Conclusion
La politique monétaire de la BCEAO conduite auparavant
de manière administrative, a connu une profonde mutation à
travers les reformes de 1989. Lesquelles reformes ont consacré la
libéralisation du secteur bancaire et l'importance accrue
accordée aux mécanismes du marché. Le renforcement du
marché monétaire a ainsi privilégié les taux
d'intérêt comme principal canal de transmission des impulsions de
la banque centrale. Cette nouvelle stratégie tente de rompre avec les
interventions discrétionnaires pour laisser jouer des logiques de
conduite beaucoup plus crédibles.
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Règles de politique monétaire : essai de
modélisation pour la BCEAO DEA/Master de recherche
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CHAPITRE II : CADRES DE CONDUITE DE LA
POLITIQUE MONETAIRE, UNE REVUE DE LITTERATURE
Introduction
Les thèses monétaristes, popularisées
notamment par Friedman (1968) ont ramené aux devants de la scène
théorique la thématique de l'efficacité de la politique
monétaire pour la régulation conjoncturelle et voire structurelle
de l'économie. Même si Lucas (1976) insiste sur le fait que la
politique monétaire est inefficace du faite de la rationalité des
anticipations des agents économiques, nombres d'autres tels Taylor
(1993, 1995), Bernanke et Gertler (1995), Mishkin (1996) croient à la
transmission des impulsions monétaires de la banque centrale à
travers plusieurs canaux possibles. Dès la fin des années 1980,
les études s'intéressèrent à la manière de
conduire la politique monétaire pour optimiser ses effets
escomptés.
Le présent chapitre tente de passer en revue les grands
débats suscités autour de la conduite de la politique
monétaire en mettant en évidence leurs implications empiriques.
Règle ou discrétion ? Un consensus se dégage en faveur des
règles, mais au faite, laquelle cadre le mieux à la politique de
la banque centrale ?
II.1 Aspects théoriques
II.1.1 Règle versus discrétion : contexte
d'un renouveau monétaire
La politique monétaire doit-elle être conduite de
manière discrétionnaire ou suivre des règles
préétablies ? Cette grande interrogation a suscité nombres
de contributions durant les années 1980. Si la politique
discrétionnaire est un réglage au cas par cas des
déséquilibres qui affectent l'économie (une politique
conjoncturelle), la régulation elle, est basée sur une politique
systématique dont les arguments sont connus par les agents
économiques qui les intègrent dans leurs anticipations. Dans une
logique discrétionnaire, la banque centrale cherche à optimiser
son comportement période après période en fonction du type
de chocs15 imprévisibles affectant l'économie. Ainsi,
l'attitude des autorités monétaires de la période courante
peut varier de celle de la période suivante selon que le niveau de
l'activité est jugé insuffisant (la logique de l'arbitrage par la
courbe de Phillips tient ici).
Dès la fondation du débat, Kydland et Prescott
(1977) critiquent cette manière de piloter le système en la
taxant d'incohérence temporelle16 (ou
dynamique). Pour eux, la conduite de la
15Il s'agit des perturbations affectant la demande.
Cette vision a été soutenue par les keynésiens
16On retrouve plus ou moins la critique
monétariste de Friedman : à long terme la courbe de Phillips est
verticale
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politique monétaire (et économique dans son
ensemble) n'est pas un jeu contre la nature, mais plutôt contre des
agents rationnels. De ce fait, dans un environnement où les
anticipations des agents privés sur la valeur des grandeurs futures
servent à déterminer les grandeurs contemporaines, les
Autorités monétaires sont dans l'impossibilité d'atteindre
la cible d'inflation socialement optimale. A la suite de cette remise en cause
de la discrétion, Barro et Gordon (1983) démontrent que cette
dernière introduit un «biais inflationniste». En
effet, il existe ex post une différence positive entre
l'inflation observée et l'inflation cible du fait que le gouvernement
est tenté de renoncer à sa cible (pourtant fixée ex
ante) pour accroître le niveau d'activité. Toutefois selon
ces auteurs, la crédibilité de la règle par rapport
à la discrétion doit être subordonnée par un
système de contraintes afin d'éviter toute déviation
ultérieure.
D'autres auteurs comme Rogoff et Walsh cités par
Mourougane (1997) ont précisé les conditions pour assurer la
supériorité de la règle sur la discrétion. Rogoff
(1985a) montre que la nomination d'un banquier central « conservateur
» qui accorde un poids plus important à la lutte contre l'inflation
que la société, ferait baisser les anticipations des agents
économiques. Ce résultat est à relativiser en
économie ouverte (Rogoff, 1985b). Aussi, Walsh (1995) montre que le
gouvernement peut par le biais d'un contrat inciter le banquier central
à choisir l'inflation socialement optimal. Ce contrat est tel que le
banquier central est sensé maximiser la différence entre les
montants des transferts qui lui sont accordés et les coûts sociaux
en terme d'inflation et d'emplois. Toutefois, il convient d'insister sur les
limites d'un tel résultat. D'une part, il repose sur des
hypothèses17 très fortes, notamment sur la nature des
arguments de la fonction de coût. D'autre part, le gouvernement n'a pas
forcément la capacité (physique et volonté) de s'engager
et dans ce cas, aucune règle ne sera soutenable et même si elle
n'est pas optimale, seule une politique discrétionnaire pourra
être mise en oeuvre.
Les années 1980 se terminent avec un consensus sur la
supériorité de la règle vis-à-vis de la
discrétion. Alors, le débat a été orienté
sur l'analyse de la nature et de la forme des règles dans la conduite de
la politique monétaire.
17 Les anticipations des agents sont rationnelles et
les erreurs de prévisions sont dues à des surprises, et la courbe
d'offre est une courbe de Phillips avec anticipations rationnelles à la
Lucas (cf. A. Mourougane, 1997)
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