Section II : le développement durable :
approche économique et écologique
Depuis les années 1990, les questions d'économie
et d'écologie sont désormais inextricablement liées dans
la définition et la mise en oeuvre de ce que l'on désigne
aujourd'hui sous le terme « développement durable ». Selon
Lester Brown (1992) qui fait écho aux principes opérationnels
proposés par Herman Daly (1990), il faut entendre par là un
développement « qui reposerait sur une utilisation
modérée des ressources non renouvelables, un usage des ressources
renouvelables respectant leur capacité de reproduction et une stricte
limitation des rejets et déchets à ce qui peut être
recyclé par les processus naturels. » Compte tenu de ces
contraintes, le développement durable appelle de profonds changements
dans nos sociétés, en particulier en ce qui concerne leurs modes
de production et de consommation.
Dans notre souci d'apporter une dimension théorique au
débat, nous présenterons dans un premier temps, deux courants de
pensée qui ont réfléchi à la question du
développement durable. Le premier courant de pensée se range sous
la bannière de l'écologie industrielle (Frosch, Gallopoulos 1989
; Erkman 1998). Le second courant de pensée, regroupe un certain nombre
d'auteurs, comme Illich (1973, 1975), Gorz (1978, 1988) ou Georgescu-Roegen
(1978, 1993), que l'on range dans les rangs de l'écologie politique ou
dans ceux de la bioéconomie. Dans un second temps, nous
évoquerons le thème du développement durable en le
replaçant dans le contexte des différents sommets de la terre
(juin 1992 à août 2002).
II.1 écologie industrielle et écologie
politique : origines du développement durable
Le concept de développement durable semble trouver ses
origines dans deux modèles alternatifs : l'écologie
industrielle et l'écologie politique
II.1.1 L'écologie industrielle
« Le point essentiel dans la perspective de
l'écologie industrielle, écrit ainsi Suren Erkman (1998),
réside dans le fait que les principaux flux de substances toxiques ne
résultent pas d'accidents spectaculaires, mais d'activités de
routine : industries, agriculture, occupations urbaines, consommations de
produits divers ». Ainsi si les modifications de l'environnement sont
inévitables, les différentes activités et les diverses
techniques de production n'ont pas pour autant les mêmes impacts. Pour
Commoner (1971), comme pour d'autres écologistes, les problèmes
d'environnement contemporains trouvent d'abord leur origine dans des
«erreurs de la technologie productive et des arrière-plans
scientifiques. » Au-delà de l'énergie nucléaire, ce
sont les industries chimiques qui sont mises en cause. L'important, pour nombre
d'écologistes, est de souligner que c'est à la réussite de
certains développements et solutions techniques de l'industrie - et non
à leur échec - que l'on doit des dégradations et des
destructions de la nature. Dès lors, selon Commoner (1971), il convient
de se sortir de ce faux pas technologique : « les technologies actuelles,
[écrit-il], devraient être entièrement remodelées et
transformées pour s'adapter, dans toute la mesure du possible, aux
nécessités écologiques ; et dans l'industrie,
l'agriculture et les transports, la plupart des entreprises actuelles devraient
être réorganisées en fonction de ces nouveaux objectifs.
». Le thème du « développement durable » ne va
apparaître qu'au tournant des années 80, mais cet objectif est
déjà annoncé par la littérature écologiste.
Commoner (1969) se demande : quelle terre laisserons-nous à nos enfants
? Schumacher (1973) recommande d'« étudier l'économie du
durable », c'est-à-dire la poursuite à longue
échéance d'une croissance qui ne peut être
illimitée.
L'idée de développement durable est aujourd'hui
clairement affichée par les tenants de l'écologie industrielle
[Ayres (1993), Graedel (1996)]. Il s'agit, pour reprendre le sous-titre de
l'ouvrage de Suren Erkman (1998), de « mettre en pratique le
développement durable dans une société
hyper-industrielle». Autrement dit, adapter les technologies actuelles
dans la mesure du possible aux nécessités écologiques qui
sont notamment la préservation de l'environnement. L'écologie
industrielle se présente comme une approche soucieuse de donner un
contenu opérationnel à la notion de développement
durable.
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