Du caractère discriminatoire de l'adultère en droit congolais( Télécharger le fichier original )par Marc KASEREKA BITAHA Université catholique de Bukavu RDC - Graduat en droit public 2012 |
CHAPITRE 2. TRAITEMENT DISCRIMINATOIRE DE L'ADULTERE EN DROIT CONGOLAISL'Etat de droit doit appliquer le principe d'égalité de tous devant la loi. Dans cet Etat, les lois doivent être élaborées sans aucune discrimination. Malheureusement dans notre Etat la RDC, la loi réprimant l'adultère présente un caractère discriminatoire. Comme on peut s'en rendre compte l'adultère de la femme mariée pour sa répression, le seul acte isolé suffit pour établir l'infraction. Mais lorsqu'il s'agit du mari il faudra réunir les circonstances injurieuses qui entourent cet acte. Section 1. Caractère inégalitaire de la répression de l'adultère face au principe constitutionnel de l'égalité de tous devant la loiS'agissant de l'adultère du mari, l'acte isolé ne suffit pas pour établir l'acte infractionnel. Cet acte ne sera infractionnel que s'il a été entouré d'une injure grave. Cet état laisse le pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier appréciera donc souverainement quand l'époux coupable méritera de se voir appliquer les sanctions prévues par la loi. Il a été jugé que le concubinage par lui seul n'était pas constitutif d'adultère, car on a estimé qu'il n'imprimait pas le caractère d'une injure grave d'adultère.46(*) L'adultère du mari peut être imprimé du caractère d'injure grave que lorsque le mari s'entretienne avec sa concubine dans le domicile conjugal.47(*) Comme tout Etat de droit prône le principe d'égalité de tous devant la loi, la constitution de la RDC du 18 février stipule à son article 12 : Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi.48(*) En interprétant l'art 467 du code de la famille du 1 aout 1987 et les deux décrets dont celui du 25 juin 1948 et celui du 5 juillet 1948 nous remarquons que le caractère discriminatoire subsiste dans toutes les lois. Ce caractère nous parait contraire à l'art 12 de la constitution, alors que l'adultère de la femme peut être constaté à tous les endroits, tout adultère de l'homme n'est pas un délit. L'adultère du mari n'est un délit que dans le cas où il a entretenu une concubine dans la maison conjugale. Ce qui veut dire à contrario que tout adultère commis par le mari chez sa maitresse ou dans un hôtel n'est pas constitutif du délit d'adultère. Le délit d'adultère pour ce qui concerne l'homme est en somme un délit d'habitude. Il faut pour que l'infraction d'adultère soit constituée que le mari entretienne une concubine dans la maison conjugale c'est-à-dire un commerce illicite avec sa concubine vivant dans la maison conjugale. Il s'ensuit que l'adultère du mari n'est plus punissable, après un jugement ayant prononcé la séparation de corps entre les époux. Une faveur qui n'est pas accordée à la femme. Concernant l'adultère commis par la femme, le législateur béninois a consacré l'homme grand seigneur de la procédure. D'abord, cette poursuite ne peut être exercée que sur dénonciation du mari. Ensuite, le mari peut l'arrêter par son désistement. Enfin, en consentant à reprendre sa femme, il arrête les effets de la condamnation. Le mari est donc consacré maître de la poursuite en ce qui concerne l'adultère de la femme. Cette discrimination fondée sur le sexe est jugée contraire par les plaideurs congolais au principe d'égalité entre l'homme et la femme. La violation du principe de la non discrimination est ici flagrante. La générosité manifestée en faveur du mari est univoque. Or, il n'y a aucune différence objective entre les candidats à l'adultère selon qu'il s'agit de l'homme ou de la femme, à part celle fondée sur le sexe. On rétorquera peut-être que l'adultère commis par la femme lui fait ramener des enfants adultérins dans le foyer. En réalité, les enfants ne sont que la conséquence d'une infraction qui doit être constatée indépendamment de ses effets. Dans les deux cas, l'infraction est également commise, mais le traitement légal n'est pas identique.49(*) Partant de nos analyses, dans ce cas quel sera le sort du devoir de fidélité ?non seulement le législateur établit la discrimination, mais aussi il favorise ce crime dans la société congolaise. La criminalité étant un domaine qui est suffisamment organisé, le criminel du délit d'adultère est capable de disparaitre les traces de son acte, de ce fait il se sentira à l'aise de commettre l'adultère en dehors de son domicile conjugal, d'ailleurs on présume que c'est une autorisation que la loi accorde tacitement. Cela s'explique par le fait que nous observons dans notre société, le cas des hommes mariés qui organisent des sorties en dehors de nos villes ou même de nos frontières pour aller commettre leurs forfaits, leurs actes criminels en dehors du domicile conjugal qui, constitue le délit d'adultère dans le cadre de cette étude, mais ne peuvent en aucun cas être réprimé par le juge du fait du lieu de leur commission. Comme l'adultère est une incrimination contre le devoir de fidélité, nous nous demandons si l'acte sexuel commis par le mari en dehors du domicile conjugal ne constitue-il pas une violation au devoir de fidélité ?ou alors la loi devait préciser tout simplement que seule la femme mariée doit être fidèle et non pas le mari. Si toutes les dispositions légales incriminant l'adultère peuvent apparaitre pertinentes, elles sont contradictoires avec l'art 14 de la constitution dans la mesure où le pouvoir public ne veille pas à l'élimination de cette forme de discrimination à l'égard de la femme, mais s'est constitué en principal auteur de discrimination. La contradiction est encore plus flagrante avec l'art 13 de la constitution garantissant l'égalité de tous les êtres humains en droits et en dignité. Les mêmes observations peuvent être faites de la contradiction entre ces dispositions législatives et l'art 2 de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme selon lequel « Les Etats s'engagent à instaurer une protection juridictionnelle des droits des femme sur un pied d'égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d'autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire. Tel est exactement la lettre de l'art 13 de la constitution et dont le juge aurait pouvoir sanctionner la violation. Aucune justification objective ne saurait fonder cette infériorité juridique de la femme en cas d'une répression inique du délit d'adultère.50(*) Comme beaucoup d'auteurs et plaideurs congolais, il nous parait difficile d'expliquer la réticence de nos juridictions à appliquer les traités internationaux, il est rare de trouver un jugement qui reprend dans sa motivation ou dans son dispositif des dispositions d'un instrument international ayant force légale en RDC. C'est briser cette résistance que le constituant a inscrit expressément la justiciabilité des traités dans la constitution quand bien même l'application de ces traités peut d'une part amener le législateur à pouvoir modifier toutes ces dispositions discriminatoires auxquelles est soumise la répression du délit d'adultère de la femme. L'art 153 de la constitution confère aux juridictions de l'ordre judiciaire la compétence d'appliquer les traités internationaux dûment ratifiés qui plus est sont placés au sommet de hiérarchie normative. Il n'y a donc aucun obstacle juridique ou matériel qui empêche le juge congolais à appliquer une disposition claire et précise d'un traité, en l'occurrence celles portant sur le principe d'égalité et de non discrimination en matière d'adultère.51(*) §1. La mise en cause de la responsabilité de l'Etat congolaisPar évidence, la garantie d'égalité et de non discrimination s'impose aux pouvoirs publics à qui il est fait défense de discriminer. Toutefois, l'on s'est rendu compte que l'effectivité du droit consacré ne pouvait se satisfaire de la seule passivité étatique. En conséquence, s'est imposé l'idée que la garantie d'égalité et de non discrimination pouvait mettre une obligation positive de protection à charge des autorités. Au-delà des pouvoirs publics, l'obligation de ne pas discriminer s'impose aussi aux rapports entre particuliers.52(*) La responsabilité internationale de l'Etat est souvent envisagée dans ses rapports avec les autres sujets de droit international. Il sied de noter s'agissant des traités relatifs aux droits de l'homme l'Etat contracte des obligations vis-à-vis de ses nationaux ou plus généralement des personnes sous sa juridiction. Il en découle que le manquement à ces obligations engagera sa responsabilité que les concernées, les femmes en cas du traitement discriminatoire de la répression de l'adultère peuvent mettre en jeu devant les juridictions internes et au besoin internationales (là où elles existent). C'est cette responsabilité qui sera envisagée chaque fois l'Etat à travers ses cours et tribunaux notamment refuse d'accorder à ses gouvernés les droits qu'ils tiennent de la constitution et des traités internationaux.53(*) * 46 Leo 30 Novembre 1950 RJCB, p 61, cité par LIKULIA BOLONGO * 47 Leo 6 Mai 1947 RJCB 1948, p 54. Belg. Coll. 949, p 367 Elis 8 Mai 1951. RJCB, p 134 * 48 Art 12 de la constitution du 18 février 2006 * 49 Ibrahim SALIMU, Le traitement discriminatoire des délits du mariage devant les juridictions Béninoises et Congolaises (sd). * 50 NYALUMA MULAGANO Arnold, le juge congolais et le principe d'égalité: Sort des droits de la femme dans la jurisprudence du TGI de Bukavu (sd). * 51 Idem NYALUMA MULAGANO Arnold, p 100 * 52 Arnold NYALUMA MULAGANO, op. cit, p 86 * 53 Idem, p 102 |
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