CHAPITRE V.
DISCUSSIONS
Les CUK ont une clientèle diversifiée. Ceci est
visible à travers sa grille tarifaire présentée au tableau
III. Pendant les heures de garde ce tarif double. En dehors des
catégories de patients dont le tarif est présenté dans le
tableau II, il existe aussi le tarif IIIB qui est appliqué aux
expatriés. Cette différence des coûts est très
importante. Les CUK ont de manière globale le tarif le plus
élevé de tous bien qu'elle bénéficie de certaines
subventions de l'Etat.
La fréquence du sexe des patients
présentée à la figure 1 est différente de celle de
Carrasco et Baubeau. Ils ont trouvé dans leur étude sur les
usagers des urgences en France, une prédominance du sexe masculin
à 57%. (17).
La répartition de l'âge trouvée
diffère de celle de Carrasco et Baubeau. Leur étude a
montré que le quart des patients avait moins de 15 ans et 43% moins de
25ans. Selon nos résultats présentés au tableau IV, 54%
des patients avaient au moins 25 ans et 19% avaient moins de 18 ans.
Nous avons enregistré une basse fréquence des
enfant de moins de 10 ans (7,9%) qui peut s'expliquer par le fait que les
nouveau-nés étaient directement amenés dans les
unités de néonatologie, ce qui rendait leur suivi difficile,
d'où leur exclusion de notre échantillon. La même
étude sus évoquée a trouvé que 48% des patients
aux urgences étaient des nourrissons (17).
En tenant compte de notre IC qui est de 0,33 personnes, la
taille des ménages moyenne trouvée de 6,65 personnes est proche
des résultats MICS 2 qui a trouvé une taille de ménage de
6,7personnes. Ces résultats sont différents de ceux de Lelo et
TShimanga qui eux ont trouvé une taille moyenne de 7,9 personnes par
ménage (20). Il nous est difficile de tester la significativité
de cette différence apparente car ils n'ont pas donné
l'écart type ou l'erreur standard de leur moyenne. Nos résultats
sont aussi différents de ceux de l'EDS-RDC (Enquête
Démographique et de Santé) 2007 qui a trouvé 5,9 personnes
comme taille du ménage en milieu urbain (21).
La CB était fréquentée par 12,96% (14 sur
108) des ménages dont le revenu mensuel est de supérieur à
500 $US alors qu'aux CUK nous avons noté 15,91% (14 sur 88) des
ménages de même revenu mensuel. Cette différence n'est pas
statistiquement significative avec le p value de 0,055. Comparée
à l'HSJ (p value de 0,017), la différence est significative. Ce
qui peut nous permettre de conclure que de les ménages ayant un revenu
mensuel supérieur à 5OO $USD fréquentent plus la CB et les
CUK que l'HSJ.
Les résultats rapportés dans le tableau IX
montrent que 66,9% des patients viennent aux urgences en provenant de leur
domicile. Cette proportion est proche de celle trouvée en France par
Carrasco et Baubeau. Selon leur étude, 70% des patients se
présentent directement aux urgences sans aucune orientation
préalable (17). Toutefois, il faut dire que dans ce pays, le
système de santé est organisé de sorte qu'en cas de
problème de santé, le patient peut appeler le service des
urgences ou autre services habilité afin d'avoir une orientation sur la
structure sanitaire la mieux habilitée à résoudre son
problème.
Carrasco et Baubeau dans la même étude ont
établi que la grande majorité des patients qui viennent aux
urgences arrivent par leurs propres moyens de transport et que 14% arrivent par
ambulance. Nous avons trouvé une proportion très
élevée de 98% (292 sur 299) des patients qui arrivent par leurs
propres moyens, bien que ce pourcentage inclue une proportion de 32% des
patients venant des CS et autres hôpitaux. (17).
Les CUK ont reçu plus de cas dont la durée de la
maladie avant l'arrivée aux urgences est la plus longue. Ceci s'explique
par le fait que c'est l'hôpital de dernière
référence dans notre pays. Ce même argument explique
également pourquoi la grande proportion des patients qui y arrivent sont
référés par les médecins.
Selon le tableau XV, 16% (49 sur 315) des patients avaient une
convention avec l'hôpital où ils arrivaient et qu'aucun n'avait
choisi un hôpital pour raison d'existence d'une convention avec cette
dernière à travers une mutuelle de santé. Ceci ne veut pas
dire que les mutuelles de santé n'existent pas mais plutôt que peu
de personnes ont adhérés aux mutuelles de santé.
Si nous considérons la maladie interne plus les
problèmes gynécologiques et les pathologies chirurgicales autres
que traumatiques comme problèmes somatiques, il y a lieu de comparer nos
résultats à ceux de Carrasco et Baubeau. Ils ont trouvé
que 48% des patients consultaient aux urgences pour des problèmes
somatiques et 48% pour des problèmes liés à un traumatisme
(17). Cependant nous avons trouvé que 81,8% des patients ont
consulté pour des problèmes somatiques (62,9% maladie interne,
7,3% maladies gynécologiques, 11,7% motif chirurgical autre qu'un ATR)
et que moins de 10% (8,3%) avaient consulté aux urgences pour un
problème lié aux ATR.
Le délai d'attente avant la consultation
médicale présenté aux tableaux XX et XXI montre que la
moyenne de la CB est la plus faible . Ceci s'explique par le fait qu'à
cette clinique, si le patient et/ou ses accompagnants sont prêts à
payer la consultation, le médecin commence à examiner le patient.
Les preuves de paiement suivent après. Ce n'est pas le cas de l'HSJ
où l'établissement du dossier est conditionné par la
présentation de la preuve de paiement de la consultation.
Bien qu'aux CUK il arrive qu'on commence à consulter un
patient sans avoir au préalable payé, ce délai s'allonge
parfois à cause du nombre important des patients et des réunions
matinales qui font que les médecins sont absents pour un temps assez
long.
Ce délai trouvé de 30,5 est proche de celui de
Macharia et al. au Kenya dans leur étude sur l'accessibilité et
la qualité des soins en cas d'ATR. Ils ont trouvé un délai
d'attente variant entre 30 et 60 minutes et que ce délai était
plus long dans les institutions publiques, un peu moins dans les institutions
religieuses et beaucoup moins dans les institutions privées (11).
La moyenne du délai d'attente de la consultation des
CUK est proche de celle trouvée en Californie par Lambe et al. qui ont
trouvé que les patients passaient 57 minutes avant de rencontrer un
médecin ; aussi que 42% attendaient plus d'une heure (12).
Jarr et al. eux sur un échantillonnage
systématique de 508 patients avaient trouvé une moyenne de 14
#177; 18 minutes et que 90% des patients attendaient moins de 30 minutes
(10).
Le délai d'attente apparemment long de Californie
s'explique par l'existence d'un service de triage où le malade est
d'abord reçu par un infirmier capable d'apprécier l'état
de chacun et de l'orienter selon l'indice de sévérité de
la maladie lui attribué. Notre moyenne du délai d'attente de la
consultation est très influencée par les valeurs extrêmes,
surtout les maximums. Les CUK ont ce délai le plus long de 600 minutes.
Mais le médian que nous pouvons présenter dans ce cas est de 8
minute pour la CB, 21 minutes pour les CUK et 10 minutes pour l'HSJ.
De manière globale, la moyenne du délai
d'attente avant l'administration des premiers soins que présente le
tableau XX et XXI est de 94,3 minutes. Cette moyenne est beaucoup
influencée par les valeurs extrêmes qui sont de 717 minutes aux
CUK, 318 à l'HSJ et 296 à la CB. Au total, il y a 17
observations qui ont plus de 300 minutes de délai d'attente. Si nous
extrayons ces valeurs extrêmes, la moyenne du délai d'attente
avant l'administration des premiers soins devient de 70 minutes. Ce temps se
prolonge aux CUK (188 minutes) à cause de l'attente quasi obligatoire
des résultats de laboratoire avant d'instaurer un traitement
approprié. Il peut aussi s'agir de l'attente de l'avis d'un
médecin techniquement plus compétent que celui qui a reçu
le patient.
Bien que globalement 64% des patients estiment avoir
reçu les premiers soins appropriés à temps, presque la
moitié d'entre eux (49%) aux CUK pensent avoir été pris
en charge en retard contre 30% à la CB et 28% à l'HSJ. Comme
motif de ce retard, les patients citent l'indisponibilité des soignants
et le manque d'argent en premier lieu respectivement à 75% et 69%. La
non disponibilité des médicaments n'a été
citée comme cause du retard de la PEC que par quatre patients (4,1%) sur
les 48 qui ce sont plaints aux CUK. Dans l'ensemble, 15 personnes sur 315
(4,8%) s'en sont également plaintes. Un autre motif évoqué
est la lourdeur des formalités administratives entendu par les patients
comme la multiplicité des tarifs à payer parfois aux
différents endroits distants les uns des autres. Ils se plaignent aussi
du retard dans la prise de décision médicale. Nous estimons que
c'est le manque de communication qui donne cette impression.
Le coût moyen des soins jusqu'à l'administration
des premiers soins aux CUK de 41364 CDF n'est pas statistiquement
différent de celui de la CB (32513), mais la différence est
significative celui de l'HSJ de 46042 CDF. Cependant si les actes infirmiers et
médicaux sont facturés et payés, le coût des
premiers soins appropriés aux urgences des CUK pourrait être
supérieur à celui de la CB t de l'HSJ. Toutefois, cette
hypothèse mérite d'être vérifiée
àtravers d'autres études.
En ce qui concerne la destination des patients après 48
heures de séjour aux urgences, nos résultats de 21,3% des
transferts en hospitalisation sont proches de ceux de Carrasco et Baubeau qui
ont trouvé 19% (17). Au cours de notre enquête et en
présence de nos équipes, nous avons enregistré trois
décès pour les trois hôpitaux. Le taux de mortalité
dans les 48 heures d'observation aux urgences est donc de 0,0095% soit 3 cas de
décès sur 315 patients. Nous estimons cependant que, pour
refléter le taux de mortalité le plus proche de la
vérité, il faut une enquête exhaustive au cours d'une
étude longitudinale.
L'OMS définit de la qualité des soins en ces
termes : « Délivrer à chaque patient l'assortiment
d'actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur
résultat en terme de santé, conformément à
l'état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour
un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa
plus grande satisfaction en terme de procédures, de résultats et
de contacts humains à l'intérieur du système de soins
» (22). Si nous comprenons la qualité des soins
selon cette définition, il nous faudra des données
supplémentaires pour pouvoir l'estimer car il s'agit d'une variable
composite. Néanmoins à la question posée directement sur
la qualité des soins, les résultats montrent que les
CUK sont perçues comme offrant la meilleure qualité des soins.
Ceci est différent des résultats de Macharia et al. selon
lesquels les kenyans estiment meilleure la qualité des soins dans les
hôpitaux confessionnels comparativement aux hôpitaux privés
et publiques (11). Nous estimons cependant que si le nombre de structures
sanitaires était plus grand, nous serions probablement arrivés
à la même conclusion.
Le tableau XXX présente les résultats de la
régression linéaire multiple des facteurs qui influencent le
délai de l'administration des premiers soins aux urgences dans les
hôpitaux de Kinshasa. Après plusieurs tentatives de construction
des modèles incluant plusieurs variables, le modèle qui arrive
à expliquer le délai d'administration des premiers soins à
environs 50% avec une un R² le plus élevé est celui qui est
présenté dans ce tableau. Ces facteurs sont : le nombre de
généralistes aux gardes, le délai d'attente pour
consultation et le temps passé aux laboratoires. Par ailleurs, le nombre
de spécialités prescrits améliore le R² mais il n'est
pas significatif. De ce modèle il ressort que l'augmentation du nombre
de médecins aux urgences augmentent aussi le délai
d'administration des premiers soins. Cette situation qui est logiquement
anormale correspond pourtant à nos données. C'est aux CUK que
nous avons le plus grand nombre de médecins aux urgences et c'est dans
cet hôpital que le délai d'administration des premiers soins est
le plus long.
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