B. Les attitudes de l'UA et de la Libye
1. L'attitude de l'UA
Quoique les mesures envisagées dans « la
responsabilité de protéger » ou le « droit
d'intervention de l'Union » poursuivaient un but
désintéressé, en règle générale,
accrochés à leur souveraineté, les Etats africains
étaient réticents face à ces deux concepts. Ils pensaient
que les motifs qui se cachaient derrière la responsabilité de
protéger ne répondaient pas toujours à un objectif
humanitaire. Ils craignaient en effet une intervention « guidée par
des considérations économiques (...)
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ou, plus ordinairement, un exercice d'exportation des valeurs
et des principes partagés par les grandes puissances à
économie de marché »245.
C'est ce qui justifiait le fait que les Etats africains
estimaient pour la plupart que, sous des prétextes humanitaires,
l'intervention de l'Union Africaine ne serait pas neutre et impartiale qu'il
s'agisse des Etats non africains qui invoquaient la responsabilité de
protéger ou l'Union Africaine qui brandissait son droit d'intervention.
Ainsi, se référant à ce qui se passe ailleurs et aux
ingérences humanitaires effectuées par exemple au Timor Oriental
ou en ex-Yougoslavie qui avaient mis en lumière des politiques
cachées que poursuivaient les Etats intervenants, les Etats africains
avaient été poussés à la réticence. Il en
avait été de même à l'occasion de l'intervention
américaine en Irak en 2003. L'attitude du Soudan au sujet du conflit du
Darfour témoignait que les ambigüités du droit
d'ingérence humanitaire246 qui avaient motivé ces
interventions n'avaient pas échappé aux détracteurs de ce
droit d'intervention en Afrique.
A ce sujet, partageant le même avis que le professeur
Jean-Paul SEGIHOBE BIGIRA nous pensons que cette réserve des Etats
africains s'expliquait aussi par les nombreux abus que cette doctrine risque
d'entrainer dans la pratique. Les interventions de la communauté
internationale en Somalie, en Côte d'Ivoire, au Rwanda, en Sierra Leone,
quoique justifiées à des degrés divers par des raisons
humanitaires, ont cependant laissé un goût amère à
de nombreux Etats africains qui craignaient que l'intervention de l'UA puisse
masquer des intentions d'ordre politique et économique de certaines
puissances régionales (Nigéria, Afrique du sud, Libye, Egypte,
etc.). Par conséquent, l'auteur ajoute que tout retour vers
l'unilatéralisme doit
245 PARIS R., « International peacebuilding and the
mission civilisatrice », cité par SEGIHOBE BIGIRA Jean-Paul,
Op-cit., p.14
246 Sur cette notion, lire CORTEN Olivier cité par
SEGIHOBE BIGIRA Jean-Paul, Op-cit., p.14 ; BOUCHET-SAULNIER
Françoise, Op-cit, 2006, p.310 ; NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER
Patrick, FORTEAU Mathias et PELLET Allain, Op-cit, 2009, p.493 ; BULA
BULA Sayeman, « L'idée d'ingérence à la
lumière du nouvel ordre mondial », Op-cit., p.15 ;
BULA-BULA Sayeman, L'ambigüité de l'Humanité en droit
international, Op-cit., p.4 ; DJIENA WEMBOU Michel-Cyr, « Le droit
d'ingérence humanitaire : Un droit aux fondements incertains, au contenu
imprécis et à géométrie variable
»,Op-cit.; KDHIR Moncef, Op-cit, p.901 ; BELANGER
Michel, Op-cit, p.89
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être banni et seul le Conseil de Sécurité
doit autoriser une action militaire à vocation humanitaire ou pro
démocratique247.
2. L'attitude de la Libye248
Le ministre des Affaires étrangères libyen
Moussa Koussa avait déclaré le 18 mars 2011 au cours de la
matinée un cessez-le-feu immédiat et déclaré que la
Libye entreprendrait "tout pour protéger la population civile et pour
que l'aide humanitaire dont elle a besoin soit acheminée. Il avait
également expliqué que la Libye était prête au
dialogue. Déclaration qui n'avait pourtant pas été
respectée par les mêmes autorités libyennes.
Catherine ASHTON avait immédiatement réagi
à cette annonce, déclarant que l'UE allait examiner "les
détails de l'annonce de cessez-le-feu par le régime libyen" tout
en soulignant qu'il fallait s'interroger sur sa "signification". Le chef du
gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez ZAPATERO, avait de son
côté déclaré que la communauté internationale
"n'allait pas se laisser tromper" par le régime libyen "et allait
vérifier par tous les moyens le degré de respect" de la
résolution de l'ONU.
Enfin, une dernière question faisant couler beaucoup
d'encre et de salive dans la crise libyenne est l'intervention de l'OTAN en
Libye. Parcourons-la à présent à la dernière
section.
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