II.1.2 écologie politique et l'auto limitation
des besoins
Pour les partisans de l'écologie politique ou
bioéconomie amenés par Georgescu-Roegen, pour résumer les
conclusions auxquelles son analyse bio-entropique l'a mené, on pourrait
faire écho au Halte à la croissance du rapport Meadows
(1972) ou à l'ouvrage « Demain la
décroissance » édité par Jacques
Grinevald et Ivo Rens (1995). Selon Georgescu-Roegen (1975) « il est grand
temps pour nous de ne plus mettre l'accent exclusivement - comme tous les
programmes l'ont fait jusqu'ici - sur l'accroissement de l'offre. La demande
peut aussi jouer un rôle et même, en dernière analyse, un
rôle plus grand et plus efficace. » Quelques années plus
tard, Georgescù-Roegen (1978) écrira : « Le plus simple et
aussi le plus ancien principe économique veut que, dans toute situation
où les ressources deviennent de plus en plus rares, une sage politique
consiste à agir en premier lieu sur la demande. » Plus
précisément, à la lecture de son « programme
bioéconomique minimal », on comprend que Georgescu-Roegen (1975) en
appelle à une réduction de la consommation marchande des
individus par le rejet des gadgets, de la mode et des objets inutiles. Cette
idée rejoint celle d'autres penseurs de l'écologie politique,
tels Ivan Illich (1973, 1975) ou André Gorz (1988, 1991), qui mettent en
avant la nécessité de repenser la notion de besoin et de
réfléchir à l'élaboration d'une norme du «
suffisant ». Cette auto-limitation des besoins des consommateurs doit se
faire à partir d'un certain nombre de renoncements, et non de
sacrifices, note André Gorz (1991). Illich et Gorz en appellent ainsi
à la découverte d'une « austérité joyeuse
», entendons un modèle de société où les
besoins sont réduits, mais où la vie sociale est plus riche parce
que plus conviviale. Cette recherche sur le libre épanouissement des
individus oblige aussi à considérer de manière critique
les liens qui unissent le productivisme et le travail, lequel est le mode de
socialisation le plus important de la société industrielle.
Beaucoup de biens et de services, comme le note André Gorz (1988, p.
64), sont « compensatoires ». D'une part, la consommation d'objets,
lorsqu'ils sont superflus ou contiennent un élément de luxe, va
symboliser l'évasion de l'acheteur de l'univers strict de la
rationalité économique. D'autre part, nous explique Gorz (1991),
« plus vous consacrez du temps au travail rémunéré,
plus vous avez tendance à consommer des marchandises, mais aussi des
services marchands, car le temps ou les forces vous manquent pour faire des
choses par et pour vous-même. » Dès lors, selon les penseurs
de l'écologie politique, pour rompre avec cette logique et
pour que s'opère une libération dans la sphère de la
consommation, il faut introduire du choix dans le travail des individus. Il
faut que le niveau des besoins et le niveau des efforts à consentir dans
le domaine du travail soient proportionnés et déterminés
conjointement. De manière générale, il s'agit de
redéfinir les frontières de la sphère de la
rationalité économique et des échanges marchands. Les
activités économiques doivent décroître, selon Gorz
(1991), tandis que les activités non régies par le rendement et
le gain doivent se développer.
|