La responsabilité de protéger au regard de la crise libyenne( Télécharger le fichier original )par Hippolyte LUABEYA Pacifique Université de Kinshasa RDC - Licence 2010 |
B. L'inégalité, la corruption dans la gestion de l'Etat, le manque des libertés fondamentales et l'influence des médiasL'inégalité, la corruption dans la gestion de l'Etat et le manque des libertés fondamentales, d'une part et, d'autre part, l'influence des médias sont là les autres facteurs que nous avons retenus comme incitateurs au soulèvement populaire en Libye. 1. L'inégalité, la corruption dans la gestion de l'Etat et le manque des libertés fondamentales La Libye est un Etat caractérisé par l'absence de la mise en oeuvre des mécanismes de gouvernance politique, économique et social. Ceci a même été à la base des mutations observées en Afrique du Nord. Force est de constater que les inégalités217, la corruption dans la gestion de l'Etat et le manque des libertés fondamentales sont des vices ayant élu domicile en Libye et ayant ainsi favorisé la réaction de la population libyenne. De ce fait, nous pensons avec le professeur Jean-Berchmans LABANA LASSAY'ABAR qu'il faudrait qu'il y ait une prise de conscience des dirigeants pour une meilleure gouvernance de la Libye. Il est aussi nécessaire que ces autorités tiennent compte des questions sociales dans la gestion de l'Etat, accordent réellement une place à la population dans les programmes de développement, mettent sur pied une politique sociale plus efficace notamment en matière de création d'emplois pour les jeunes diplômés et enfin mettent une meilleure politique de distribution du revenu national pour apaiser les grognes sociales218. 217 Nous sommes dans une situation paradoxale : un Etat riche mais une population pauvre avec un déséquilibre spatial. La répartition spatiale a été très inégalitaire, (Benghazi a été délaissé ce qui explique que la révolte a débuté dans cette province), la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches sociales se limitant à des indicateurs globaux de portée opératoire limitée, ce qui explique les révoltes populaires. 218 Lire aussi LABANA LASSAY'ABAR Jean-Berchmans, Op-cit, pp.16-17 89 En somme, tous ces facteurs constituent des causes profondes des conflits qu'il faudrait prendre en considération dans la responsabilité de protéger d'après l'ONU. D'où il fallait arriver à les traiter afin de prévenir efficacement sur le long terme les éventuels conflits qui pourraient naitre au sein de l'Etat libyen219. Chose qui n'a malheureusement pas été faite. La conséquence est que les autorités libyennes ont vu surgir un conflit sanglant qui a rongé la Libye. On peut admettre, dans ce même ordre d'idées, avec André CABANIS et all. que les rapports qui ont été élaborés à partir des années 2000, en s'appuyant sur le principe bien connu selon lequel « il vaut mieux prévenir que guérir », tout en s'inscrivant dans le sillage de l'agenda pour la paix, mettront davantage l'accent sur les situations socio-économiques et sur la prévention sur le long terme. Comme l'indique par exemple le Rapport du millénaire présenté par le Secrétaire Général de l'ONU en 2000, la plupart des conflits qui ont marqué les deux dernières décennies sont étroitement liés au problème de la pauvreté et à l'exclusion des minorités dans les États concernés. Dans ces conditions, la question de la prévention ne peut plus concerner seulement des activités d'ordre diplomatico-militaire, mais aussi des initiatives visant à agir sur les facteurs sociopolitiques et économiques des conflits220. Le Secrétaire général de l'ONU a, quant à lui, précisé que ce sont des nouveaux arrangements sur tous les continents qui ont promu la prévention221. Ceci prouve à suffisance le rôle de la prévention des conflits notamment dans le contexte tel que celui de la Libye. Mais hors-mis tous ces facteurs, il y a un facteur qui nous semble être aussi incitatif au soulèvement populaire en Libye. Il s'agit des médias. 219 Voir CIISE, Op-cit, pp.25-26. 220 CABANIS André, CROUZATIER Jean-Marie, RUXANDRA Ivan, MBONDA Ernest-Marie et MIHALI Criprian, La responsabilité de protéger : une perspective francophone, Idea Design & Print Editurã, Cluj, 2010, p.67. Ces auteurs précisent en outre qu'en termes d'efficacité, c'est la prévention à long terme qui est la plus prometteuse. Non seulement il est impossible pour l'ONU de gérer tous les conflits qui se produisent dans le monde, mais cette forme d'anticipation permet, à des coûts moins élevés sur le plan humain et matériel, de désamorcer la plupart des situations porteuses de conflits ; lire aussi GHYS Arnauld, « Responsabilité de protéger : Une approche critique », in Coordination Nationale d'Action pour la paix et la Démocratie, p.3 ; Document de la réunion plénière sur la responsabilité de protéger de l'Assemblée générale des Nations Unies à sa 63è session du 23 juillet 2009. Points 44 et 107, p.3 221 L'ONU publie un nouveau rapport sur la responsabilité de protéger, juillet 2009, p.2, à consulter dans http://www.adequations.org 90 2. L'influence des médias L'accès effectif aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (Internet, Facebook, Messenger) a constitué un vecteur puissant dans la crise maghrébine notamment la crise libyenne. En effet, toutes ces nouvelles technologies de l'information et de la communication ont favorisé le rapprochement des peuples et des nations. Bien que l'accès aux médias est faible en Libye ( 4, 4% seulement de la population libyenne a accès à ces médias222), la communication à travers lesdits médias a été d'une importance capitale pour le soulèvement populaire en Libye. Ce soulèvement, à notre avis, traduit largement des aspirations légitimes du peuple libyen. D'ailleurs, le professeur Sayeman BULA-BULA estime que la prudence s'impose dans l'appréciation des événements violents en Libye en raison de la situation spécifique de cet Etat. Il ajoute que les causes des mouvements violents dans les confins de l'Est de ce pays (Tobrouk, Benghazi) ne sont pas identiques à celles du Maghreb, Machrek, Proche et Moyen-Orient. Ils portent malheureusement, d'après le même auteur, en germe les risques d'une accentuation du néocolonialisme si l'Etat hégémonique et ses satellites les exploitent à leur profit et que les peuples qui se sont soulevés baissent la garde223. Après avoir passé en revue les aspirations démocratiques comme premier groupe des causes du soulèvement populaire en Libye, analysons aussi une autre cause de ce soulèvement à savoir : l'éclatement des alliances tribales. 222 Dans son rapport de 2011 sur la situation des droits humains dans le monde, Amnesty International souligne que les médias, largement contrôlés par le gouvernement libyen, étaient soumis à des restrictions sévères. Lire la page 197 du rapport. 223 BULA-BULA Sayeman, Op-cit, p.17 91 |
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