III. 1.2 Modèle théorique : la règle
forward-looking
Le cadre de base part d'une forme réduite
développée par Clarida et al. (1998) pour définir
une règle monétaire pour la Fed. Cette règle a
été testée sur données américaines,
allemandes et japonaises. Ces auteurs concluent à une adéquation
entre la forme forward-looking et les taux effectivement
observés aux niveaux de ces grandes banques centrales. Clarida et
al. (1998) précisent que comme déjà
développé par Further et Goodfriend(1991), la Reserve
Fédérale a implicitement un taux nominal cible ( ) pour les fonds
fédéraux (fed funds). Ainsi, sur la base de cette
hypothèse, ils postulent l'équation linéaire suivante :
(3.1)
Où définit le taux d'inflation en glissement annuel
entre la période t et t+ô. est la cible
d'inflation de la Fed. est le niveau de l'output gap
définit comme la déviation en pourcentage entre le PIB
réel et son niveau potentiel. E(.) est l'operateur d'anticipation, et
est l'ensemble de l'information disponible au moment de fixer le taux
d'intérêt est, par construction le taux nominal
désiré lorsque à la fois l'inflation et l'output
atteignent leurs niveaux cibles.
Clarida et al. (1998) justifient la règle
(3.1) en indiquant qu'elle fait appel à la fois au champ
théorique et empirique. En effet, des formes approximatives (et souvent
exactes) de cette règle sont optimales pour une banque centrale qui a
une fonction de perte quadratique en déviation de l'inflation et de
l'output par rapport à leurs niveaux cibles dans un macro modèle
générique36 . Sur le plan empirique, nombre d'auteurs
trouvent un consensus que la règle de politique définie par (3.1)
fournit raisonnablement de bonnes descriptions des politiques de la majeure
partie des banques centrales à travers le monde. En outre, la
spécification forward-looking permet à la banque
centrale de considérer une large gamme d'information pour former les
croyances sur les conditions futures de l'économie, une
caractéristique hautement réaliste37.
La règle (3.1) permet de dériver la règle
du taux d'intérêt réel. En supposant que le taux
d'intérêt réel ( est identiquement
égal au taux d'intérêt nominal ( ) diminué de
l'anticipation d'inflation ( i.e. .
36 Voir par exemple, Svensson (1996), Bernanke et
Woodford (1997), Clarida et al. (1997)
37 Cette vision cadre bien avec la logique du ciblage
d'inflation développée par Svensson
Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
43
Et aussi que (le taux d'intérêt nominal de long
terme , est la somme du taux
d'inflation cible et du taux d'intérêt réel
de long terme )
Remplaçons ces deux égalités dans (3.1), il
vient que :
(3.2)
La règle (3.2) montre que le taux d'intérêt
réel s'ajuste aussi en fonction de la grandeur de
par rapport à 1 et du signe de . Si , la règle de
taux est stabilisante38, elle est au
contraire instable si .
Les règles (3.1) et (3.2) sont cependant restrictives
pour servir de modèle dans le changement des taux
d'intérêt. Selon Clarida et al. (1998), trois raisons au
moins peuvent être avancées : D'abord, ces règles supposent
un ajustement immédiat du taux de la Fed à son niveau cible en
réponse au changement d'inflation et d'output ; et ignorent de ce fait
la tendance de la Fed à lisser le taux
d'intérêt39. Ensuite, les changements
supplémentaires du taux d'intérêt au delà d'une
période sont supposés être purement endogènes, i.e.
pour refléter la réponse systématique de la Fed à
la prévision de l'inflation et de l'output. Enfin, ces règles
stipulent que la banque centrale a un control parfait des taux par exemple
qu'elle les maintient à leur niveau désiré en utilisant
les opérations d'open market.
L'estimation de la règle simple de Taylor pour la BCEAO
par Tenou (2002) a fait ressortir que le taux retardé est pertinent.
Ainsi, nous reconduisons cette hypothèse et formulons avec Clarida et
al. (1998) le lissage suivant :
(3.3)
Où ? [0, 1] est un indicateur du degré de
lissage du taux d'intérêt, est un choc exogène de taux
d'intérêt de moyenne nulle et , le taux d'intérêt
nominal cible tel que donné par l'équation (3.1).
Il est à préciser que ces auteurs retiennent une
forme AR (1) pour la Bundesbank et préconisent une forme AR (2) pour la
réserve fédérale.
38 Dans cette condition, on retrouve le principe de
Taylor qui stipule une réaction du taux d'intérêt au gap
d'inflation plus que proportionnelle à 1.
39 Rudebush (1995) met en évidence une
corrélation sérielle dans les modifications du taux
d'intérêt. Goodfriend (1991) précise que la banque centrale
lisse ses taux de peur de perturber les marchés financiers et Sack
(1997) ajoute l'incertitude liée aux changements des taux
d'intérêt.
Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
44
Deux interprétations possibles peuvent être
données aux chocs . En premier lieu, ils peuvent refléter
l'échec de la banque centrale à maintenir le taux au niveau
prescrit par la règle ; tel serait le cas en présence de chocs de
demande de monnaie si une variable autre que le taux directeur était
utilisée comme instrument de politique monétaire (réserves
obligatoires par exemple). Et en second lieu, ils pourraient capturer les
décisions délibérées des autorités
monétaires de dévier transitoirement de leur règle
systématique.
En combinant l'équation d'ajustement partiel (3.3) avec
l'équation initiale (3.1), nous pouvons écrire :
(3.4)
Afin de donner une forme estimable au modèle de base, une
méthode consiste à remplacer les
valeurs anticipées non observables par leurs valeurs
observées. Ainsi, soient les erreurs de prévision commises par
les agents économiques sur l'inflation et l'activité. Ces
erreurs
sont supposées indépendantes et de variances
respectives . Les relations suivantes peuvent s'écrire :
En remplaçant ces dernières équations dans
l'équation (3.4), il vient que :
)
Enfin, nous trouvons la règle de base (3.5)
avec , ,
, =
ô est l'horizon temporel d'anticipation, nous faisons
l'hypothèse que cet horizon est de quatre trimestres i.e. ô = 4
(une année). Il faut cependant, préciser que le CPM de la BCEAO a
fixé cet horizon à vingt quatre mois, soit huit trimestres dans
son rapport annuel de 2010. Malgré ce fait, notre hypothèse se
veut être en phase avec nombres d'études qui retiennent une
échéance de 4 trimestres dans les évaluations empiriques.
La règle (3.5) devient donc :
(3.6)
Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
45
La forme opérationnelle de cette règle prenant
en compte les variables économiques à proprement parler est
obtenue en écrivant l'équation suivante :
(3.7)
Avec :
TPE, le taux de prise en pension, utilisé ici
comme taux directeur de la BCEAO (une justification en sera donnée plus
bas) ;
infgap4, l'écart entre l'inflation
anticipée sur 4 trimestres et la cible d'inflation ;
gaphp, la variable économique
identifiée à l'écart entre la production effective et son
niveau potentiel.
Comme indiqué dans le système (3.7), les trois
variables sont censées être corrélées positivement
au TPE.
, le taux de la banque centrale connait une certaine
viscosité dans sa fixation. C'est cela qui fonde entre autre
l'hypothèse d'un processus AR(1) dans la modélisation de la
règle.
, théoriquement, toute augmentation du taux d'inflation
(ou du taux d'inflation par rapport à son niveau cible) doit
s'accompagner par une mesure restrictive de la banque centrale qui peut se
traduire par un relèvement des taux directeurs.
, le même mécanisme que précédemment
s'applique ici. Tout écart positif de l'output gap s'interprète
comme un écart inflationniste qui en appel aussi à une hausse des
taux. L'équation (3.7) sera estimée par la Méthode
Généralisée des Moments qui sera précisée
dans la section suivante.
|