La location-gérance de l'entreprise en difficulté en droit des procédures collectives OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires )( Télécharger le fichier original )par Emmanuel TSAGMO TAMEKO Université de Dschang Cameroun - Master en droit option : droit des affaires et de l'entreprise 2011 |
B- Les limites à l'ordre de paiementL'une des réserves tient à l'existence des sommes suffisantes pour désintéresser tous les ayants droits. Dans ce cas, il n'est plus opportun de déterminer un ordre quelconque. La place faite aux créanciers des frais de justice tient de ce que ce privilège est souvent accordé aux créanciers, dont notamment le syndic, qui ont engagé des frais pour parvenir à la réalisation et à la distribution elle-même du prix. Or dans le cadre de la mise en location-gérance de l'entreprise en difficulté, il n'est pas sûr que la signature dudit contrat ait nécessité de frais énormes de la part de la justice. Si tel pouvait être le cas, la priorité devrait être accordée aux créanciers dont le gage porte sur des biens indispensables à la poursuite de l'activité de l'entreprise. Il est de règle que le jugement d'ouverture entraine toujours une modification des droits individuels des créanciers. Ils sont désormais soumis à une discipline collective de masse qui rompt avec l'anarchie des recours individuels. Ils sont soumis à un traitement égalitaire : la suspension des poursuites individuelles, l'exigibilité des dettes non échues du débiteur, l'interruption du cours des intérêts et enfin l'inscription de l'hypothèque de la masse. Ces différentes exigences empêchent les créanciers de conforter leurs droits et, par là même, font obstacle à une modification du passif antérieur qui est figé au jour du jugement d'ouverture. Tel est l'expression de l'égalité entre les créanciers du débiteur défaillant dès l'ouverture de la procédure collective. le désintéressement des créanciers de l'entreprise en difficulté mise en location-gérance ne devrait-il pas aussi se faire de manière égalitaire ? En restant figé sur un ordre quelconque, la procédure collective deviendrait inutile puisqu'une part importante des fonds serait affectée par avance au paiement d'une catégorie donnée de créanciers. On ne peut dès lors s'empêcher de critiquer le choix de favoriser certains créanciers. On ne peut pas reconnaître une priorité absolue à toute créance de salaire. En effet, les procédures collectives impliquent, par hypothèse, une situation de pénurie. Tous les créanciers ne pourront pas être payés immédiatement et intégralement. Or, favoriser à tout prix tous les salariés semble être injuste. Il s'avère que sacrifier les fournisseurs au profit des salariés revient à sacrifier indirectement les salariés de ces fournisseurs. De même, certains créanciers de l'entreprise en redressement sont eux aussi des salariés dont les économies risquent d'être englouties. Tous ces conflits d'intérêts ont conduit la jurisprudence à s'interroger sur la notion même de salarié dans la procédure collective194(*). Si le principe d'égalité semble exister, ce n'est que dans une proportion moindre. Non seulement son application est quasi virtuelle, en ce que beaucoup de créanciers ne seront jamais payés, suite à l'absorption de la totalité de l'actif par un nombre restreint de créanciers, mais on peut s'interroger au passage quant à la cohérence du principe d'égalité. En effet, dans le cas des créanciers gagistes, il ne s'applique même plus au sein d'une catégorie, mais doit se subdiviser en sous catégories ciblées. Le simple fait de parler de créanciers « privilégiés » et « super privilégiés » ne fait que renforcer cet aspect inégalitaire de la procédure. Quoi qu'il en soit, l'on pense que lorsque les fonds recueillis au terme des deux premières années d'exploitation seront insuffisants pour désintéresser tous les créanciers, ceux-ci, toute catégorie confondue, devraient concourir dans la distribution en proportion de leurs créances totales, au marc le franc. Et ainsi de suite jusqu'à leur total désintéressement car pourquoi payer les uns après deux ans et les autres après quatre voir six ans en cas de renouvellement du contrat de location-gérance. En somme, lorsque le locataire-gérant aura convenablement assuré ses engagements (gérer l'entreprise en bon père de famille et payer régulièrement la redevance), le passif de l'entreprise sera totalement apuré sinon en grande partie. Toutefois, il peut arriver que les choses ne se passent pas comme on l'a souhaité du fait non seulement du locataire-gérant mais aussi et surtout des organes de la procédure. Dans ce cas, les créanciers de l'entreprise en difficulté mise en location-gérance doivent-ils rester indifférents? * 194 A ce sujet, voir Cass. com. 7 juin 1988, BC IV, n°191, p.133. |
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