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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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Paragraphe 2 : La résurrection de la responsabilité pour faute

128. « Chassez la faute, elle revient au galop » disait Philippe le Tourneau281. L'auteur avait vu juste. C'est du moins ce que nous montrent les évolutions récentes de la jurisprudence semblant vouloir ranimer la subsidiarité de la responsabilité civile de droit commun (A). Plus surprenant en revanche, c'est un retour à sa fonction substitutive que certains juges paraissent tenter de lui assigner (B).

275 V. T. civ. Seine, 19 juin. 1963 : JCP 1963-II, n°13379, appliquant l'article 1382 du Code civil contre un journaliste pour inexactitude des informations fournies.

276 V. T. civ. Seine, 3 janv. 1934 : Gaz. Pal. 1934, 1, p.541.

277 V. sur ce point : G. Viney, Introduction à la responsabilité, LGDJ, 3e éd., 2008, p. 35 et s.

278 E. Dreyer, Responsabilité civile et pénale des médias, Lexisnexis, 3e éd. 2011, p. 18.

279 V. A-M. Ho Dinh, « Le « vide juridique » et le « besoin de loi ». Pour un recours à l'hypothèse du non-droit », PUF, l'année sociologique, 2007/2 vol. 57, p. 419 et s.

280 Ph. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2e éd., 2009, p. 173, n°337.

281 Ph. le Tourneau, « La verdeur de la faute dans la responsabilité civile », RTDciv. 1988, p. 512.

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A. Le phénomène de « démagnétisation » de la loi de 1881

129. Nombreuses sont les espèces, qui postérieurement au 27 septembre 2005, ont témoigné d'une volonté de « revitaliser » la fonction complétive du droit commun telle que l'avait envisagé l'assemblée plénière le 12 juillet 2000. L'un des premiers arrêts ayant marqué cette tendance fut celui rendu le 30 octobre 2008 par la première chambre civile de la Cour de cassation282.

Dans cette affaire, une association avait attribué la paternité d'un article de presse au contenu déplaisant à une personne qui n'en était pas l'auteur. L'intéressé agit en responsabilité civile estimant qu'une faute avait été commise au sens de l'article 1382 du Code civil. Les juges du fond décidèrent alors de le débouter en sa demande d'indemnisation estimant que l'écrit ayant un caractère diffamatoire au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, l'assignation aurait dû respecter le formalisme imposé par l'article 53 de cette même loi de sorte que celle-ci est nulle pour vice de forme. L'arrêt est cassé pour fausse application des articles 29 et 53 du texte spécial, et pour refus d'application de l'article 1382 du Code civil.

À n'en pas douter, l'objectif fut ici de restaurer la fonction complétive de la clausula generalis en présence de faits distincts d'une infraction de presse, quand bien même l'intérêt lésé était de nature extrapatrimonial. Aussi, la Haute juridiction a semblé vouloir porter un coup à l'interprétation extensive faite par la jurisprudence des infractions de diffamation et d'injure pour là encore, mieux laisser la faute civile s'exprimer en marge du texte spécial283. Cela est d'ailleurs tout à fait louable, au regard des grands principes gouvernant notre droit positif et notamment, celui d'interprétation stricte de la loi pénale284.

130. Par la suite, d'autres arrêts poursuivirent ce pas. Pour ne citer que quelques décisions, on notera cet arrêt de la Cour d'appel d'Orléans rendu le 22 mars 2010285 dans lequel les juges du fond ont décelé une faute civile distincte d'une diffamation pour un bloggeur ayant par l'allégation de propos désobligeants, discrédité un maire auprès de ses électeurs, sans pour autant lui imputer de faits suffisamment précis. On relèvera aussi cet

282 Civ. 1e, 30 oct. 2008 : Bull. civ.I. n244.

283 P. Jourdain, « Le discret retour de l'article 1382 en matière de presse », RTDciv. 2009, p. 332.

284 V. Sur ce point : F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 16e éd., 2009, n220 et s. ; Aussi, pour une interprétation de ce principe : V. CEDH, Achour c/ France, 29 mars 2006, n°67335/01 pour qui un tel principe « commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l'accusé, par exemple, par analogie ».

285 CA Orléans, 22 mars 2010, CCE 2010, n91, obs. A. Lepage.

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arrêt de la deuxième chambre civile du 20 mai 2010286, ayant admis que la campagne de discrédit menée par une association à l'encontre d'un établissement bancaire était constitutive d'un dénigrement fautif au sens de l'article 1382 du Code civil. Dans le même sens, ce jugement du Tribunal de grande instance de Paris rendu en 2010287, ayant admis qu'un Ordre puisse agir sur le fondement de la responsabilité pour faute pour sanctionner des propos offensants envers la profession qu'il représente, caractérisant un cas de dénigrement civil distinct de la diffamation. Enfin, dernière décision révélatrice de cette volonté de réfréner l'emprise du texte spécial, cet arrêt de la chambre criminelle du 19 janvier 2010288, se refusant à admettre que le dénigrement d'un produit puisse rejaillir sur son producteur pour se fondre en diffamation.

Philippe Le Tourneau l'avait donc justement prédit. Le « chasseur » du 27 septembre 2005 n'avait qu'à bien se tenir. C'est bien au « galop » que la faute comptait assurer son retour dans le domaine de la presse pour raviver son rôle complétif. Et bien plus encore.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault