Conclusion
La synthèse des différents résultats
montre que la BCEAO réagit d'une manière beaucoup plus
marquée aux chocs d'inflation anticipée avec un délai
court qu'à ceux de l'output gap. Ainsi, l'hypothèse de
l'existence d'un cadre logique dans la fixation du taux directeur est
partiellement confirmée, une certaine crédibilité peut
être lue notamment en ce qui concerne la mission de stabilité des
prix de la BCEAO. La production n'étant pas sortie significative, la
règle d'instrument peut être approximée par une
règle d'objectif ou de ciblage d'inflation. La banque centrale se
concentrerait sur la stabilité des prix de telle sorte que toute
déviation de l'inflation anticipée de son niveau cible (2%)
entraine une réaction plus que proportionnelle dans la fixation de son
taux directeur. Une analyse rétrospective a révélé
le caractère restrictif ou accommodant de la politique de taux de la
BCEAO, selon que les taux effectifs étaient supérieurs ou
inferieurs aux taux forwards i.e. dérivés de la
règle.
46En effet, dans la zone UEMOA, à l'instar
des balbutiements de la BRVM, il n'existe aucune autre place financière
ou boursière pour de véritables transactions. Quand bien
même existe la BRVM, il ya très peu d'entreprises nationales ou
régionales cotées, la majorité des cotations sont
dédiées aux succursales des entreprises
étrangères.
Règles de politique monétaire : essai
de modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
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Règles de politique monétaire : essai
de modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS
La politique monétaire depuis ces trente
dernières années est au coeur de la théorie
économique. Aussi, sa conduite est-elle soumise à une dynamique
de débats sans cesse renouvelés : efficacité, règle
de conduite et crédibilité entre autres.
Dans la zone UEMOA, la conduite de la politique
monétaire est la mission de l'institut d'émission qu'est la
BCEAO. A travers un dispositif d'instruments, notamment les taux directeurs,
les réserves obligatoires et les concours aux Etats et aux banques, elle
influe sur les conditions de financement de l'économie régionale
afin de maintenir une stabilité macroéconomique.
La présente recherche a alors cherché à
évaluer empiriquement le cadre de conduite de la politique
monétaire de la banque centrale pour y déceler une
éventuelle logique de décision crédible. En effet, une
littérature a été développée pour d'abord
soutenir que, la politique doit être conduite sous une règle
plutôt que de manière discrétionnaire ; et pour ensuite
s'appesantir sur la nature et les formes de règles possibles. Une des
règles qui a eu un succès indiscutable est la règle de
Taylor(1993) avec cependant plusieurs améliorations possibles. Notre
essai a spécifiquement considéré la règle de Taylor
type forward-looking, développée par Clarida et al.
(1998). Les déviations de l'inflation anticipée à un
an de la cible d'inflation (2%) et de la production par rapport à son
niveau potentiel, sont les principaux arguments de cette règle avec le
taux de pension (taux directeur) comme variable endogène. Ainsi,
avons-nous formulé les hypothèses d'un effet-mémoire
(processus AR(1)) et d'une règle d'instrument avec anticipation
d'inflation. La MGM est la méthode d'estimation utilisée ; en
faisant varier les instruments, nous définissons des critères
simples à l'aune desquels une règle est retenue pour la BCEAO.
Une analyse VAR préliminaire a été faite pour conforter
les résultats de l'estimation de la règle.
L'analyse impulsionnelle dérivée des fonctions de
réponse du modèle VAR montre que :
- Les réactions aux innovations réciproques
entre taux de pension et gap d'inflation anticipée ainsi qu'entre taux
de pension et output gap répondent aux attentes théoriques ;
68
- L'écart d'inflation anticipée contribue beaucoup
plus que l'output gap aux innovations du taux directeur (en moyenne 15% contre
1%).
La causalité réciproque entre le taux de pension
et l'écart d'inflation anticipée est aussi confortée par
le test de causalité de Granger. La causalité entre le taux de
pension et le l'output gap n'est cependant pas concluant.
Les résultats à proprement parler de la
règle forward-looking montrent que l'hypothèse d'un
effet-mémoire dans la fixation du taux pension par la BCEAO est
largement vérifiée et est en phase avec la plupart des
études empiriques ayant fait cette hypothèse. La BCEAO fixerait
son taux de pension en se basant sur ses valeurs passées dans une
proportion de 87%.
L'hypothèse que la BCEAO aurait suivi une règle
de Taylor type forward-looking sur la période d'après la
libéralisation financière est partiellement
vérifiée. En effet, le poids implicite accordé à
l'inflation gap anticipée sur 4 trimestres est sorti à 1,17 alors
que celui accordé au gap de production est de 0,23, mais ce dernier
n'est pas statistiquement significatif. La production ne rentrerait donc pas
dans la logique de fixation du taux de pension. Dans ces conditions, le cadre
logique de décision de la banque centrale répond plus à un
dispositif de ciblage d'inflation qu'à celui de règle
d'instrument au sens de Taylor. Le principe de Taylor conforte davantage ce
résultat dans la mesure où une déviation de l'inflation
anticipée sur 4 trimestres entraine une réaction plus que
proportionnelle du taux directeur.
Nos résultats confirment le constat
général, qui est que la réputation et la
crédibilité de la BCEAO en matière de stabilité des
prix sont plus perceptibles sur une période récente. Ils s'en
détachent cependant pour soutenir que la stabilité
macroéconomique au sens de la BCEAO est congrue à la seule notion
de stabilité des prix.
Toutefois, ces conclusions peuvent être assujetties aux
critiques de mesures. En effet, l'estimation de la règle a
été faite sur données trimestrielles. Or la
trimestrialisation du P11B pour un besoin économétrique peut
introduire des biais d'information. Ainsi, des données issues de
systèmes d'enregistrement trimestriels du P11B par la
comptabilité nationale aideraient à atténuer ce biais.
Aussi, l'inflation ex post a été utilisée comme
proxy de l'inflation anticipée, toute chose pouvant perturber la
robustesse des résultats. Il est très probable que, des
données issues d'enquêtes auprès des ménages et des
entreprises pour recueillir leurs anticipations sur le niveau d'inflation
améliorent nos résultats. La politique
Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
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monétaire de la zone est certainement commune, mais des
essais intégrant les spécificités de chaque pays de la
zone permettraient de rendre compte de la réactivité de la BCEAO
vis-à-vis des conditions financières, monétaires et
réelles individuelles.
Notre étude n'a certes pas été
basée sur une modélisation spécifiant explicitement des
fonctions de comportement des ménages, des entreprises, des banques et
même de l'Etat, mais il n'en demeure pas moins que quelques suggestions
de politiques pourraient atténuer les insuffisances
révélées par nos résultats. Et surtout que
l'évaluation empirique de la règle est une manière de voir
la transmission de la politique monétaire de la banque centrale.
Le cadre de conduite de la politique des taux directeurs de la
banque se révèle être beaucoup plus proche de celui d'un
ciblage d'inflation. Ce dernier a cependant des exigences pour sa bonne mise en
oeuvre qui sont entre autres la transparence des banques centrales à
travers la communication avec le public ; et la responsabilité des
autorités monétaires devant toute déviation par rapport
à la cible annoncée. Ainsi, la crédibilité de la
BCEAO se renforcerait davantage si elle annonçait aux agents
économiques sa logique de fixation de ses taux directeurs et d'autres
conditions de financement. La communication étant un canal très
important pour ancrer les anticipations des acteurs économiques, la
BCEAO ne doit plus être une superstructure de bureaucrates
détachés de son public. Des spots publicitaires, des
conférences, des colloques ouverts à un large public sur les
missions et les instruments de politique de la banque centrale, une
accélération de l'informatisation des bases de données de
la banque centrale aideraient à une appropriation des mesures de la
BCEAO par les agents économiques dans leurs plans d'optimisation, toute
chose qui accroît crédibilité et transparence dans la
gestion de la monnaie commune.
Les résultats non satisfaisants sur la relation entre
taux directeur et production, remettent à jour la problématique
de la transmission de la politique monétaire sur l'économie
réelle. Or l'article 8 des statuts de la BCEAO lui autorise
d'accompagner la croissance des économies de la zone. Un des goulots
d'étranglement de la transmission est l'oligopole du réseau
bancaire. L'Indice d'Herfindahl-Hirschmann (IHH) montre en effet, une faible
concentration de ce réseau, et aussi il y a le constat de
surliquidité des banques qui n'est plus qu'un secret de polichinelle.
Ainsi, les impulsions monétaires de la banque centrale ne sont pas
répercutées sur les taux débiteurs offerts à la
clientèle. Dans ces conditions, la BCEAO devrait inciter à une
plus grande libéralisation du paysage bancaire en accordant de nouveaux
agréments et
Règles de politique monétaire : essai de
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désinciter la constitution de réserves
excédentaires (excessives) à travers une politique restrictive de
réserves obligatoires.
Le rapport annuel 2009 de la Commission bancaire indiquait que
l'évolution du secteur de la finance décentralisée de
l'Union révèle le dynamisme de la finance de proximité,
avec plus de 800 institutions de microfinance. Le nombre de
bénéficiaires des prestations de service des systèmes
financiers décentralisés (SFD) est passé de 9,3 millions
à fin décembre 2008 à 10,7 millions à fin
décembre 2009, soit une hausse de 14,1%. Ce constat traduit la faible
bancarisation des agents économiques, et nous fait dire que la BCEAO
devrait continuer et approfondir sa politique de bancarisation à grande
échelle dans la zone qu'elle a initiée en début
d'année 2010. Et encourager les SFD pour une plus grande
accessibilité des plus pauvres aux financements.
La crise financière de 2008 a secoué le cadre de
conduite de la politique monétaire, les banques centrales occidentales
ayant adopté une batterie de mesures non conventionnelles pour
rétablir la confiance sur les marchés financiers, favoriser le
crédit et relancer la croissance qui était tombée en
berne. Tanimoune (2011) montre que la BCEAO n'a pas mené de telles
politiques du fait que le système financier de l'Union a
été très peu affecté. Cependant, ces mesures
doivent interpeller la BCEAO à ne pas s'enfermer dans une certaine
orthodoxie (mandat hiérarchique), mais plutôt elle doit s'acharner
à déterminer les instruments endogènes de
régulation des conditions financières qui seront les relais
véritables de sa politique monétaire. Autrement, un débat
sans ambages doit être mené par la BCEAO et la Commission de
l'UEMOA afin d'en tirer des enseignements pour la gestion monétaire et
économique de la zone, un véritable Policy - mix
étant plus que jamais nécessaire pour une Union en quête de
croissance durable et de sortie de l'ornière de la pauvreté.
Avec les nouveaux statuts de 2010, le discours officiel de la
BCEAO est la stabilité des prix alors que depuis la dévaluation
de 1994, une certaine orthodoxie s'efforce à défendre la
parité du franc CFA à travers les réserves de changes. Le
régime de change actuel contraint ainsi, le pilotage de la politique
monétaire de la banque centrale. Dans cette perspective,
l'édiction d'une règle monétaire intégrant le
ciblage des réserves pour appréhender la vraie logique du
comportement de la BCEAO avec un débat autour de la thématique du
triangle d'incompatibilité de Mundell, serait un axe de recherches
complémentaires.
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