4-3. Approches épidémiologique et
géomédicale
Darmon (1999 :403) en revisitant l'évolution de la
pensée biomédicale, affirme qu'à partir de 1880, les
hygiénistes ont pensé, contrairement à Hippocrate, que
l'air même inodore constitue une menace encore plus grande que l'eau. Il
ajoute que «c'est la
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poussière qui est le plus grand ennemi de l'homme.
Formidable vecteur microbien, elle apporte la mort en s'insinuant partout.
Contre elle, on ne peut rien, ou presque». Car le fluide
aérien échappe à tout contrôle, les transferts et
échanges atmosphériques ne connaissant pas de limites. C'est
pourquoi, les hygiénistes dans leur lutte contre les différentes
maladies en rapport avec l'état et la qualité de
l'atmosphère, préfèrent s'attaquer aux sources de la
poussière : crachats, macadam, balayage à sec, niche à
poussière (tapis, tenture, plancher). Pour Chrétien et Marsac
(1990 : 269), « l'air atmosphérique nécessaire à
la fonction respiratoire et régulièrement inhalé est
modifié dans sa composition qualitativement et quantitativement
». Ce sont ces modifications qui sont à l'origine de bon
nombre de maladies respiratoires, liées notamment à la
présence d'aérocontaminants variés.
A une échelle réduite, l'Atlas de la Province de
l'Extrême-Nord Cameroun (2000) présente un aperçu
épidémiologique de cette aire géographique. Il y est en
fait question d'une monographie des pathologies fortement dépendantes du
milieu bioclimatique parmi lesquelles, la méningite
cérébro-spinale. Les travaux de Beauvilain (1986 : 181-211)
retracent l'histoire de cette maladie faite de souvenirs douloureux, nés
du désarroi et de l'impuissance des populations face à un
phénomène difficile à maîtriser. Cette maladie qui
« sévit (...) selon un cycle assez régulier... »
et qui serait fortement dépendante de la brume sèche, donne
lieu à un bilan qui inclue l'action de l'Administration coloniale et
celle de l'Etat moderne. Mais auparavant, Lembezat (1950) affirmait que :
« Quant à la méningite
cérébro-spinale, ses victimes la connaissent si bien qu'elles
avaient inventé un masque grossier, un bout d'étoffe
attaché sur le visage, pour protéger leurs voies respiratoires
quand il fallait descendre sur un marché en temps
d'épidémie ».
En ce qui concerne la méningite, Kagombé (2000)
a montré à partir des données climatiques de 1989 à
2000 qu'elle se développe par type de temps chaud et humide. Les cas de
méningite se multiplient à partir du mois de février et
atteignent leur maximum en mars et avril. Le nombre de cas est plus
élevé dans les quartiers pauvres de la ville de
Ngaoundéré. Il en déduit que le climat rythme la
recrudescence de la maladie et que la pauvreté assure
périodiquement les taux élevés de mortalité et de
morbidité, à cause de l'incapacité des populations
à se faire soigner du fait des coûts élevés des
soins.
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Une étude similaire a été faite au
Bénin par Besancenot, Boko et Oké (1997 : 807815) sur l'influence
des conditions climatiques sur la méningite
cérébro-spinale. Ces auteurs ont démontré que la
méningite bien que présente chaque année, n'a pas la
même intensité. Sur 28 années consécutives, ils ont
montré qu'il existe une corrélation positive entre les conditions
climatiques dominées par l'harmattan et le développement de la
méningite, mais avec un léger décalage de l'apparition de
la méningite par rapport à la saison sèche. En effet,
cette étude a permis à ces auteurs de découvrir que le
maximum de cas de méningite a lieu juste après le paroxysme de
l'harmattan et que plusieurs saisons sèches peuvent se succéder
sans véritable alerte épidémique. Ces auteurs ont en outre
soulevé une série de questions liée notamment à la
poussée vers les basses latitudes des cas de méningite et la
forte mortalité de cette pathologie dans les zones jugées en
dehors des aires d'endémie.
Dans une étude portant sur l'influence des variations
saisonnières de brume sèche sur les épidémies de
méningite cérébro-spinale dans l'Extrême Nord
Cameroun , Marquis (2007) à partir de l'analyse comparative des
statistiques épidémiologiques de 1987 à 2000 et des
données climatiques (brume sèche, température et
précipitation) de 1990 à 2000, a montré que le climat
chaud, sec et brumeux d'une part et le contexte humain et
médico-sanitaire d'autre part, semblent représenter un ensemble
des conditions propices au développement de la maladie. Le coefficient
de corrélation calculé à cet effet a été de
0.91. Il a pu également observer que la méningite fait toujours
des victimes parmi les populations à cause notamment de la mauvaise
connaissance qu'elles en ont. De plus, les épidémies de
méningite varient en fonction de l'espace et du temps. Par ailleurs, il
affirme que les stratégies officielles ne permettent pas de lutter
efficacement contre la maladie en cas d'épidémie et qu les
méthodes de lutte traditionnelles quant à elles, s'avèrent
mal adaptées à la réalité scientifique, par
conséquent plus enclines à entretenir un « climat
épidémique ». Il faut donc tenir compte de
l'évolution saisonnière du régime de ce
lithométéore dans les différentes stratégies de
lutte contre cette maladie.
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