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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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2. Un clivage marché/nature pour expliquer l'émergence du parti Vert

Si l'hypothèse d'un cinquième clivage matérialistes/postmatérialistes n'est pas complètement recevable, le constat de départ demeure juste. La théorie des clivages explique assez mal l'émergence de l'écologie partisane. De prime abord le paradigme des quatre clivages fondamentaux semble donc inadapté. Nous tacherons cependant de démontrer que sa souplesse permet d'interpréter les partis Verts par une objectivation du clivage urbain/rural.

Les partis Verts issus du clivage urbain/rural ...

Le paradigme de Stein Rokkan et Seymour M. Lipset a été repris par Daniel-Louis Seiler qui le prolonge dans une taxinomie détaillée des partis politiques occidentaux. Il précise les huit familles de partis qui procèdent chacune d'un des versants opposés des quatre clivages fondamentaux. Se confrontent donc sur le clivage possédants/travailleurs, partis ouvriers (de « gauche ») et partis bourgeois (de « droite ») ; partis de défense religieuse (cléricaux) et partis sécularistes (anticléricaux) sur le clivage Eglise/Etat ; partis centralistes (nationalistes) et partis de défense territoriale (autonomistes) sur le clivage centre/périphérie ; enfin, partis agrariens et écologistes contre partis de défense urbaine (productivistes) sur le clivage rural/urbain188(*). Cette typologie de partis reprend la méthodologie de Rokkan et Lipset. Les partis sont classés en fonction de conflits historiques qu'ils expriment politiquement. Il s'agit donc de repérer le moment fondateur de chaque parti pour pouvoir le situer sur les lignes de faite de l'espace politique. A la suite de Daniel-Louis Seiler nous envisagerons ici les partis Verts comme manifestation du quatrième clivage urbain/rural.

Conséquence de la révolution industrielle le clivage urbain/rural est d'ordre économique (à l'instar du clivage possédants/travailleurs) et produit ses effets sur un axe territorial. Les partis issus de ce clivage se trouvent dès lors dans un « un double champ d'oppositions et d'alliances avec les formations issues du clivage possédants/travailleurs d'une part et du clivage centre/périphérie de l'autre »189(*). Autrement dit les autonomistes et partis de gauche seraient leurs alliés tandis que les partis centralistes et conservateurs seraient leurs adversaires.

En vérité le versant rural de ce clivage concernait originellement les partis agrariens générés en réaction aux transformations brutales du monde agricole lors de la révolution industrielle. Leur influence fut particulièrement forte dans les pays scandinaves et notamment en Suède où les agrariens participèrent à l'élaboration de l'Etat Providence au sein d'une coalition avec les sociaux-démocrates. Dans les années 1950, le parti agrarien suédois devient le Centerparteit (le parti du centre) et se dote d'un véritable programme écologiste. En outre il se bat contre l'urbanisation galopante, le gigantisme urbain (refus du projet de mégapole autour de Stockholm) et s'oppose vigoureusement à l'énergie nucléaire. Devant l'échec des coalitions avec les sociaux-démocrates et avec les conservateurs, une partie du parti agrarien suédois finit par faire scission pour créer en 1981 le Miljöpartiet (le parti de l'envirronnement) qui forme en 1985 le Miljöpartiet de Gröna (le parti de l'environnement, les Verts). Le même phénomène d'agrariens défenseurs de l'environnement est observable dans le reste de la Scandinavie. Les partis écologistes auraient donc une certaine filiation avec les agrariens. Jérôme Viallate remarque à ce propos « une parenté terminologique intéressante » entre les écologistes et les agrariens puisque les deux familles abhorrent la même couleur, le vert, qui représente pour eux les « mêmes valeurs de nature » 190(*).

La proximité entre agrariens et écologistes démontre l'arrimage des partis Verts au même clivage rural/urbain. Selon Seiler, agrariens et écologistes procèdent d'une contradiction similaire homme/nature. Cette dernière s'exacerbe avec la révolution industrielle qui détruit l'économie agricole et son organisation sociale au profit d'une économie de marché. En effet l'avènement du capitalisme libéral industrialise l'agriculture, précipite l'exode rural de nombreux paysans et bouleverse les équilibres naturels. Ce processus d'implantation du marché libre dans les sociétés occidentales est au centre de ce que Karl Polanyi appelle La grande transformation. La réaction sociale qu'elle suscite est pour lui légitime puisqu' « abandonner le destin des hommes et du sol au marché équivaudrait à les anéantir »191(*).

* 188 SEILER, Daniel-Louis, Les Partis Politiques, op.cit., p.79-89

* 189 SEILER, Daniel-Louis, Clivages et familles politiques en Europe, op.cit., p. 246

* 190 VIALLATE, Jérôme, Les partis verts en Europe occidentale, Economica, Paris, 1996, p. 188

* 191 POLANYI, Karl, La grande transformation, Paris, Gallimard, 1989, p. 180

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