Paragraphe 2 : Le système de responsabilité
pénale en cascade
42. Le système de responsabilité pénale
mis en place par l'article 42 du texte de 1881 constitue l'une des
singularités majeure du droit de la presse (A). À la
différence des autres médias, son adaptation à la presse
en ligne n'est pas sans causer des difficultés (B).
A. Le mécanisme prévu par l'article 42
de la loi de 1881
43. Si le droit pénal commun dispose que «
Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait
»98, les dispositions de la loi sur la liberté de
la presse elles, instaurent un régime proche de la responsabilité
pénale automatique pouvant s'analyser - concernant le directeur de
publication - comme une responsabilité du fait d'autrui.
44. La « cascade » illustre une
énumération hiérarchique et successive d'individus
susceptibles d'être poursuivis en tant qu'auteurs principaux des crimes
ou délits de presse répertoriés au sein du texte
spécial. Ce régime constitue incontestablement une garantie
facilitant la poursuite des auteurs d'infractions de presse pour les
victimes99. En effet, l'article 42 du texte spécial dispose
que l'auteur principal sera le directeur de publication ou l'éditeur ;
à son défaut, ce sera l'auteur des propos qui endossera une telle
responsabilité ; et si celui-ci fait aussi défaut, seront tenus
pour responsables les imprimeurs, les vendeurs ou encore les distributeurs et
afficheurs100. En outre, il convient de préciser que
l'article 43 de cette même loi prévoit que les auteurs seront
poursuivis comme complices lorsque le directeur de publication sera en
cause.
45. Cette surprenante responsabilité pénale du
directeur de publication - car n'ayant pas matériellement commis
l'infraction - s'explique comme étant la contrepartie de son devoir de
contrôle du contenu de la publication. Cela vient d'être à
nouveau rappelé dans une
98 Art. 121-1 du Code pénal.
99 P. Bilger, Le droit de la presse, PUF,
4e éd., 2003, p. 52.
100 Loi 1881-07-29 Bulletin Lois n° 637 p. 125.
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décision récente101. C'est d'ailleurs
un système semblable qui a été instauré en
matière de presse audiovisuelle avec pour différence essentielle
qu'est pris en compte le critère dit de la « fixation
préalable »102. En effet, la loi du 29 juillet 1982
prévoit que le directeur de publication ne pourra endosser la
qualité de responsable lorsque les faits litigieux auront
été proférés lors d'une émission en direct
car ce dernier n'aura en ce cas pas été préalablement en
mesure de connaître et donc d'assurer la maîtrise du contenu de la
publication. La condition de « fixation préalable » faisant
ici défaut, seul l'auteur des propos sera retenu comme civilement ou
pénalement responsable.
Ce système de responsabilité en cascade,
instauré par la loi du 29 juillet 1881 (art. 42) et transposé en
matière de communication audiovisuelle (art. 93-3)103, a
été étendu par le législateur à la presse en
ligne au sein de l'article 6.V de la LCEN104. Nous allons voir que
c'est avec peine que s'opère cette dernière conquête.
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