IV.4.3 La politique monétaire de la BCEAO : une
analyse rétrospective
Un objectif spécifique de cette recherche est de
déterminer les phases de la politique de taux directeur menée par
la BCEAO depuis 1993 i.e. les périodes de restriction et les
périodes d'expansion par une confrontation des décisions
réellement prises et celles contenues dans la règle. Une plus
grande synchronisation serait la preuve d'une plus grande
crédibilité pour les agents économiques. L'analyse
rétrospective permet une description de la politique de taux
utilisée par la banque centrale. Le rapprochement entre les taux
historiques ou effectifs et les taux forward ou dérivés
de la règle définit a posteriori la nature de la
politique de la BCEAO. Ainsi, lorsque les taux forward sont
supérieurs aux taux historiques, la politique est dite accommodante ;
a contrario s'ils sont inferieurs aux taux effectifs, la politique est
qualifiée de restrictive. Le graphique ci-dessous montre
l'évolution comparée des taux de pensions historiques et ceux
dérivés de la règle FL1.
Graphique n010 : taux historiques et taux
forward-looking (règle FL1)
en %
14
12
10
4
8
0
6
2
TPE TPE_FL
Source : construction de l'auteur
Ce graphique présente des écarts moindres entre
les taux réellement fixés par la BCEAO et ceux
dévirés de la règle monétaire. La synchronisation
est acceptable, même si du premier trimestre 2007 au deuxième
trimestre 2008, la dynamique commune n'est plus établie. Ce constat
permet de dire que la politique de taux est relativement crédible et les
agents
Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
65
économiques peuvent, dans certaine mesure se baser sur
les prévisions de la règle monétaire pour ancrer leurs
anticipations. Ces écarts peuvent s'expliquer par notamment la non
pertinence de la production dans la règle FL1. Aussi, la banque centrale
peut utiliser néanmoins les coefficients de réserves obligatoires
et/ou les concours aux Etats et aux établissements financiers pour
moduler la liquidité dans la zone.
Sur la base du graphique précédent, nous pouvons
résumer les phases de la politique de taux de pension de la banque
centrale dans le tableau suivant :
Tableau n0 5: Phases de la
politique des taux de la BCEAO
|
Périodes
|
Politique accommodante
|
T1-94/T195
|
T1-97/T4-97
|
T2-03/ T2-05
|
T4-06/T1-08
|
Politique restrictive
|
T1-98/T3-98
|
T1-02/T1-03
|
T3-08/T1-09
|
.
|
Source : construction de l'auteur sur base du
graphique n010
Cette comparaison montre par exemple sur la période
1994-1995 que la règle exigerait une réponse plus vigoureuse que
ce que la BCEAO a exprimé en temps réel. Dans une situation de
dévaluation couplée de la mise en oeuvre des programmes
d'ajustement structurels, les perspectives inflationnistes pour la zone
étaient fortes (l'inflation moyenne est sortie à 31,3% en 1994 et
à 12% en 1995), et alors contenir les tensions des prix et la demande
intérieure globale était une des missions prioritaires de la
banque centrale. Si la règle stipule que la BCEAO a sous-estimé
sa réaction, cela est peut être dû à la nature de
ciblage d'inflation de la politique monétaire de la banque centrale
reflétée par la règle, l'anticipation de l'inflation
incorporée par la règle sur la période étant
forte.
La BCEAO a relevé ses taux directeurs de 0,25 point de
pourcentage à partir d'août 2006. Le TPE est donc passé de
4% à 4,25% et le TES de 4,5% à 4,75%. Ainsi, le taux de pension
est resté à 4,25% durant la période T4-06 au T1-08. Mais
en comparaison avec les taux que préconiserait la règle, la BCEAO
aurait encore sous-estimé sa réaction. Le graphique montre en
plus qu'il fallait procéder à une hausse jusqu'au
4ème trimestre 2007 avant d'amorcer une baisse jusqu'au
2ème trimestre 2008. Toutefois, avec une inflation moyenne
dans la zone en 2007 et en 2008 respectivement de 2,4% et 7,4%, la BCEAO a
considéré que ce niveau du taux de pension pouvait contenir la
stabilité de prix qui était quelque peu menacée par le
choc
Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
66
(positif) pétrolier. Et ce surtout qu'en fin 2007, la
comparaison avec le taux de la facilité de prêt marginal de la
zone Euro affichait un écart positif de 0,25% pour la BCEAO, la BCE
ayant fixé son taux à 4%.
Enfin, un regard sur la période T3-08 au T1-09
détecte que la politique de taux a été beaucoup plus
restrictive, indiquant par là une surestimation de la réaction de
la banque centrale. Avec un taux de pension de 4,75%, la banque centrale veut
atténuer l'inflation de 2008, alors que les grandes banques occidentales
s'acharnaient à résorber les effets de la crise par une baisse
conséquente de leurs taux directeurs. En effet, depuis fin 2008, la
Reserve Fédérale (Fed) mène une politique de taux
zéro aux Etats-Unis : le taux cible des Fed funds a
flotté dans la fourchette de 0 % à 0,25 % (contre une cible de 1
% auparavant). Aussi, en zone Euro, le taux directeur de la BCE est
passé à 1,25 %, et celui de la Banque d'Angleterre à 0,5
%. Ce constat pourrait s'expliquer par le fait que le marché financier
de la zone UEMOA est peu étendu46 et ainsi, est peu
réceptif aux chocs exogènes d'origine financière.
Dès lors, la BCEAO se concentrerait plus sur les chocs de prix afin
d'être en phase avec l'une de ses missions les plus orthodoxes, la
stabilité des prix.
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