La responsabilité de protéger au regard de la crise libyenne( Télécharger le fichier original )par Hippolyte LUABEYA Pacifique Université de Kinshasa RDC - Licence 2010 |
§2. L'éclatement des alliances tribalesLa Libye est un Etat sociologiquement constitué par des alliances tribales. Ces dernières ont depuis belle lurette caractérisé la vie du peuple libyen. Mais, puisque dans toute société, il y a toujours des problèmes qui surgissent, ces alliances vont plus tard s'effriter. L'histoire libyenne démontre que le guide libyen s'est rendu responsable de multiples attentats224, de nombreux crimes et de la déstabilisation de régions entières de l'Afrique. A cet effet, certains pensent que la fin de Kadhafi est en effet moins une aspiration démocratique populaire que la manifestation de l'éclatement de l'alchimie tribale sur laquelle reposait son pouvoir225. A la différence de la Tunisie ou de l'Egypte, la Libye, dont plus de 90% du territoire est désertique, est un conglomérat de plus de 150 tribus divisées en sous tribus et en clans. Ces ensembles ont des alliances traditionnelles et mouvantes au sein des trois régions composant le pays, à savoir la Tripolitaine avec la ville de Tripoli qui regarde vers Tunis, la Cyrénaïque dont la capitale est Benghazi et qui est tournée vers Le Caire et le Fezzan dont la principale ville est Sebba et qui plonge vers le bassin du Tchad et la boucle du Niger. De l'indépendance de la Libye, en 1951, jusqu'au coup d'Etat qui porta le colonel Kadhafi au pouvoir en 1969, la Libye fut une monarchie dirigée par les tribus de Cyrénaïque. Membre d'une petite tribu chamelière bédouine, le colonel Kadhafi fut porté au pouvoir par une junte militaire multi tribale mais dans laquelle dominaient les deux principales tribus de Libye, celle des Warfallah de 224 L'implication de la Libye dans deux attentats perpétrés contre des avions civils en 1988-1989 lui valent des sanctions internationales sévères à partir de 1992. Mais la mise au ban internationale de la Libye s'assouplit à partir de 1999 alors que le gouvernement de Tripoli reconnaît sa responsabilité dans les attentats de 1988-1989. Après avoir accepté d'indemniser les familles des victimes des attentats, la Libye obtient en septembre 2003 la levée des sanctions de l'ONU. 225 LUGAN Bernard, « La crise libyenne, aspiration démocratique ou éclatement des alliances tribales » à consulter dans
www.lescrutateur.com/article-l-analyse-originale-de-la-crise-lybienne-par-bernard-lugan- 226 Idem 92 Cyrénaïque et celle des Meghara de Tripolitaine. La plupart des tribus de Cyrénaïque demeurant attachées à la monarchie, le colonel Kadhafi réussit un grand coup politique en épousant une fille du clan des Firkeche membre de la tribu royale des Barasa, ce qui lui assura le ralliement de la Cyrénaïque rebelle226. Fort malheureusement, c'est tout son système d'alliance avec la Cyrénaïque qui avait volé en éclats. La date clé du délitement tribal du système Kadhafi est 1993 quand un coup d'Etat des Warfallah fut noyé dans le sang. Les haines furent ensuite tues tant la terreur imposée par le régime fut forte, mais les tribus de Cyrénaïque n'attendaient qu'une occasion pour se révolter et cette occasion se présenta durant le mois de février 2011. Ces tribus s'emparèrent alors de la région et arborèrent le drapeau de l'ancienne monarchie. C'est là aussi l'un des facteurs incitatifs au soulèvement populaire en Libye. En définitive, de l'analyse de la situation en Libye, nous pensons que les aspirations démocratiques constituent les facteurs déterminants qui ont été à la base du soulèvement populaire en Libye au regard des éléments avancés précédemment quoique le contexte économique de ce pays en est aussi un élément dont il faut tenir compte. Au regard de ce qui précède, le Conseil de Sécurité était dans l'obligation de mettre en oeuvre le principe de la responsabilité de protéger en Libye pour arriver à protéger la population civile de toutes les exactions auxquelles faisait face le peuple libyen. Ainsi, pour mieux appliquer le principe de la responsabilité de protéger, le Conseil de Sécurité a pris deux résolutions. La première a été prise le 26 février 2011 (résolution 1970) et la deuxième le 17 mars 2011 (résolution 1973). A ces deux résolutions, il convient d'ajouter celle prise par le Conseil de Sécurité le 27 octobre 2011 mettant fin à la mission de l'OTAN en Libye. Mais seule la résolution 93 1973 sera analysée car c'est elle qui a autorisé une intervention armée en Libye. Cela, c'est en fait pour répondre à la problématique de cette étude. Toutefois, rien n'empêche que de temps en temps, recours soit fait à la résolution 1970 et à celle prise le 27 octobre 2011 mettant fin à la mission de l'OTAN en Libye pour élucider certains aspects de cette étude. 94 |
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