IV.4 Interprétation et diagnostic de la
politique de taux d'intérêt de la BCEAO La règle FL1 comme
règle monétaire pour la BCEAO
(4.1)
Avec = 0,87 et
Ainsi, la règle implicite de Taylor type
forward-looking se présente comme suit :
) (4.2)
Le processus de fixation du taux directeur par la banque
centrale se révèle être un processus AR(1)
conformément à nombre d'études ayant fait cette
hypothèse. En effet, une de nos hypothèses a été de
supposer que la BCEAO procède à un lissage de son taux directeur.
L'effet- mémoire est ainsi confirmé par les
données. D'une valeur de 0,87, elle est assez proche de celles de Tenou
(2002), son coefficient de lissage en données annuelles était de
0,82 alors que celui sur données trimestrielles affichait 0,76. Une
certaine homogénéité dans la réaction des deux
banques centrales (BCEAO et BEAC) pour la modulation de leur taux
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modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
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directeur peut se lire à travers un coefficient de
lissage de 0,89 trouvé par N'Guenang et al. (2009) pour la zone
CEMAC. La décomposition de la variance des erreurs de la
spécification VAR, montre que le taux directeur contribue à
environ 80% à ses propres innovations. Ce résultat montre que la
BCEAO fixe son taux directeur en se basant sur ses valeurs passées. Cela
peut se traduire comme un besoin pour la BCEAO de rassurer les marchés
monétaire et financier et permettre aux banques secondaires de
réduire la volatilité de la structure des taux du système
bancaire, et par là même favoriser la stabilité des
opérations financières. Cette présomption pouvait se lire
déjà sur le graphique n0 2 du chapitre I, les dates de
changement étant relativement espacées. Nous pouvons aussi
remarquer que Taylor (1993) n'avait pas intégrer une telle
possibilité dans sa règle.
Une autre explication à l'existence de cet
effet-mémoire dans la fixation du taux directeur par la BCEAO
peut être due à la logique inavouée d'un ciblage de
changes. En effet, le taux de couverture des engagements à vue (billets
émis et dépôts des banques auprès de la banque
centrale) par les avoirs officiels de la BCEAO était tombé, en
1993, à 17 %, soit un niveau inférieur au plancher de 20 %
prévu par les statuts de la BCEAO. Alors que les effets de la
dévaluation du franc CFA l'avaient porté à 81,4 % fin
1994, il se maintient nettement au-dessus de 100 % depuis 1999, atteignant
112,3 % fin 2009. Dans cette situation, le maintient de la parité Euro /
CFA est largement assuré et renforce par là même l'encours
des réserves de changes à la zone UEMOA auprès du
Trésor français. Ainsi, la viscosité de 87%
constatée dans la fixation du taux directeur impose des taux
d'intérêt relativement élevés par rapport à
ceux prévalant dans la zone Euro, en vue de réduire la sortie
d'éventuels capitaux de l'Union.
Le taux d'intérêt d'équilibre ou taux de
croissance non inflationniste déduit de la règle est 2,6%, celui
calculé est de 1,13% sur la période 1993 - 2010 et de 1,81% sur
la période 19952010 (en excluant l'effet de la dévaluation). Les
résultats de Tenou (2002) indiquent 2,66% en données annuelles et
3,92% en données trimestrielles. Kozicki (1999) trouve un taux
d'équilibre fluctuant entre 2% et 3% sur données
américaines de 1960 à 1997, selon que l'inflation et/ou l'output
gap sont calculés par plusieurs méthodes. Mesonnier et
Renne(2004) notent une valeur de 2,58 et 2,76 pour respectivement la
règle avec filtre de Kalman et celle avec tendance quadratique. Nos
valeurs en sont quelques proches. La notion du taux d'équilibre peut
être comprise dans la logique du modèle de Solow(1957), comme
celui de l'équilibre stationnaire où toutes les variables
clés de l'économie évoluent au même taux. Ce
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taux (2,6%) semble être en phase avec celui de longue
période des économies développées dans lesquelles
le taux de croissance ne dépasse pratiquement guerre 3%. Cela
confirmerait-il une des hypothèses de Solow qui stipule que les pays
devraient converger vers le même état stationnaire ? L'affirmative
peut être acceptée dans une certaine mesure, mais des analyses sur
une très longue période de la zone UEMOA en permettraient une
meilleure prise de position tout en y incluant les changements structurels et
endogènes affectant les pays de la zone.
L'analyse de la règle (4.1) se poursuit par une
focalisation sur les coefficients associés aux deux gaps, gap
d'inflation et gap d'output. Quels enseignements pouvons-nous en tirer ?
IV.4.1 La BCEAO, vers un ciblage d'inflation ?
La principale hypothèse de notre travail est la
considération que la BCEAO aurait usé d'une règle
monétaire (de Taylor) type forward-looking après la
libéralisation financière de 1989. Cette hypothèse se
confirme, nous le pensons partiellement. En effet, les coefficients ou les
poids implicites accordés par la banque centrale à l'inflation et
à l'activité économique dans sa modulation du taux
directeur à travers la règle FL1 sont respectivement de 1,17 et
0,23. Le poids relatif à l'activité économique n'est pas
statistiquement significatif, ce qui laisse entrevoir que la production n'entre
pas dans la logique de fixation du taux de pension de la BCEAO. Serait-on dans
une logique de ciblage d'inflation à la Svensson dans la zone UEMOA ?
La confirmation partielle nous amène à dire que
la règle monétaire qui prévaut dans la zone UEMOA est une
règle d'objectif ou de ciblage d'inflation. En effet, la banque centrale
réagit à tout écart anticipé de l'inflation par
rapport à son niveau cible. Précisément, une augmentation
de l'inflation anticipée par rapport à son niveau cible (2%) de
100 point de base (pdb) entraine ceteris paribus une hausse plus que
proportionnelle du taux de pension de 117 pdb. Une telle règle peut
être crédible si la banque centrale répond aux exigences
d'un tel cadre logique à savoir notamment la transparence et la
communication avec le public. Notre résultat est quelque peu
éloigné en termes d'intensité de celui de Clarida et
al. (1999), ces derniers trouvant une valeur de 2,62 comme
réponse du taux des fonds fédéraux aux déviations
de l'inflation pendant la période Volker - Greenspan (1979-1996). Ils
caractérisent alors la politique de la Fed de cette période comme
une politique de pure ciblage d'inflation et
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cela était en phase avec la cure de désinflation
compétitive en vogue dans les années 80. A ce niveau nos
conclusions convergent. Mesonnier et Renne (2004) trouvent 1,74 et 1,46 comme
coefficients de réponse de la BCE à la déviation de
l'inflation anticipée pour les deux règles monétaires
retenues. N'Guenang et al. (2009) retiennent une valeur 1,43 pour la
BEAC. Une chose importante à retenir entre autre de ces résultats
est que la majorité des banques centrales réagissent plus que
proportionnellement aux déviations de l'inflation par rapport à
son niveau cible. Le principe de Taylor est largement confirmé
empiriquement : tout écart de l'inflation anticipée par rapport
à sa cible en appelle à une réponse vigoureuse du taux
directeur de la banque centrale.
Nos premières conclusions sur la spécification
du VAR non structurel (plus haut) sont confortées dans l'estimation de
la règle monétaire. La relation TPE? infgap4 a
évolué dans le sens théorique attendu i.e. une
corrélation positive de infgap4 ?TPE et un sens négatif de TPE
?infgap4. Chose assez remarquable constatée des fonctions de
réponse dérivées du VAR, est qu'au troisième
trimestre la réaction du taux de prise en pension culmine à la
suite d'un choc positif sur l'inflation et réciproquement c'est aussi au
troisième trimestre que l'inflation retrouve son niveau
d'équilibre après une innovation sur le taux directeur. On
retient également une contribution moyenne de 15% de l'inflation
anticipée contre en moyenne 1% pour l'output gap aux innovations du taux
directeur. Aussi, les résultats de la causalité viennent
confirmer cette priorité accordée à la lutte contre
l'inflation dans la zone UEMOA par la banque centrale.
L'importance de l'inflation et de ses écarts dans la
fixation du taux directeur de la banque centrale à travers la
règle d'instrument est en phase avec les résultats de
l'étude menée par Diane (2010). En effet, ce dernier dans son
essai d'estimation d'une règle d'objectif à la Svensson pour la
BCEAO, trouve qu'il est possible d'établir la marge
appropriée44 d'inflation dans l'Union durant les
périodes de chocs positifs ou négatifs, autour de sa cible. Le
succès de plus en plus croissant pour les banques centrales adoptant le
ciblage d'inflation explicitement comme celles citées dans le tableau
n03 du chapitre II peut aussi être un facteur explicatif de
l'importance accordée par la BCEAO à sa cible d'inflation. Et
aussi, parce qu'en Afrique
44 Il trouve que le taux d'inflation optimal est globalement
compris entre 1% et 3%.Et que cela confirme la pertinence de l'intervalle
retenu par le Comité de Politique Monétaire pour les fluctuations
de l'inflation dans la Zone UEMOA.
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subsaharienne, la politique de ciblage d'inflation a
été adoptée par l'Afrique du Sud (en 2000) et le Ghana (en
2007).
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