La question de la décroissance chez les verts français( Télécharger le fichier original )par Damien ZAVRSNIK Université Aix- Marseille - Diplôme d'études politiques 2012 |
Un texte fondateur clairement antiproductivisteEn 2008 le Parti Socialiste révisait sa déclaration de principes, sorte de vade-mecum idéologique et abandonnait pour la première fois de son histoire toute référence à la Révolution. Le parti écologiste s'est aussi doté de ce type de document à l'occasion de la « transmutation »145(*) des Verts en Europe Ecologie - Les Verts, nouveau mouvement prenant acte de la logique d'ouverture issue du succès électoral des européennes de 2009 et des régionales de 2010. Contrairement à la déclaration de principes socialiste ce texte fondateur n'est pas un aggiornamento idéologique. Il est au contraire une synthèse de la doctrine écologiste depuis leur entrée dans le jeu politique et inscrit dans le marbre l'identité antiproductiviste du parti. Le 13 Novembre 2008 est officiellement adopté à Lyon le Manifeste pour une société écologiste146(*) rédigé par l'eurodéputé et ancien rédacteur en chef du journal Le Monde, Jean Paul Besset. Ce texte fondateur adopté par les militants n'est pas un projet ou une plateforme programmatique mais un ensemble d'idées force qui décrivent la vision des écologistes pour le monde de demain. Un tel manifeste est loin de relever de l'anecdote. Il établit un ensemble de représentations et de valeurs qui définit le cadre de l'action collective. Par-là, le manifeste pose des jalons idéologiques qui dessinent une ligne de pensée commune à tous les acteurs du parti écologiste. Dans le contexte de recomposition de la famille écologiste autour d'une dynamique d'union, l'importance de rappeler les fondements de l'écologie politique afin que chacun puisse s'y retrouver est loin d'être secondaire. De surcroît, dans un parti aux référents idéologiques dispersés, le Manifeste pour une société écologiste est une remarquable tentative de mettre à jour la permanence du projet écologiste dans l'espace et dans le temps. A l'étude du texte, l'objectif semble doublement atteint. Le manifeste affiche d'emblée sa prétention à l'universalité. Il se place sur le plan de « l'humanité » qui aspire « à refuser la défaite de l'Homme [...] partout dans le monde ». En cela les écologistes assument leur « projet global » qui prend tout simplement acte que la crise écologique a lieu et ne peut se résoudre qu'au niveau mondial. La permanence dans le temps se traduit par la déclinaison exhaustive du concept de l'antiproductivisme. Les mots « productivisme » et « productiviste » trouvent une occurrence à dix reprises dans un texte d'une quinzaine de page. Le mot « croissance » est lui présent onze fois et régulièrement accolé à l'adjectif « infinie ». Au-delà de cette évaluation quantitative, c'est tout l'équilibre du texte qui est bâti sur la dialectique entre productivisme destructeur et antiproductivisme salutaire. Dès la troisième phrase elle prend une acuité certaine renforcée par la puissance du verbe : « Sous l'impact d'un système aveuglément productiviste et violemment inégalitaire, le train du progrès s'égare ». Cette dialectique s'illustre par la suite dans une série de questions rhétoriques (« comment interrompre la course suicidaire au productivisme sans provoquer une récession encore plus grave, [...] comment sortir d'un monde où les uns souffrent de manquer de l'indispensable tandis que d'autres sont soumis aux délires du consommer trop ») qui justifient l'émergence d'une nouvelle « offre politique » écologiste. Cette dernière affirme la volonté de libérer la société des « diktats irrationnels du productivisme » et d'incarner une « alternative crédible à la méga-machine productiviste, marchande, hyper consumériste et aliénante qui conforte l'oppression des plus fragiles et qui épuise la planète ». Le parti écologiste revendique alors un « projet en ruptures » dont la ligne de fond est de préférer « au dogme de la croissance infinie, la décroissance des excès ». La singularité de la vision écologiste n'épargne pas les acteurs traditionnels du jeu politique. Capitalisme et socialisme sont renvoyés dos à dos « saisis d'impuissance face à l'effondrement du credo productiviste qu'ils partagent ». L'étude lexicale du texte fondateur d'Europe Ecologie - Les Verts démontre toute la portée de l'antiproductivisme dans l'engagement des écologistes en politique. Il est à la fois le prisme par lequel les écologistes posent leur diagnostic sur la société et celui à travers lequel ils proposent leurs remèdes. Sans surprise, on retrouve cet attachement dans le discours des élus Verts. * 145 Selon l'expression de Cécile Duflot dans Le Monde du 11 novembre 2010 * 146 Manifeste pour une Société écologiste, http://eelv.fr/ |
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