III.3 Justifications
L'évaluation empirique de la règle
nécessite certaines précisions qui peuvent influer sur la
robustesse des résultats. Ainsi, quelques commentaires sur certaines
variables, la période d'étude et le jeu d'instrument
s'avèrent utiles.
III.3.1 Période d'étude
Cette étude prend pour période d'investigation
celle allant du premier trimestre 1993 au quatrième trimestre 2010 (1993
:T1 - 2010 :T4) mais avec toutefois une règle qui ne sera estimée
que sur la période 1993 T1 à 2009 T4, car l'inflation
anticipée est approximée par l'inflation ex post. Par
exemple, si l'on considérait le premier trimestre T1 de 2010, alors il
faudrait utiliser la valeur de l'inflation réalisée au premier
trimestre T1 de 2011 pour l'estimation. Or, cette valeur est soit indisponible
soit provisoire.
Deux raisons au moins ont guidé le choix de cette
période d'investigation. Premièrement, l'étude de Tenou
(2002) couvre la période 1975-1999, il nous est donc paru judicieux de
considérer une période beaucoup plus récente qui
intègre les nouveaux dynamismes de la politique monétaire de la
BCEAO. Ceci peut être considéré comme une mise à
jour de la règle de Taylor initiale avec quelques hypothèses en
sus. Et deuxièmement, la période retenue a été
marquée par une rupture fondamentale. En effet, le vent de la
libéralisation financière des années 80 a conduit la BCEAO
à mettre une nouvelle politique de la monnaie et du crédit en
octobre 1989. Laquelle politique consacrait une importance accru aux
mécanismes du marché et un rôle majeur au taux
d'intérêt comme instrument privilégié de la
politique monétaire. L'idée était d'inclure l'année
1989 dans la période, mais l'application des mesures institutionnelles
étant souvent lente ; nous avons jugé opportun de commencer en
1993 (début même de la rénovation du marché
monétaire).
III.3.2 Variables
Le choix de certaines variables comme proxy peut trouver
quelques justifications. L'estimation de la règle utilise le taux
directeur de la banque centrale comme variable endogène, mais en
pratique la banque centrale a le plus souvent plus d'un taux directeur comme
instrument. Pour la BCEAO, trois taux sont notifiés comme taux
directeurs. Il s'agit hiérarchiquement du taux d'escompte, du taux de
pension et du taux des appels d'offre. Le taux d'escompte fonde assez bien le
rôle de préteur en dernier ressort de la banque centrale, il
Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
48
est aussi appelé taux de pénalité du fait
qu'il est supérieur aux deux autres taux. Il est appliqué lors
des opérations d'achats définitifs par la BCEAO de titres
à maturité d'au plus 12 mois. Son évolution est alors
beaucoup plus lente. Le taux de prise en pension est le taux offert par la
banque centrale lors d'achats temporaires de titres à maturité
d'au plus un mois. Il permet ainsi de suivre le besoin de liquidités des
banques secondaires à court terme. La BCEAO le compare au taux de la
facilité de prêt marginal de la zone euro. Le taux des appels
d'offre quant à lui résulte des opérations
d'open-market d'injections ou de reprise de liquidités sur le
compartiment hebdomadaire, beaucoup plus actif. Ce taux aurait
été un assez bon proxy pour le taux directeur de par sa
fréquence dans la régulation de la liquidité du
marché monétaire. Mais la période d'étude
considérée révèle une suspension des appels d'offre
en mai 1998, la reprise n'intervenant qu'en février 2007. Nous pensons
donc que le taux de prise en pension peut dans ces circonstances être un
assez bon proxy du taux des fonds fédéraux utilisé par
Taylor (1993).
Une autre variable sujette à quelques remarques est le
PIB potentiel. En effet, cette variable est inobservable et son estimation peut
se faire par plusieurs méthodes. Le sens économique de cette
valeur est qu'elle représente la production qu'aurait enregistrée
une économie si les prix étaient flexibles i.e. que si les
facteurs de production étaient utilisés de façon optimale.
Les traitements statistiques proposent l'approche par le filtre de
Hodrick-Prescott, le filtre de Kalman, le filtre de la moyenne mobile, la
tendance simple, la tendance quadratique et la fonction de production. Selon
Diop (2000), l'estimation de la production potentielle par l'approche de la
fonction de production ressort beaucoup plus pertinente, du fait que le gap de
production issu de cette estimation explique assez bien l'inflation. Il
rappelle que cette méthode présente l'avantage d'être
fondée sur une approche économique car relie la production
à ses déterminants principaux. Toutefois, les
inconvénients d'une telle méthode proviennent principalement de
la difficulté à mesurer et à mettre à jour le stock
de capital, et d'appréhender correctement le marché du travail de
l'Union. Ceci pourrait donc altérer la qualité des données
relatives au stock du capital et de l'emploi. Mais Tenou (2002), dans
l'évaluation empirique de la règle de Taylor pour la BCEAO a
précisé qu'après plusieurs estimations
économétriques, les meilleurs résultats sont obtenus
lorsque l'output gap est calculé à partir de la production
tendancielle lissée à l'aide du filtre HP. La production
potentielle utilisée dans la présente étude sera aussi
calculée dès lors par le filtre HP.
Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
49
En outre, le calcul du taux d'intérêt réel
est assez complexe comme celui du PIB potentiel. Il est souvent
identifié à la productivité marginale du capital et
à la croissance tendancielle de la production réelle. Taylor dans
son étude de 1993, a utilisé un taux réel de 2% pour
l'économie américaine. Dans notre cas, nous calculerons ce taux
en deux étapes comme indiquées par Kozicki (1999). D'abord, nous
calculerons la moyenne de la série du TPE ainsi que celle de l'inflation
; ensuite sera appliquée une simple différence entre ces deux
moyennes pour dériver le taux d'intérêt réel. Lequel
taux sera comparé au taux déduit de l'estimation de la
règle (3.7). Kozicki (1999) précise cependant que, les
résultats ainsi que les recommandations peuvent beaucoup varier selon le
mode de calcul du taux d'intérêt réel
d'équilibre.
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