L'optimisation des PCS (plan communal de sauvegarde) et de la gestion du risque « inondation » au moyen d'outils SIG (système d'information géographique) dans le grand delta du Rhône.( Télécharger le fichier original )par Yann VISSEROT Université Montpellier 3 Paul Valéry - Master gestion des catastrophes et des risques naturels 2011 |
1.3.3. Période de retour des cruesLe Rhône à Beaucaire est considéré en crue quand le débit dépasse 3850 m3/s (seuil d'alerte jaune Météo France). Ces crues sont fréquentes et ne causent pratiquement pas de dégâts. Mais des crues plus conséquentes se produisent relativement souvent. Le tableau 1 présente ces périodes de retour ; il est basé sur les données de l'EGR et le tableau de synthèse de la Banque Hydro. Concernant les données de la Banque Hydro, elles ont été calculées sur 85 ans (1920-2005) et fournissent un intervalle de confiance où le paramètre estimé a 95% de chance de se trouver. Tableau 1 : Période de retour des crues à Beaucaire. (Y.Visserot, 2011)
Les débits pendant les crues sont très importants, même pour une crue décennale. Le débit du Rhône à Beaucaire sera cinq fois supérieur au débit annuel moyen. La fréquence et l'importance des volumes mis en jeux ont parfois conduit à des évènements marquants. Les populations du Rhône ont développé une culture du risque forte pour pouvoir apprendre à vivre avec ce fleuve. Figure 7 : Le nombre d'arrêtés CATNAT "inondations" par commune des départements du bassin versant du Rhône. 1.3.4. Retours sur quelques crues historiques.Comme nous l'avons dit précédemment, les crues du Rhône sont fréquentes. Cependant, certaines de ces crues sont considérées comme des évènements majeurs et ont fortement influencé la gestion du risque inondation dans le Delta du Rhône. Entre 1856 et 2011, le Rhône a connu six crues au débit supérieur à 10000 m3 (proche de la centennale) (figure 8). Figure 8 : Les trente plus fortes crues du Rhône à Beaucaire entre 1856 et 2003. Source CNR 2004. (Y.Visserot, 2011) Durant le XIXe siècle, de nombreuses crues se sont produites. Celle de 1840 figure encore aujourd'hui parmi les évènements les plus catastrophiques. La crue d'octobre-novembre 1840 reste, en termes d'aléas, l'évènement le plus impressionnant, décrit par Maurice Pardé en 1925 comme « l'événement météorologique le plus grandiose et le plus déconcertant qui se soit jamais produit dans le bassin du Rhône ». Le débit estimé à 13 000 m3 à Beaucaire n'a pas été dépassé depuis. Elle est due à la succession et la simultanéité de pluies océaniques et d'averses méditerranéennes sur l'ensemble du bassin du Rhône : c'est une crue généralisée. « La levée de la Montagnette au nord de Tarascon a été pulvérisée en plusieurs endroits et provoqua à l'Est de Tarascon un flot qui submergea l'ensemble de la plaine jusqu'à la mer » (Pardé, 1919). Les digues de la rive droite ne résistèrent pas mieux car 44 000 hectares de plaines furent inondés et la ville d'Aigues-Mortes fut cernée par les eaux. Les zones inondées sont considérables (figure 9). Figure 9 : Champ d'inondation du Rhône en 1840 et en 1856. M.Pardé, 1925. Cette crue a marqué un tournant dans la gestion du risque inondation. Un début d'unification entre les intéressés et la volonté de maîtriser le fleuve au moyen de digues « insubmersibles » aura lieu suite à ces évènements (Méjean, 2007). Mais cette crue catastrophique n'est pourtant pas l'évènement de référence sur le Rhône inférieur. Le 29 mai 1856, le Grand Delta du Rhône connaît à nouveau une crue extraordinaire. Cette crue au débit estimé à 12 500 m3 est encore présente dans les esprits aujourd'hui. Elle sert maintenant de référence pour la gestion du risque inondation dans cette partie du Rhône ; notamment dans la délimitation des zones inondables dans les PPRi. Malgré les efforts des syndicats de l'époque, l'évènement a été encore plus dommageable que celui de 1840. Cette crue est extraordinaire notamment par sa date, les crues ayant généralement lieux en automne ou en hiver, mais aussi par l'aléa. Cette crue faisait suite à des crues du Rhône et de la Saône moins importantes, mais qui avait gorgé les sols d'eau et fait gonfler les cours d'eau. De nouveau, des ruptures de digues ont eu lieu sur différents ouvrages. Les brèches les plus dommageables se sont de nouveaux produites sur la digue de la Montagnette. La cause de ces brèches est l'effondrement de la digue sans surverse. ). Cette digue sera par la suite confortée et rehaussée (à la fin du XIXe siècle), et une digue de second rang sera construite en 1869 au Nord de la ville, qui n'a plus de réelle utilité, du moins tant que l'ouvrage de la Montagnette ne connait pas de rupture. La brèche de Barallier a laissé une trace bien visible dans le paysage (figure 10). Figure 10 : La digue de la Montagnette Les hauteurs d'eau en centre ville ont atteint les cinq mètres, l'importance des dégâts ont attiré l'attention de Napoléon III qui a visité la ville pendant les inondations (photo 1). Photo 1 : « Napoléon III visitant les inondés de Tarascon en juin 1856 », de William Bouguereau. Toile exposée à l'Hôtel de ville de Tarascon. Cette toile témoigne de l'ampleur de la catastrophe. La sculpture de la Vierge qui figure sur la toile est située face à l'actuelle mairie, au niveau du premier étage (environ quatre mètres). Suite à cette crue, l'intervention de l'Etat dans la gestion du risque sur le Rhône aval s'est affirmé, notamment en subventionnant les syndicats gestionnaires des digues à hauteur de 1/3 des dépenses (Méjean, 2007). Le cadre de réflexion des ouvrages ne se fera plus à l'échelle locale mais à l'échelle du bassin versant, ce qui va permettre un aménagement du territoire plus raisonnée. Après une période où les crues du Rhône sont moins impressionnantes, notamment entre 1890 et 1990, les évènements de 1993 et 1994 ont de nouveau rappelé à tout le monde l'ampleur que pouvait prendre les inondations dans le Delta du Rhône. Mais le dernier évènement marquant et considéré comme historique s'est déroulé en décembre 2003. Le débit a été fixé à 11 500 m3/sec suite à la conférence de consensus. Cette crue fait suite à des évènements méditerranéens extensifs longs et soutenus. Le mois de novembre a été très pluvieux sur le bassin versant de la Cèze et du Gard, puis les précipitations intenses sur l'ensemble du bassin versant ont provoqué une crue du Rhône rapide et puissante (annexe 2). Nous conseillons au lecteur de se rapporter à la bibliographie sur les évènements de 2003 (CNR, DREAL, METEOFRANCE,...) et plus particulièrement le rapport3(*) de la DREAL Languedoc-Roussillon qui a établit une cartographie sur l'ensemble de la zone submergée des dégâts (malgré quelques imprécisions, ce rapport est le plus complet à l'échelle du bassin). Cette crue du Rhône associée à des inondations de plaines par ruissellement, saturation du sol (impluvium) et débordements de canaux ont rendu cet évènement très dommageable (figure 11). Les zones submergées sont d'autant plus importantes que des ruptures de digues se sont produites aussi bien en rive droite qu'en rive gauche, sur le Petit et le Grand Rhône (figure 11). L'ensemble de ces paramètres ont rendu particulièrement difficile la décrue, le ressuyage des plaines a duré plus de trois semaines dans certains secteurs (plaine du Trébon, plaine de Beaucaire à Fourques). Cet évènement a marqué la population par son intensité, les pertes humaines (trois victimes sur l'ensemble du bassin du Rhône - les affluents ne sont pas pris en compte - dont un à Bellegarde dans le Gard) et les nombreux dégâts économiques. Figure 11 : Etendue et causes des inondations dans le Grand Delta du Rhône en 2003 (le haut de la photo est au sud d'Arles). Ces derniers sont chiffrés à hauteur de 335 millions d'euros pour les Bouches du Rhône et 172 millions d'euros pour les Gard (enquête de terrain auprès des administrations de la DREAL LR, 2004). Les secteurs économiques touchés sont principalement l'agriculture et les activités économiques (arrêt des activités, dégradation,...). Cet évènement a provoqué une prise de conscience politique, notamment sur l'entretien et l'état des digues. Le Plan Rhône (sur lequel nous reviendrons dans la partie 2) est une réponse aux crues de 2002 et 2003. Les dernières décennies ont donc été marquées par de puissantes crues du Rhône. Il est intéressant de noter l'augmentation des débits maximum annuels depuis 90 ans (figure 12). Figure 12 : les débits annuels maximum à Beaucaire entre 1920 et 2009. Source: Banque Hydro 2011 (Y.Visserot, 2011). Cependant on ne peut pas prédire d'après ce graphique si des crues dommageables seront plus fréquentes dans le futur. * 3. Disponible à cette adresse : http://www.languedoc-roussillon.ecologie.gouv.fr/etudes_degats_rhone/accueil.html. Ce lien met également à disposition de nombreuses données SIG téléchargeables. |
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