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Les politiques urbaines d'intégration sociale par le logement au Maroc

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par Siham BENSAID
Université Mohammed V Rabat Agdal - master droit public 2010
  

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Chapitre 2 : Des causes d'exclusion du logement :

L'exclusion du logement et de l'accès à la ville constitue l'un des principaux facteurs d'exclusion sociale : avoir un toit est en effet un élément essentiel à la sécurité des individus et en être privé ouvre à toutes sortes de difficultés dans l'accès aux services et aux droits.

Nous considérerons donc, d'abord les principales causes et manifestations de cette exclusion, pour envisager ensuite les conditions et les démarches d'intégration urbaine et sociale.

Le lien entre processus de relégation11 urbaine et pauvreté fait de l'accès au logement une variable stratégique de la lutte contre la pauvreté. Ce constat étant fait, quelles politiques d'intégration par le logement mettre en oeuvre ?

Une première interrogation touche à la difficile question des droits spécifiques par rapport au droit commun. Faut-il élargir les politiques de droit commun, et jusqu'où est-ce possible ? Cette interrogation doit se lire au regard d'une autre question : comment proposer des logements aux ménages pauvres sans que cette offre ne soit prise par les classes moyennes ? Le glissement est fréquent.

En effet, si l'offre est insuffisante pour loger les ménages à revenus moyens et que l'on crée une offre de qualité pour les ménages à bas revenus, l'expérience montre alors que les couches à revenus intermédiaires occuperont les logements destinés aux pauvres, repoussant ceux-ci plus loin encore dans les périphéries des villes.

Au-delà de la définition d'une hypothétique politique d'insertion par le logement susceptible d'être mise en oeuvre par les différents Etats, l'objectif est ici d'engager une réflexion sur les méthodes d'intégration urbaine et sociale, et de caractériser ce que pourrait être un « droit au logement » visant à promouvoir des "villes socialement inclusives". 12

Les habitants développent des stratégies face aux systèmes formels de production et d'attribution de logements et à l'exclusion urbaine.

C'est sur ces pratiques que doivent s'appuyer les politiques publiques d'insertion sociale. Cet objectif requiert un accompagnement des pratiques des habitants et la prise en compte de leurs savoir-faire, mais également une adaptation du cadre technique, financier, institutionnel des politiques d'intégration par le logement.

Dans la mesure où l'accès au logement se situe au coeur de la problématique d'intégration sociale des ménages pauvres, l'analyse de certaines causes d'exclusion du logement est un préalable nécessaire à la mise en oeuvre de toutes les politiques d'intégration.

11 Bannissement

12 J-P. FITOUSSI, P.LAURENT « Ségrégation urbaine et intégration sociale», Edition La documentation française, 2004 (source INAU)

Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration sociale par le logement au Maroc

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Les processus d'exclusion sociale par le logement sont multiples. La principale cause en est l'incapacité des politiques d'habitat à concevoir une offre accessible aux bas revenus, conjuguée au libre jeu du marché tant pour l'accès au foncier que pour l'accès au crédit.

a- L'absence de politiques de logement pour les ménages à bas revenus :

Dans un grand nombre de pays, les gouvernements ont laissé se développer, à la périphérie des villes, des quartiers informels, dépourvus de services et d'équipements.

Selon le contexte politique et les besoins des villes en main d'oeuvre, les pouvoirs publics ont oscillé entre laisser-faire et répression, la manifestation la plus brutale de celle-ci étant l'éviction des populations et la démolition des quartiers concernés13.

b- L'inadéquation entre l'offre et la demande du marché foncier:

La détermination des prix du marché foncier se fait à travers des mécanismes tels que la rente ou encore à travers les méthodes de spéculation foncière utilisées par les acteurs urbains.

Les mesures correctrices classiques (fiscalité foncière et immobilière, tentative de contrôle et de réglementation de l'accession à la propriété) ont jusqu'à maintenant donné des résultats très limités. Les instruments tels que les taxes et les impôts ne sont pas vraiment très efficaces en matière de régulation du marché foncier ; car ce dernier est victime d'un déséquilibre entre une offre bien limitée par rapport à la demande.

« Le libre jeu du marché foncier, pas plus que sa simple régulation ne suffisent pas à définir une politique foncière susceptible de répondre à la demande des ménages à faibles revenus. » En particulier dans les villes des pays en développement, les modalités d'accès au foncier touchent diversement les ménages selon leur niveau de revenus. Pendant que les ménages les plus aisés peuvent trouver sur le marché une offre foncière légale qui leur permette d'accéder à la propriété, les ménages à bas revenus quant à eux, doivent mettre en place des stratégies et techniques de survie à travers l'occupation de terrains inadaptés à l'urbanisation, et non destinés à la construction (pentes trop importantes, zones inondables, proximités de zones d'activités dangereuses).

L'idée que le libre fonctionnement des marchés fonciers et immobiliers suffirait à améliorer l'offre de logements pour tous les groupes de revenu est contredite par la réalité.

L'aggravation de l'exclusion urbaine n'est pas due à des dysfonctionnements, mais au contraire au fonctionnement "normal" du marché. La libéralisation des marchés n'aidera pas à trouver une solution définitive au problème de l'accès à la propriété pour les ménages les plus démunis. En économie de marché, le désengagement des Etats est un facteur aggravant d'exclusion.

13 Extrait de l'ouvrage de A. Durand-Lasserve, "Law and urban change in developing countries: trends and issues", in E Fernandes and A Varley (edition), Illegal Cities: Law and Urban Change in Developing Countries, Zed Books, London, 1998.

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L'accès réduit des ménages au système de prêt :

Selon les pays, un pourcentage important des ménages n'a ni accès ni recours au système formel du crédit pour le financement de leur logement. Ce constat s'explique majoritairement par le fait qu'il n'a pas une offre adaptée des systèmes de financement à la situation des ménages les plus démunis ayant les revenus les plus bas.

Les ménages les plus démunis ou ayant les revenus les plus bas sont victimes de cette « discrimination », à cause justement de la faiblesse et l'irrégularité de leurs revenus, le plus souvent puisé dans le marché informel du travail. Leurs caractéristiques ne répondent pas aux exigences et critères des systèmes formels de crédit qui impliquent notamment des remboursements périodiques, échelonnés sur une longue période de temps, et donc cette tranche de la population est considérée comme insolvable et présentent un risque pour les banques.

Cette inadaptation est renforcée par le fait que les systèmes formels exigent que les ménages disposent d'un droit réel sur le sol, généralement un titre de propriété (pour avoir une garantie, hypothèque), ce qui est rarement le cas des ménages à très bas revenus.

Ceux-ci ont des stratégies inscrites dans la durée : ils conçoivent généralement l'accession à la propriété comme un processus progressif, au rythme d'une acquisition irrégulière de moyens financiers.

Ils sont rarement en mesure de contracter des prêts bancaires classiques qu'il faut rembourser en continu. Les banques et organismes de crédit ont peu d'intérêt à adapter leur offre de crédit à ce type de comportement financier.

d- L'accès au logement ne suit pas la production du logement :

L'exclusion du logement n'est pas le privilège des pays en développement. 14

La crise de l'offre en logement peut s'analyser comme une adaptation, classique en économie libérale, de l'offre à la demande de logement neuf : la production, même en réduction, ne permet de répondre qu'à la demande solvable.

C'est finalement le mode de régulation de l'offre et de la demande qui est en crise : « la production est tirée vers le haut, la demande vers le bas »15.

Cette crise se traduit par la baisse régulière du nombre de logements annuellement construits. Parallèlement, les logements considérés comme vétustes disparaissent petit à petit par démolition, ce qui entraîne une réduction de la partie la plus « sociale » du parc locatif privé.

14 En Europe, il y a quelques 3 millions de sans abri et entre 15 et 18 millions de personnes mal logées. Aux Etats-Unis, on estime que le nombre de sans abri est du même ordre, parmi lesquels 270000 sont des vétérans de guerre. 15R .BALLAIN ET S.KOMPANY, « Logement » : Tome III. Guide de la Politique de la Ville et du développement local, éditions ASH, janvier 1999, mis à jour en avril 2004

Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration sociale par le logement au Maroc

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Dans les pays les plus industrialisés, le problème du logement n'est pas seulement une question de production mais aussi d'accès.

Le coût des loyers, de même que le poids relatif du logement dans le budget des ménages, n'a cessé d'augmenter ces vingt dernières années.

Beaucoup de ménages n'ont pas les moyens d'avoir un logement, et ceci dû à un manque de ressources et de garanties pour prendre un prêt.

« La notion de mixité sociale nourrit finalement l'idée récurrente de ne plus accueillir certaines populations jugées indésirables ». Elle tend à établir des seuils de tolérance qui contribuent à la privation du droit de cité pour certaines populations.

e- Les limites de la gestion urbaine centralisée :

Au Maroc, l'exemple de la politique de résorption des bidonvilles illustre les limites d'opérations décidées dans un système hyper centralisé qui ne prend pas suffisamment en compte les habitants.

Parmi les facteurs limitant l'impact des interventions publiques sur les bidonvilles au Maroc, F.NAVEZ-BOUCHANINE16 cite le mode d'élaboration des interventions d'« en haut » au profit du « bas ».

L'identification des problèmes par les administrations centrales ne prend pas en compte les pratiques des ménages qui ne sont pas associés à l'élaboration et à la prise de décision concernant le relogement.

Cette approche centraliste a un certain nombre de conséquences négatives.

On remarque, plus précisément une tendance à l'utilisation de solutions conçues dans d'autres contextes, qui s'adaptent difficilement aux populations concernées, et également une tendance à la mise en oeuvre dans des petites villes, de normes standardisées, calquées sur celles des grandes villes mais qui s'avèrent inadaptées aux besoins des quartiers les plus démunies. L'absence d'un système de crédit adapté et d'action socio-économique d'encadrement, de même que le caractère excentré de nombre d'opérations sont d'autres effets limitant de ces opérations. Cette situation compromet la recherche de solutions prenant appui sur le savoir-faire des populations et les pratiques populaires.

Selon F.NAVEZ-BOUCHANINE, le résultat le plus remarquable de ces opérations, reste leur effet de diffraction sociale17.

16 F.NAVEZ-BOUCHANINE : Docteur d'État en sociologie, Professeur des Écoles d'Architecture (France) et à l'Institut National d'Aménagement et d'Urbanisme de Rabat, Maroc, Chercheur au Laboratoire CRH-CRESSAC, UMR LOUEST, Paris et membre associé au Laboratoire CITERES-EMAM (ex-URBAMA), Tours, France Consultante auprès d'organisations non-gouvernementales et auprès d'organismes internationaux (BANQUE MONDIALE, PNUD, FNUAP, FAO)

17 Dispersion ou écart social

Siham BENSAID Les politiques urbaines d'intégration sociale par le logement au Maroc

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Ces opérations offrent en effet des solutions intéressantes à une partie des habitants de bidonvilles et c'est ce qui continue à faire le succès des interventions publiques sur les bidonvilles ; mais elles restent inadaptées aux franges les plus démunies de la population. On peut noter également sur le long terme les effets négatifs d'une gestion centralisée des projets d'habitat.

Elle contribue à reproduire une inertie redoutable parce qu'elle entretient, à terme, deux tendances qui freinent les initiatives locales :

- d'une part, le pouvoir central, au lieu de jouer un rôle de régulation et d'animation, continue à se substituer aux instances locales ;

- d'autre part, ce mode de gestion conforte, chez certains élus, dans des associations, voire auprès d'autres partenaires publics, une conception assistancielle de l'Etat. 18

18 A l'opposé, les consultations urbaines mises en oeuvre par le PGU, Programme de Gestion Urbaine en Amérique latine et caraïbe, sont une méthode de coproduction du développement urbain et social qui associe de façon approfondie et dans la durée, tous les acteurs directs et indirects de ce développement. Quel que soit le lieu, les projets sont menés selon une méthode similaire fondée sur la participation effective de toutes les catégories sociales en présence à des groupes de travail qui identifient les problèmes, établissent des priorités, choisissent des solutions et les moyens de les mettre en oeuvre ; les résultats obtenus font l'objet d'un suivi, tandis que des leçons et perspectives sont systématiquement retirées des expériences.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille