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Règles de politique monétaire: essai de modélisation pour la BCEAO ( banque centrale des états de l'Afrique de l'ouest )

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par Teega-wende Hervé ZEIDA
Université Ouaga II - Burkina Faso - Diplôme d'études approfondies (DEA)/ Master de recherche option: macroéconomie appliquée 2011
  

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Introduction Générale

``Ayant maintenant regardé la politique monétaire des deux cotés, je peux témoigner que la gouvernance de la banque centrale est aussi beaucoup plus un art qu'une science. Néanmoins, en pratiquant cet art sombre, j'ai toujours trouvé la science tout à fait utile.» Blinder (1997)

Depuis fin 2008, la Reserve Fédérale (Fed) mène une politique de taux zéro aux Etats-Unis : le taux cible des Fed funds, a baissé le 16 décembre 2008 dans la fourchette de 0 % à 0,25 % (contre une cible de 1 % auparavant). De même, en zone Euro, le taux directeur de la BCE est passé à 1,25 %, et celui de la Banque d'Angleterre à 0,5 %1. Des mesures de politiques théoriquement prescriptibles en vue d'enrayer le durcissement des conditions des crédits aux ménages et aux entreprises (et même aux banques secondaires dans l'interbancaire) qui s'est développé à la faveur de la crise des subprimes de l'été 2007.

Malgré cette détente assez forte, les agents économiques notamment ceux du marché interbancaire et financier n'ont pas été assez réceptifs à ces signaux des banques centrales, à telle enseigne que la crise de confiance et de liquidité se renforçait, le crédit se raréfiait et se renchérissait et finalement la conjoncture tombait davantage dans la morosité.

Afin de rompre avec cette tendance à la déflation qui menaçait déjà ces économies, les grandes banques centrales ont adopté des mesures de politique monétaire atypiques dites encore « politiques monétaires non conventionnelles ».

Les politiques non conventionnelles sont des mesures que les banques centrales utilisent lorsque les canaux traditionnels2 de la transmission monétaire ne fonctionnent plus correctement, principalement le canal du taux d'intérêt et le canal du crédit. Elles visent à agir sur l'offre de crédit en assouplissant les conditions de financement de l'économie. Il s'agit donc de prêts directs (ou de garanties) de la banque centrale aux emprunteurs du secteur privé : la banque centrale injecte des liquidités dans les comptes de "non banques"(Artus, 2009). Ces politiques sont dénommées quantitative easing ou credit easing, d'autres préférant politiques tournées vers le passif et politiques tournées vers l'actif. Dans tous les cas, ces politiques se traduisent par un gonflement assez rapide du bilan des banques centrales. Dans

1 Revue Trésor-Eco, n056, avril 2009, Politiques monétaires non conventionnelles : un bilan

2 Généralement, on distingue quatre canaux : les taux d'intérêt, le crédit, les prix des actifs et les anticipations

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ces conditions, que devient le cadre de conduite de la politique monétaire d'avant la crise, i.e. les règles ?

Selon Kydland et Prescott (1977) « Rules rather than discretion », la conduite de la politique monétaire devrait désormais se baser sur des règles afin d'atteindre des résultats optimaux in fine. Le débat était ainsi lancé sur l'efficacité ou l'optimalité entre politiques discrétionnaires et celles basées sur des règles. Prolongeant cette analyse en intégrant la crédibilité de l'engagement de la banque centrale, Barro et Gordon (1983) démontrent que si la banque centrale n'est pas contrainte ex-post, alors la politique non inflationniste n'est pas crédible.

La période de grande inflation et de chômage à travers le concept de stagflation soulevé par Friedman au lendemain des cures des politiques keynésiennes, avait fait basculé le paradigme dominant de la politique monétaire vers la priorité accordée à la lutte contre l'inflation par toutes les banques centrales depuis ces trente dernières années dans les pays développés. Les pays en développement, n'étant pas aussi en reste. Dans ce contexte, est né un consensus assez généralisé sur les conditions et la qualité de la politique monétaire. En effet, une banque centrale est jugée crédible par les agents économiques nationaux et internationaux, si ceux-ci sont convaincus qu'elle a la volonté et dispose de la capacité de maîtrise du niveau général des prix ; une politique monétaire discrétionnaire s'accompagne d'un biais inflationniste et enfin une politique fondée sur des règles de conduite est plus crédible qu'une politique discrétionnaire.

Nombre de règles, ont ainsi émergé de la littérature pour appréhender la régulation monétaire des banques centrales. Des auteurs tels McCallum(1987), Taylor(1993), Svensson(1997) ont modélisé des fonctions dites de réactions pour les grandes banques centrales des pays développés (Reserve Fédérale, BCE, banque centrale du Canada, etc.), toute chose matérialisant l'opérationnalisation du cadre de conduite de la politique monétaire.

Au demeurant, l'abondance de la littérature sur les fonctions de réaction des Banques Centrales à la fin des années 1980 a permis d'endogéneiser le taux d'intérêt relativement à l'inflation, à l'output et à d'autres variables pertinentes. Du domaine positif au normatif, nombre de ces fonctions ont été proposées par des chercheurs d'obédiences théoriques diverses. De la règle simple à la complexe, de la robuste à l'optimale ; toutes ces règles sont

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concurrentes pour la régulation monétaire. Taylor (1993, 1998) précise que ces fonctions ou règles monétaires ne doivent pas être des benchmark (références) rigides appelant à des politiques mécaniques ; mais plutôt des guidelines pour encadrer la conduite de la politique des autorités monétaires.

La BCEAO, institut d'émission de l'UEMOA, régule la conduite de la politique monétaire dans la zone. Sa politique s'inscrit dans la politique économique globale visant l'atteinte des objectifs économiques au sens de Kaldor, avec toutefois une priorité accordée à la stabilité des prix. Laquelle stabilité est définie par Alan Greenspan (1989) comme une situation où « les variations attendues du niveau moyen des prix sont suffisamment faibles et graduelles pour ne pas influer sensiblement sur les décisions financières des entreprises et des ménages ». Cette stabilité des prix a été réaffirmée comme objectif prioritaire de la Banque Centrale à horizon de vingt quatre (24) mois par le Comité de Politique Monétaire (CPM).3Les moyens opérationnels pour réaliser cet objectif de politique sont divers. Une cible d'inflation peut être définie, ou les taux d'intérêt modulés ou encore certains agrégats monétaires sollicités pour réguler les conditions monétaires et assurer une macrostabilité.

Toutefois, depuis les grandes reformes qualitatives consacrant la libéralisation financière en 1989, la BCEAO a abandonné la gestion directe ou administrative4 au profit de la gestion dite indirecte. Laquelle use des canaux beaucoup plus indirects tels les taux d'intérêt pour transmettre les impulsions monétaires aux marchés monétaires et financiers. Le taux d'intérêt devenait ainsi un outil primordial dans la régulation monétaire, et surtout, après l'abandon effectif de l'encadrement du crédit en janvier 1994.5 Le dispositif du taux d'intérêt éclairci les prises de décisions des agents économiques et comme souligné par Kydland et Prescott (1977), la politique monétaire de la banque centrale s'inscrit dans une logique de règle ; toute chose la soustrayant d'une incohérence temporelle liée à la discrétion jadis (encadrement du crédit par exemple).

Taylor (1993) popularise, une règle simple de taux, descriptive de la conduite de la politique monétaire de la Reserve Fédérale (Fed) entre 1987 et 1992 sous la férule d'Alan Greenspan. La règle de Taylor montre toutefois que la Fed prend en compte dans la fixation de ses taux

3 Voir Rapport sur la politique monétaire de l'UEMOA, 2010

4 Elle était matérialisée par l'encadrement du crédit, le plafonnement des taux, bonification des taux, etc.

5 NUBUKPO K.K. (2003), l'efficacité de la politique monétaire de la BCEAO depuis la libéralisation de 1989.

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directeurs, les gaps d'inflation et du produit par rapport à leur niveau cible, révélant ainsi une certaine complexité dans la régulation par les taux. Un compromis reste donc à être trouvé entre stabilité des prix et croissance économique, réalité d'un mandat dual6. La problématique de la courbe de Phillips resurgit dès lors. Mais, Taylor renouvelle cette problématique sous l'angle d'un compromis entre variabilité de l'inflation et variabilité de l'output connu sous le nom de « courbe de Taylor ».

Qu'en est il pour la BCEAO et sa zone, elle dont le mandat est hiérarchique ? Certes, la BCEAO priorise une cible d'inflation de 2% avec #177; 1% de marge de fluctuation de par sa connivence avec la Banque Centrale Européenne (BCE), mais certaines de ses injonctions monétaires assurent une régulation conjoncturelle de l'économie réelle, du moins de manière implicite. Tenou (2002) en a donné un premier essai en estimant une règle de Taylor pour la BCEAO. Aussi, Nubukpo (2002, 2003) montre que la politique monétaire impacte sur la croissance. En effet, il ressort de ses estimations, qu'un choc positif sur les taux directeurs de la BCEAO se traduit par un effet négatif sur la croissance, effet dont l'ampleur maximale, faible, se situe à la fin du premier trimestre et qui persiste pendant six ans et demi. Il souligne aussi que l'effet négatif sur l'inflation est rapide, avec une ampleur maximale observée dès la fin du premier trimestre et une persistance d'une durée de cinq ans avant retour à la tendance de long terme.

L'étude de Tenou (2002) montre que la politique monétaire de la BCEAO est descriptible par une règle monétaire (règle de Taylor). Sur données annuelles (1970-1999) comme sur données trimestrielles (1991- 1999), la banque centrale dans la fixation du taux du marché monétaire tient compte des variables économiques fondamentales. La variabilité des prix et la production sont ainsi intégrées dans la prise de décision de la banque centrale. Un cadre logique peut donc être conçu pour ancrer les anticipations des agents économiques et fonder dès lors la crédibilité de la politique monétaire, spécifiquement de la politique des taux d'intérêt de la banque centrale.

La crise financière a cependant introduit une incertitude dans l'économie, rendant les modèles de prévisions souvent inappropriés (la politique des taux par exemple). Dans le domaine

6 Le mandat dual se distingue du mandat hiérarchique. Il recommande comme objectifs de la politique monétaire, et la stabilité des prix, et le plein emploi. Alors que le mandat hiérarchique met une priorité sur la stabilité des prix, laquelle pouvant être secondée par l'objectif d'emploi (exemple de la BCE).

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monétaire, les banques centrales des pays touchés en première heure par la crise des subprimes et ses collatéraux ont eu recours à l'usage de mesures exceptionnelles qualifiées aussi de mesures non conventionnelles. Or jusque là, la conduite de la politique monétaire de ces banques centrales a été décrite par plusieurs auteurs comme suivant des règles monétaires (avec plusieurs formulations possibles), et ce surtout que le débat règles versus discrétion avait trouvé un consensus en faveur des règles à la fin des années 1980. La crédibilité des banques centrales s'en est trouvée quelque peu écorchée. Alors, toute cette apologie des règles monétaires reste-elle valable malgré cette situation de crise ? Autrement, comme s'interroge Taylor (2010), la crise financière de 2007-2008 suggère-t-elle un nouveau paradigme pour la politique monétaire ?

Ainsi, dans un environnement international où des mesures ad hoc ont été appliquées, la conduite de la politique monétaire de la BCEAO a-t-elle suivi une règle ? La BCEAO n'est pas en reste ou ne doit pas être en marge de cette grande interrogation relative au cadre de conduite de la politique monétaire. Certes, le tissu monétaire surtout financier de la zone UEMOA est en développement progressif, notamment à travers les activités de la bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) pour être exposé aux conséquences de cette crise financière et en appeler à l'adoption de telles mesures (non conventionnelles) ; mais l'évaluation de la logique sous-tendant la modulation du taux directeur comme canal de transmission s'avère cependant nécessaire. L'existence d'une logique renforcerait la crédibilité de la politique de taux directeur menée par la BCEAO.

La présente recherche vise dès lors à évaluer l'existence d'une logique de décision dans la conduite de la politique monétaire de la BCEAO après la libéralisation financière de 1989 intégrant aux mieux les objectifs de stabilité de l'inflation et de l'activité économique ,et pouvant de ce fait crédibiliser la politique monétaire.

Spécifiquement cette étude vise à :

- Déterminer les poids implicites accordés par la BCEAO à l'objectif de stabilité des prix ainsi qu'à celui de stabilisation de l'activité réelle dans ses décisions ;

- Déterminer les phases (accommodante ou restrictive) de la politique monétaire de la banque centrale.

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Afin de résumer la politique monétaire de la BCEAO par une règle monétaire simple, nous estimerons une fonction de réaction en nous basant sur la modification apportée par Clarida, Galí et Gertler (1998), à la règle initialement proposée par Taylor (1993). Pour la modélisation du comportement des autorités monétaires, nous estimerons une forme forward-looking de la fonction de réaction optimale adaptée au contexte de la BCEAO. En plus, une spécification VAR non structurel sera utilisé en prélude pour déjà capter le sens et l'ampleur de la réaction du taux directeur, de l'inflation et de l'output à leurs innovations réciproques.

La méthode économétrique retenue dans l'ensemble de la littérature sur les "forward-looking rules" est la méthode généralisée des moments (MGM) qui est particulièrement adaptée dans le cas des modèles à anticipations rationnelles.

La suite du travail est organisée autour de quatre chapitres ainsi qu'il suit.

Le chapitre premier présente le contexte monétaire à la BCEAO, et la façon dont la politique monétaire y est conduite. Dans le deuxième chapitre, nous passons en revue les fondements théoriques de la politique monétaire optimale, en partant de la problématique règle contre discrétion, avec un retour sur la règle de Taylor et les modifications qu'elle a connues, ainsi que sur les nouvelles questions de ciblage d'inflation. Au niveau du chapitre trois, nous formulons une règle pour la BCEAO. Et enfin, le chapitre dernier sera consacré à l'analyse des résultats des estimations du VAR et de la règle forward-looking.

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