Paragraphe 2 : Le mouvement jurisprudentiel
d'harmonisation
21. La perspective d'une unification des procès civil
et pénal de presse est pendant longtemps restée à
l'écart des décisions de justice (A). Ce n'est en effet que
depuis une vingtaine d'années que s'est construit un véritable
alignement procédural aboutissant aujourd'hui à une
quasi-parfaite synchronisation des deux contentieux (B).
A. Une longue période de résistance
22. En prohibant pour une unique infraction - celle de
diffamation envers une administration publique ou un fonctionnaire public au
sein des articles 30 et 31 - que l'action civile puisse être
exercée séparément de l'action publique, la loi du 29
juillet 1881 offre implicitement la possibilité pour les victimes de
pouvoir agir devant le juge de l'indemnisation afin d'obtenir la
réparation d'un préjudice concomitant à une infraction de
presse qu'elle définit. Or, le texte spécial de 1881, de nature
pénale, ne prévoit aucune règle encadrant la mise en
oeuvre d'une telle action devant le juge civil de sorte que
49 La jurisprudence joue un rôle essentiel
d'interprétation de l'article 65 al. 1er in fine du
texte spécial prévoyant implicitement la possible interruption du
délai de prescription « à compter du dernier acte
d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait ».
Ainsi a t-elle pu juger par exemple qu'ont un effet interruptif, la
citation directe, le réquisitoire introductif, la
plainte avec constitution de partie civile. En revanche, il est
courant que la jurisprudence rappelle à la victime que tel ou tel acte
n'est pas interruptif là où celle-ci se croyait en
sécurité. À titre d'exemple, n'est pas
considéré comme acte interruptif de la prescription devant les
juridictions civiles, une constitution d'avocat ou la
signification par le défendeur lui même de ses
conclusions. (V. pour une information détaillée : E. Dreyer,
Responsabilité civile et pénale des médias,
LexisNexis, 3e éd., 2011).
50 Civ. 2e, 29 nov. 2001 : Bull. civ.
II, n°180.
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pendant plus d'un siècle, la jurisprudence se
prononça en faveur d'une distinction des deux contentieux51.
Cette longue tradition jurisprudentielle, favorable à une
séparation des procès civil et pénal de presse, semblait
donc en parfait accord avec cette fameuse phrase de Barbier qui sur un fond
d'évidence disait : « l'action civile devant les tribunaux
civils ne peut être évidemment régie que par les
règles du Code de procédure civile »52.
Pourtant, sans qu'aucune modification législative ne
puisse réellement en justifier, la jurisprudence, à la fin du
XXème siècle, s'aventura dans l'entreprise de longue haleine que
devait constituer l'unification du procès pénal et civil de
presse tentant ainsi d'instituer un véritable «
parallélisme des formes » qui nous le verrons, ne semble pas
faire l'unanimité53.
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