IV.4.2 Absence d'objectif de croissance ?
En revenant sur l'output gap, nous pouvons nous interroger sur
sa non significativité dans le cas de la zone UEMOA. Pouvions-nous
prévoir un tel résultat ? Dans une certaine mesure cela
était prévisible. En effet, notre analyse par la
spécification VAR ainsi que la dérivation des fonctions de
réponses réciproques entre TPE et output gap, et aussi la
décomposition de la variance des erreurs montraient la faiblesse de la
relation TPE ? output gap. Pour mémoire, l'output gap contribue à
environ 1,26% aux innovations du taux de pension et inversement le taux
directeur à 0,18% à la variabilité de l'output gap. Le
test de causalité de Granger appuie aussi l'absence de relation entre
ces deux variables. Les enseignements théoriques (keynésien et
monétariste) stipulent pourtant que les taux d'intérêts
(directeur) sont réceptifs aux variations de la production qui
contiennent des informations inflationnistes ou déflationnistes suivant
les phases du cycle de l'activité économique. Pour la zone UEMOA,
quelques éléments de réponse peuvent être retenus
pour éclaircir cette situation atypique.
La zone étant fortement dépendante de facteurs
exogènes (aléas climatiques, fluctuations des prix des
matières premières), son cycle de production en est aussi
affecté. En effet, Moser(1995) indique que dans les pays subsahariens la
croissance de la production, notamment agricole à un effet
dépressif sur les prix. Ce constat peut trouver son explication dans le
fait que les tensions sur les marchés agricoles par exemple, proviennent
de l'insuffisance de l'offre (la crise alimentaire de 2008 en est un exemple
palpable). Cela laisse sous entendre que les impulsions de la banque centrale
à travers son taux directeur n'arrivent pas à déclencher
une réaction signifiante de la production (l'aspect climatique dominant
sur l'aspect monétaire), de telle sorte que la production à son
tour ne peut envoyer des signaux assez crédibles en matière de
tensions des prix sur les marchés des biens et services et qui en
appellerait à une modulation du taux directeur par la BCEAO.
Pour sonder davantage l'efficacité de la politique
monétaire menée par la BCEAO, l'étude de Combey et Nubukpo
(2010) renouvelle la courbe de Phillips en faisant l'hypothèse de
l'existence d'un seuil optimal de cible d'inflation à travers une
relation non linéaire entre l'inflation et la croissance. Leurs
estimations montrent une inflation optimale de 8,08%, à
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partir de laquelle le dilemme inflation-croissance commence
à trouver une pertinence. Ainsi donc, l'objectif d'inflation de 2%
fixée par la BCEAO engendre un manque à gagner en terme de
création d'activités dans la zone UEMOA, la politique se
révélant être beaucoup plus restrictive que les conditions
structurelles ne le préconisent. En effet, « une telle cible
d'inflation peut en effet sembler exagérément restrictive pour
des économies qui auraient besoin de 7% de croissance du PIB pour
atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD), notamment celui de réduction de moitié, la pauvreté
à l'horizon 2015 » Combey et Nubukpo (2010, op. cit. p.8).
Ce constat permet de voir pourquoi par exemple l'output n'influence pas la
modulation du taux de prise en pension.
Cependant, notre analyse doit être quelque peu
relativisée surtout que certains aspects de la transmission
monétaire non pas été explicitement l'objet dans cette
étude. En effet, l'absence apparente de relation entre le taux de
pension et l'output gap peut résulter des délais longs de
transmission des impulsions du taux pension aux taux débiteurs des
banques secondaires via le taux du marché monétaire. Diop (1998,
p.11) précise que dans la zone UEMOA « les taux débiteurs
des banques varient en moyenne de 0,42% à court terme et de 0,97%
à long terme, lorsqu'on fait varier le taux de prise en pension de 1%
», encore faut-il que le réseau bancaire soit dense. Ce qui n'est
pas tout à fait le cas, car avec 99 banques et 19 établissements
de crédit, l'Union affiche un Indice d'Herfindahl-Hirschmann
(IHH)45 inferieur à 1000, preuve d'une faible concentration
du système bancaire. (Commission Bancaire, 2009, p. 25-26). Ce relatif
oligopole bancaire ne transmettrait pas de facto les impulsions de la
banque centrale aux PME/PMI et aux ménages qui, pourtant sont
conditionnés par le canal du crédit pour financer leurs
activités.
La rétention d'une quelconque règle
monétaire suscite l'idée de vouloir la confronter à la
politique effectivement menée par la banque centrale. La section
suivante en fait un essai.
45 Les études de concentration au sein d'un secteur
économique font souvent référence à l'Indice
d'Herfindahl-Hirschmann, en abrégé IHH. Ce dernier est
utilisé comme un indicateur du pouvoir de marché ou de la
concurrence qui s'exerce entre entreprises. Il se calcule en additionnant les
carrés des parts de marché (généralement
multipliées par 100) de toutes les entreprises du secteur
concerné selon la formule suivante:
, Si désigne la part de
marché de l'entreprise, n le nombre total des
entreprises du secteur.
Lorsque :
- IHH < 1000, faible concentration
- 1000< IHH < 2000, zone intermédiaire
- IHH > 2000, zone de risques importants.
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