Section 2 : La détermination du civilement
responsable
48. Si le Code pénal demeure silencieux quant à
la détermination du civilement responsable à la suite de la
commission d'une infraction, la loi du 29 juillet 1881 ne manque pas d'y
consacrer un article dont la rédaction peut d'ailleurs sembler quelque
peu ambig·e (Paragraphe 1). Le préjudice causé à la
victime - essentiellement moral en matière de presse - pourra ainsi
être réparé. Pour autant, il semblerait que la fonction
indemnitaire de la réparation ne remplisse pas toujours ses objectifs.
Nous tenterons d'en comprendre les causes avant d'en envisager les solutions
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le contenu de l'article 44 du texte
spécial
49. À première vue, trois types d'acteurs
seraient susceptibles d'être désignés en tant que
débiteur de la dette de réparation qu'implique le jeu de la
responsabilité civile. Le journaliste auteur des propos litigieux d'une
part, sur le fondement de la responsabilité du fait personnel de
l'article 1382 du Code civil ; le directeur de publication d'autre part, sur le
même fondement, et cela à raison d'un manquement aux devoirs de
contrôle et de
107 La locution « a priori » visant
à souligner le fait que dans l'hypothèse contraire - celle
où le directeur de publication aurait eu connaissance du
caractère illicite des propos tenus sans avoir agi, ce qui supposerait
donc une fixation préalable ! (art. 6-I-2 LCEN) - ce dernier serait
retenu en tant qu'auteur principal.
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surveillance qui lui sont impartis108 ;
l'entreprise de presse enfin, sur le fondement de l'article 1384 alinéa
5 du Code civil en sa qualité de commettant109.
50. La loi du 29 juillet 1881 semble pourtant avoir voulu
limiter le nombre de responsables potentiels. En effet, selon les termes de
l'article 44 de la loi sur la liberté de la presse, seront civilement
responsables, « les propriétaires des journaux ou écrits
périodiques » au titre « des condamnations pécuniaires
prononcées au profit des tiers contre les personnes
désignées aux deux articles précédents » en
tant que pénalement responsables, et ce, « conformément aux
dispositions des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil
»110. Le civilement responsable ainsi institué est
généralement une personne morale à savoir, la
société éditrice.
51. On observe ainsi que, si le statut particulier «
d'organe de presse » permet aux personnes morales qui en revêtent la
qualité de pouvoir échapper à la responsabilité
pénale qui leur incombe en vertu du droit commun au sens de l'article
121-2 du Code pénal111, celles-ci sont en revanche la cible
en matière de responsabilité civile.
52. On peut néanmoins s'étonner de la
référence faite aux articles 1382 et 1383 du Code civil
étant donné que c'est quasiment systématiquement l'unique
responsabilité du fait d'autrui de l'article 1384 fondant la
responsabilité civile de la personne morale qui jouera112. En
effet, conformément à l'alinéa 5 de cet article, les
maîtres et les commettants sont responsables des dommages causés
par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles
ils sont employés.
Dès lors, selon que le responsable devant les tribunaux
répressifs se trouve être - comme c'est le cas dans la
majorité des espèces - le directeur de la publication, ou encore,
le journaliste auteur des propos, ce sera bel et bien la société
éditrice de la publication qui les emploie, qui sera tenue de la
réparation du dommage causé à la victime.
108 Crim., 14 juin 2000 : Bull. crim. n°223.
109 B. Beignier, B. de Lamy et E. Dreyer, op. cit. p.
743.
110 Loi 1881-07-29 Bulletin Lois n° 637 p. 125.
111 Le principe de la responsabilité pénale des
personnes morales est posé par l'article 121-2 du code pénal
issu de la loi n° 92-683 du 22 juillet 1992. Il dispose que «
les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables
pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes
ou représentants ».
112 B. Beignier, B. de Lamy et E. Dreyer, op. cit. p.
649.
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