B. Les difficultés d'adaptation en
matière de presse en ligne
46. La pratique semble avoir mis en exergue les vicissitudes
de la transposition du système de la « cascade » en
matière de presse en ligne. L'extrême diversité des
intermédiaires techniques, les difficultés d'identification des
internautes, le fait que tous ne figurent pas dans la « cascade » des
responsables potentiels, constituent les causes majeures des maux que suscite
l'adaptation d'un tel système de responsabilité envisagé
par l'article 6.V de la LCEN. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la
doctrine et la jurisprudence se montrent relativement hostiles à une
telle transposition.
47. Toujours est-il que d'une manière
générale, le critère de distinction essentiel à
retenir en matière de presse en ligne - à l'instar de la
communication audiovisuelle - est celui de la maîtrise ou non du contenu
éditorial105 dont découle la condition de «
fixation préalable ». En effet, par principe le directeur
de publication demeure responsable à titre principal en cas de fixation
préalable du propos répréhensible106, et donc
dans la seule hypothèse où est admis qu'il maitrisait le contenu
éditorial. En revanche, pour les sites du Web 2.0 - types forums de
discussions, blogs ou encore réseaux sociaux - ce dernier
101 TGI Paris, 20 mars 2012 : Légipresse
n°294, mai 2012, p. 281.
102 V. art. 93-3 Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la
communication audiovisuelle.
103 Il convient de préciser que la « cascade
» prévue par l'article 93-3 retient comme responsable - en cas de
fixation préalable - le directeur de publication ; à
défaut l'auteur ; à défaut le producteur.
104 V. art 6.V Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la
confiance dans l'économie numérique.
105 V. C. Castets-Renard, « Éditeur de contenus
ou éditeur de services ? », Légicom n°46, 2011,
p.45.
106Il incombe en effet aux éditeurs de
services de communication au public en ligne - selon les articles 6-III-1 et 2
de la loi LCEN - de préciser le nom du directeur de la publication.
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n'ayant a priori pas la maîtrise du contenu
éditorial ne pourra voir sa responsabilité
engagée107. Dès lors, seul l'auteur des propos
litigieux sera ici pénalement ou civilement condamnable. Il s'agit pour
ce genre de sites de l'issue la plus fréquente dans la mesure où
il est pratiquement impossible pour le directeur de publication d'avoir une
quelconque emprise sur le contenu qu'il diffuse. Le système de
responsabilité en cascade devient alors dans ce type d'espèce,
inapplicable.
Malgré ces quelques difficultés d'adaptation, il
semblerait que la loi du 29 juillet 1881 mette donc en place un régime
de responsabilité pénale dont les spécificités
paraissent incontestablement oeuvrer en faveur des victimes d'infractions de
presse. Cette désignation d'un pénalement responsable est
d'ailleurs essentielle. Elle est le préalable nécessaire à
la détermination du débiteur de la réparation au civil.
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