pour les minorités ou des mesures pour éviter la professionnalisation des dirigeants du parti. Mais au-delà des spécificités organisationnelles, le parti écologiste reste dans un processus d'institutionnalisation qui s'accélère au contact du pouvoir. L'entrée dans les institutionsMalgré la fusion des organisations écologistes, une contradiction latente demeure entre deux conceptions de la politique. Certains, issus notamment des Verts-Parti écologiste, considèrent que la forme parti est en priorité une rampe de lancement pour atteindre le pouvoir et résoudre la crise écologique grandissante. D'autres, les anciens de la Confédération écologiste, voient davantage le parti comme une fin. L'organisation partisane doit respecter l'application de leurs principes pour dessiner l'organisation sociale souhaitée. Nous verrons plus loin les compromis auxquels donne lieu cette contradiction. Cependant cette dernière tend à disparaitre à mesure que les écologistes se confrontent aux suffrages populaires et gagnent des élus. Ce moment est sensible pour toute petite formation partisane et d'autant plus pour les Verts. Il y a en effet chez les écologistes un sentiment encore bien ancré que le changement ne peut venir des institutions politiques. Seul le mouvement social aurait la force nécessaire pour y parvenir. Cette perspective « sociétaliste » au sens de Gregg O. Kvisted241(*) est profondément modifiée par l'élection de nombreux écologistes à des postes de responsabilité. Les aventures électorales développent une culture de gestion inédite chez les écologistes en même temps qu'elles changent les positions sociales des nouveaux élus242(*). La rhétorique antisystème cède progressivement la place à un discours de crédibilité. Les institutions sont présentées comme les leviers de la transformation écologique qu'ils appellent de leurs voeux. En dépit de l'alternance entre périodes d'extension électorale et de repli, l'idée de privilégier la conquête des mandats s'impose. L'entrée des écologistes au Parlement et au gouvernement de « majorité plurielle », suite à la dissolution « surprise » du Président Chirac en 1997 et à la victoire de la gauche, parachève la conversion gestionnaire. Toutefois cela n'est pas sans risque. Le nombre d'élus croit en effet plus rapidement que le nombre d'adhérents, ce qui est un vrai problème pour un jeune parti. Erwan Lecoeur compte deux milles élus pour six mille adhérents en 2008243(*). Ajouté aux quelques 50% d'adhérents en moyenne qui s'abstiennent de tout débat concernant la vie interne du parti, le déséquilibre entre élus et militants est patent. Certains pointent alors le risque d'une « PRGisation »244(*) des Verts, en particulier dans les périodes de reflux électoral à l'instar des élections régionales de 2004 ou des municipales de 2008 lorsque les Verts s'allient dès le premier tour avec le P.S en échange de postes le plus souvent. L'évolution institutionnelle des Verts est aussi perceptible à travers la présentation de bilans à partir des années quatre-vingt-dix. Ce devoir d'inventaire suite à la participation à de nombreux exécutifs (municipaux, régionaux, gouvernemental) ou à leur présence à l'Assemblée nationale ou au Parlement européen témoigne d'une intégration politique assumée245(*). L'usage du bilan marque en effet une étape décisive pour les Verts français. D'une part le bilan démontre le poids concret des écologistes sur les politiques publiques ce qui légitime leurs prétentions électorales ; d'autre part le travail des élus est évalué sur des critères autres que les valeurs internes du parti. La publication de bilans manifeste l'insertion des écologistes au champ de la politique traditionnelle en acceptant de se plier un peu plus à ses règles. Du début des années quatre-vingt au début du XXIème siècle, les écologistes ont beaucoup changé. Leurs thèses se sont peu à peu banalisées et trouvent un écho croissant dans l'opinion publique. En outre les Verts assument pleinement leur intégration au jeu partisan après l'éviction d'Antoine Waechter de la direction du parti. La ligne « ni-ni » cède la place à un pragmatisme électoral qui entérine la définition des Verts comme parti généraliste de gouvernement. Cette évolution se retrouve également cahin-caha dans les pérégrinations organisationnelles des écologistes.
* 241 KVISTED, Gregg O., «Between State and Society : Green Political Ideology in the Mid-1980s», West European Politics, Vol. 10, No. 2, Avril, 1987, p. 211-228 * 242 Cf. PELLETIER, Willy, « Positions sociales des élus et procès d'institutionnalisation des Verts », Contretemps, n°4, mai 2002, p. 58-70 * 243 LECOEUR, Erwan, Des écologistes en politique, op.cit., p. 164 * 244 Le Parti radical de gauche est devenu un parti d'élus sans militants suite à une stratégie d'alliance systématique avec le P.S. * 245 Voir VILLALBA, Bruno, « Les écologistes à l'heure du pragmatisme », dans Pierre Bréchon (dir.), Les Partis Politiques français, Paris, La Documentation française, 2005, p. 153-178. |
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