L'insécurité des travailleurs humanitaires dans les zones de conflits armés( Télécharger le fichier original )par Nabi Youla DOUMBIA Institut des relation internationales et stratégiques - Master les métiers de l'humanitaire 2009 |
III. Quelques pistes de réflexionLa question de l'insécurité des humanitaires est d'une grande complexité. Les facteurs de vulnérabilité sont nombreux ainsi que les solutions pour y faire face. Tandis que certains sont liés à l'environnement international dans lequel les humanitaires baignent, les autres ont leur noyau à l'intérieur des organisations elles-mêmes. Les solutions non exhaustives proposées ici sont à la fois interne et externes. Trois pistes nous semblent particulièrement fécondes pour ramener l'insécurité des humanitaires à un niveau acceptable: le nettoyage interne, la désintrication du politico-militaire et le triangle de sécurité. 1. Le nettoyage interneLa floraison des humanitaires dès les années 90 n'as pas eu que des effets positifs sur le sort des victimes de catastrophes naturelles ou humaines. La liberté de conception des O.N.G. a permis l'avènement de nombreuses organisations voyous (rogue N.G.O.) qui ont terni l'image de cette noble corporation. Les mobiles qui poussent à la création d'organisations humanitaires sont aussi divers que les personnalités. Le non lucratif peut se présenter, comme un moyen subtil d'enrichissement rapide. Les O.N.G. écrans permettent ainsi de capter abusivement à son profit la générosité du public ou de s'adonner à des activités illégales. Chacun des grands conflits et chacune des catastrophes a son lot d'O.N.G. de cette nature, qui bien souvent ont une existence éphémère. L'épithète de non-gouvernemental ne recouvre pas non plus, la même réalité partout et souvent cache, en toute contradiction, un lien de filiation avec une autorité étatique. C'est le cas de CARE qui entretient des liens étroits avec le gouvernement américain. En Irak, la coordination des O.N.G. dénonce « l'abus de l'appellation O.N.G. par certaines organisations de charité qui sous couvert d'une identité humanitaire dissimulent un agenda politique ou économique, des compagnies privées, des organisations gouvernementales ou proche des armées continuent de clamer qu'elles sont des O.N.G., souvent au travers d'une fondation de charité qui cache une grande partie de leurs agendas ou de leurs intérêts commerciaux »38(*). Ainsi dans ce pays, nous rapporte Alice-Clara Bernard, une compagnie privée de transport aérien dont la quête de profit était évidente, faisait partie de la coordination des O.N.G.39(*) Il existe une troisième catégorie d'O.N.G. Celle là, a des mobiles louables mais agit sans aucun respect des cultures locales des sociétés où elle intervient. L'exemple le plus emblématique est fourni par L'Arche de Zoé. Cette O.N.G. a défrayé la chronique en 2007, en tentant de faire sortir des enfants du Tchad en toute illégalité. Obnubilée par les souffrances des enfants pris au piège de la guerre au Tchad et au soudan(Darfour), cette organisation va s'employer au mépris des lois à sauver ces enfants. Arrêtés et condamnés, les membres de l'Arche de Zoé seront graciés par le président tchadien en 2008. Les arches de zoé, il en existe des milliers dans le monde des O.N.G. Des O.N.G. qui croient aveuglement au sans frontiérisme et qui s'imaginent qu'on peut faire n'importe quoi pourvu que la finalité soit humanitaire. Ce genre d'agissements ne peut que vouer aux gémonies l'oeuvre humanitaire. Au Tchad et partout en Afrique l'action de l'Arche de Zoé a été interprétée comme une marque de néocolonialisme dont l'assemble de la corporation a fait les frais. Parlant de la réaction des africains consécutive à cette affaire, Christian Troubé affirme: « un ressentiment qui relayé par des medias et des pouvoirs publics africains déchaînés, prendra parfois l'allure d'un rejet violent du travail de toutes les O.N.G. présentes sur place, accusées de propager un nouveau colonialisme. »40(*). Pour redorer un blason qui se ternit de jour en jour, il incombe aux ONG de faire le ménage elles-mêmes. La tâche parait ardue dans la mesure où les O.N.G. sont une action et une émanation citoyenne : aucune n'ayant le pouvoir d'interdire les autres. Créées contre la rigidité du système d'intervention propre aux États, trop de règles pourrait tuer la créativité qui à fait le succès des organisations humanitaires. Cependant, de plus en plus de voix s'élèvent pour appeler à la création d'une organisation internationale des O.N.G. dont seraient parties que les organisations sérieuses. En attendant, des initiatives existent au plan national (Coordination Sud qui regroupe les O.N.G. françaises), régional (InterAction en Europe) et international (Forums Altermondialistes) qui soumettent leurs membres à l'adhésion de chartes et principes contraignants. Pour séparer l'ivraie du vrai et permettre ainsi de conserver son image de sauveteur, les organisations humanitaires et les O.N.G. en particulier doivent faire la purge en leur sein. Si la méthode la plus indiquée pour y parvenir ne fait pas l'unanimité, sa nécessité elle, transcende les opinions divergentes. * 38 Christophe Rémond, `'la sécurité humaine et le rapport entre humanitaires et militaires : perspective historique depuis 1990'' in Human security journal vol7 summer2008, p26 * 39 Alice-Clara Bernard ''les atteintes à l'espace humanitaire en Irak'' dans URD, l'espace humanitaire en danger, actes université d'automne, 2006 p31-34 * 40 Christian, Troubé, l'humanitaire, un business comme les autres ? Larousse, Paris, 2009, p115 |
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