La question de la décroissance chez les verts français( Télécharger le fichier original )par Damien ZAVRSNIK Université Aix- Marseille - Diplôme d'études politiques 2012 |
L'antiproductivisme, une valeur centrale pour les élus VertsLa production idéologique d'un parti politique n'est pas seulement l'apanage des textes fondateurs ou autres documents d'orientation. Elle passe également par le discours et la personnalité des acteurs de ce parti. Nous n'avons pas ici la prétention de dégager statistiquement les occurrences de la référence à l'antiproductivisme dans les discours et interventions médiatiques des chefs de file écologiste. Cependant le travail d'enquête réalisé pour cette étude peut constituer une indication intéressante. Pour amorcer une vérification empirique de notre hypothèse selon laquelle l'antiproductivisme serait un invariant culturel des Verts français nous avons posé la question de la place de l'antiproductivisme dans les valeurs fondamentales des Verts à différents cadres écologistes. Parmi eux, nous avons déjà évoqué Yves Cochet pour qui l'antiproductivisme est au coeur de la pensée écologiste puisqu'il vient à en confondre écologie politique et décroissance. Deux autres membres historiques des Verts apportent également leur éclairage. Pour l'eurodéputée Catherine Grèze147(*) l'antiproductivisme est « l'essence même de notre projet »148(*) écologiste. C'est une « valeur clé » qui fait office de « dénominateur commun » aux écologistes. En effet l'élue du Sud-Ouest explique que les Verts sont un syncrétisme de « cultures différentes ». Aux environnementalistes majoritaires à la création du parti en 1984 s'ajoutent des profils plus « sociaux » avec l'arrivée plus tard de militants issus de l'extrême gauche et de déçus du Parti Socialiste Unifié (PSU). Hugues Stoeckel, ancien conseiller régional et membre fondateur des Verts, confirme également la centralité de l'antiproductivisme. Selon lui « c'est la valeur fondatrice »149(*) et il ajoute « sans laquelle on n'est pas écolo ». L'antiproductivisme serait alors non seulement au coeur du projet écologiste mais définirait également le périmètre politique de la famille écologiste. L'analyse de Jean Paul Besset est sensiblement la même, voyant dans l'antiproductivisme « l'identité même des écologistes depuis toujours »150(*). Dans le même ordre d'idée Philippe Lamberts, eurodéputé écologiste belge et porte-parole du Parti Vert européen, caractérise l'antiproductivisme comme « la racine historique de l'écologie politique »151(*). Membre de la Commission économique et monétaire du Parlement européen, il met en exergue que la crise économique et financière légitime la critique de la société productiviste. Pour les écologistes c'est donc le moment « d'être radical » c'est-à-dire de « renouer avec ses racines » antiproductivistes. Le refus du productivisme est aussi un élément de différenciation vis-à-vis des autres formations partisanes. Dans un entretien accordé au sociologue Erwan Lecoeur, Cécile Duflot et Daniel Cohn Bendit mettent en avant l'autonomie du projet écologiste. La secrétaire nationale d'EELV définit en effet l'écologie politique comme une « capacité à dire que les discours dominants sur le productivisme et la croissance, discours partagé à droite et à gauche, ne sont pas des évidences »152(*). L'ex leader de Mai 1968 revient lui sur les sources du positionnement politique des écologistes : « Dans le ni gauche ni droite, il y avait quelque chose de vrai. C'est vrai qu'on est critique du productivisme de gauche et du productivisme de droite, donc on est ni à gauche ni à droite, on est autre part... »153(*). L'écologique politique serait donc profondément marquée par le poids de l'antiproductivisme. Faute d'un nombre d'entretiens suffisant pour valider empiriquement l'hypothèse, il faut se garder de toute conclusion généralisante. Toutefois l'étude du corpus intellectuel, du texte fondateur et des valeurs communes à ces représentants permettent de définir ce concept comme l'ossature du projet écologiste. D'autant que l'antiproductivisme est également au coeur de l'histoire du parti écologiste et de ses péripéties. * 147 Catherine Grèze est députée écologiste au Parlement européen, adhérente à la création des Verts en 1984. Membre pendant neuf ans de l'exécutif des Verts elle a mis notamment en place la coordination des Verts mondiaux * 148 Propos recueillis lors d'un entretien avec Catherine Grèze au Parlement européen à Bruxelles le 5 mai 2011. * 149 Propos recueillis à l'aide d'un questionnaire retourné par courriel le 25 août 2011 * 150 Propos recueillis lors d'un entretien au Parlement européen à Bruxelles le 23 Mai 2011 * 151 Propos recueillis lors d'un entretien au Parlement européen à Bruxelles le 13 Mai 2011 * 152 LECOEUR, Erwan, Des écologistes en politique, Paris, Lignes de Repères, 2011, p. 129 * 153 Ibid, p. 134 |
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