WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Presse et responsabilité civile

( Télécharger le fichier original )
par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Partie I : La suprématie controversée de la loi du 29 juillet 1881 en matière de presse

7. Il n'est pas étonnant que la loi du 29 juillet 1881 prime sur la responsabilité civile de droit commun reposant sur l'article 1382 du Code civil. Il ne s'agit en effet que d'une simple application de l'adage romain specialia generalibus derogant28 érigé en principe général de notre droit. Or, si pendant plus d'un siècle une cohabitation pacifique régnait entre les deux textes, le choc des législations ne tarda pas à se faire sentir pour laisser place aux tumultes que l'on connaît entre l'article 1382 du Code civil et le texte spécial29.

8. Tant sur la forme que sur le fond, le texte de 1881 instaure un régime exorbitant du droit commun souvent jugé comme excessivement protecteur des organes de presse. L'accent doit particulièrement être mis sur la rigueur exacerbée des exigences procédurales du texte spécial faisant l'objet de critiques à répétition de la part de nombreux auteurs30 (Titre 1). Sa recherche d'un équilibre, entre d'une part la liberté d'expression et d'autre part le droit des personnes, s'est vu perturbée par de nombreuses tentatives d'immixtion du droit commun en la matière poussant ainsi la jurisprudence à devoir se prononcer sur les frontières respectives des deux textes (Titre 2).

28 Ce qui est spécial déroge à ce qui est général : H. Roland, Lexique juridique, expressions latines, LexisNexis, 5e éd., 2010, p. 337.

29 B. Beignier, B. de Lamy et E. Dreyer, Traité de droit de la presse et des médias, Lexisnexis, 1ère éd., 2009, p. 732.

30 V. E. Derieux, « Faut-il abroger la loi de 1881 ? », Légipresse n°154-II, sept. 1998, p. 93.

15

Titre 1 : Les règles de forme et de fond instaurées par le texte spécial

9. La loi du 29 juillet 1881 est un texte de droit pénal et de procédure pénale. Ses règles processuelles sont l'une des caractéristiques prépondérante de son authenticité. C'est d'ailleurs depuis seulement une vingtaine d'années que celles-ci se sont imposées devant le prétoire civil, ce qui nous le verrons divise largement la doctrine (Chapitre 1). Le coup de grâce a pourtant été porté par une importante jurisprudence de 200031 favorable à une identité de la faute pénale et civile en matière de presse et harmonisant ainsi les règles de fond de mise en oeuvre de la responsabilité (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Le particularisme procédural du contentieux de la presse

10. Le contentieux de la presse est redouté des praticiens du droit pour sa singulière technicité32 de sorte que de nombreux avocats et juges en ont fait leur spécialité. Les auteurs s'intéressant à la matière n'ont d'ailleurs pas manqué d'imagination tant les formules illustrant la complexité de la procédure telle qu'imposée par le texte spécial sont nombreuses33.

11. Nous observerons que la loi sur la liberté de la presse apparaît comme étant l'expression d'un droit subtil (Section 1) dont l'extension des règles de procédure devant le juge civil s'est progressivement opérée pour atteindre son paroxysme au deuxième millénaire. Il conviendra d'en examiner les conséquences eu égard à l'action civile en réparation du dommage causé par voie de presse, désormais soumise aux dispositions pénales instaurées par le texte (Section 2).

31 Cass. Ass. Plén., 12 juillet 2000 : Bull. civ. n8 ; Comm. com. électr. 2000, n108, obs. A. Lepage ; LPA, 14 août 2000, note E. Derieux ; Gaz. Pal. 2001, somm. p. 979, note P. Guerder ; JCP G 2000. I. 280, n2, obs. G. Viney ; RTDciv. 2000, p. 845, obs. P. Jourdain ; D. 2000, somm. p. 463, obs. P. Jourdain.

32 V. E. Derieux, « pièges procéduraux de la loi du 29 juillet 1881», note sous TGI Belfort, 5 janvier 1996, JCP 1996. II. 22695.

33 Commet éluder la formule utilisée par Marc Domingo : « la loi du 29 juillet 1881 est peuplée, sur son versant procédural de monstres fantastiques et d'avortons étranges qui composent une galerie de tératologie juridique rarement imitée dans d'autres secteurs du droit. » (« Atteintes à la réputation : la protection judiciaire pénale », Gaz. Pal. 1994, 2, doctr. p. 999)

16

Section 1 : Les subtilités processuelles de la loi de 1881

12. Pendant longtemps, seules les dispositions de l'article 65 du texte de 1881 relatives à la prescription étaient opposées aux actions civiles en réparation trop tardives. Pour le reste, le « formalisme tatillon »34 mis en place par la loi sur la liberté de la presse trouvait uniquement à s'appliquer devant le juge répressif (Paragraphe1). Il faudra finalement attendre la fin du XXème siècle pour assister à l'unification des procédures pénale et civile de presse (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une procédure au formalisme méticuleux

13. Le formalisme pointilleux auquel doivent faire face les demandeurs au procès de presse se manifeste dès l'introduction de l'instance par le biais d'un certain nombre de dispositions essentielles pour la suite de la procédure (A). Ceux-ci devront en outre veiller avec attention à ne pas se voir opposer le court délai de prescription de trois mois, caractéristique du droit de la presse (B).

A. Les exigences fondamentales des articles 50 et 53 du texte spécial

14. Le particularisme procédural du procès de presse se reflète dès l'acte introductif d'instance dont le formalisme - imposé par les articles 50 et 53 de la loi de 1881 - paraît d'emblée vouloir endurcir l'aboutissement des actions en responsabilité. Il convient dès lors de s'attarder en quelques mots sur le contenu de ces dispositions clés de la loi sur la liberté de la presse.

L'article 50 tout d'abord, exige à peine de nullité que le réquisitoire introductif du ministère public articule et qualifie « les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels la poursuite est intentée, avec indication des textes dont l'application est demandée. »35. Cette triple exigence de qualification et précision des faits litigieux d'une part, et d'indication des textes applicables d'autre part, se retrouve au sein de l'article 53 de la même loi concernant la citation directe devant le tribunal correctionnel. En outre, pour les citations délivrées à la requête du plaignant, ce dernier impose une élection de

34 N. Mallet-Poujol, « Abus de droit et liberté de la presse », Légipresse 1997, n143-II, p. 84.

35 Art. 50 du Code de la communication ; La jurisprudence a désormais étendu ce formalisme à la plainte avec constitution de partie civile.

17

domicile dans la ville où siège la juridiction saisie ainsi que l'obligation de signifier la citation au ministère public en plus du prévenu36.

15. Alors que la loi dispose que l'ensemble de ces formalités doivent être respectées à peine de nullité, une jurisprudence constante affirme que les choix réalisés en vue de satisfaire à ces exigences de forme sont définitifs. En effet, « ils fixent irrévocablement les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre (É) et délimitent définitivement la poursuite »37. Il faut donc bien comprendre que le choix des éléments de fait et droit concomitant aux exigences d'articulation et de qualification des propos - s'opérant à la base de la poursuite - est primordial.

16. Ce développement purement descriptif appelle à réaliser deux types d'observations. Difficile d'éluder d'une part, le caractère éminemment pénal des dispositions procédurales évoquées. Les termes « réquisitoire », « ministère public », « citation », ne trompent pas sur le dessein du législateur de 1881 de vouloir semble t-il, appliquer ces dispositions procédurales devant le juge répressif uniquement. Les articles 50 et 53 ne font d'ailleurs aucune allusion à une quelconque action civile séparée38. D'autre part, il apparaît clairement que ce formalisme exigeant déroge aux règles classiques de procédure pénale en un sens favorable à la partie défenderesse39. Les rédacteurs de la loi sur la liberté de la presse ne s'en cachaient d'ailleurs pas. Il s'agit en réalité de créer des obstacles de procédure en vue de mieux protéger les organes de presse et ainsi « modérer les ardeurs de la vindicte publique »40.

C'est sans compter le « brévissime »41 délai de prescription consacré par l'article 65 de la loi de 1881 constituant l'un des principaux trait caractéristiques de la procédure de presse.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King