I.2.2 L'approche économique
L'approche économique consiste à utiliser les
mécanismes du marché en modifiant un prix
relatif et en provoquant un transfert financier. Les instruments
économiques s'appuient sur les mécanismes du
marché pour encourager producteurs et consommateurs à limiter
la pollution et à empêcher la dégradation
des ressources naturelles. Leur logique est simple : il s'agit
d'élever le coût des comportements polluant tout en laissant aux
producteurs ou aux consommateurs toute flexibilité pour trouver
eux-mêmes les stratégies de contrôle de la production
à moindre coût. Les instruments économiques sont
généralement classés en quatre
catégories : (i) régulation par les prix (taxes ou
subventions) ; (ii) régulation par les quantités(permis
d'émission négociables) ; (iii) établissement de
règles de responsabilité (système de
consignation, dépôts de garantie remboursables,
pénalités de non-conformité) ; (iv) aides
financières.
I.2.2.1 Les taxes et redevances
C'est Arthur Cecil Pigou (1920) qui a le
premier proposé de mettre en place une taxe pour internaliser les
externalités négatives. L'économie du bien être,
telle que la conçoit Pigou, est une interrogation sur les liens existant
entre la recherche de l'intérêt individuel et la recherche de
l'intérêt collectif. Du fait de l'interdépendance non
compensées entre les agents, Pigou voit que l'utilité collective
ne peut être appréciée en faisant la somme des
utilités individuelles. Plus précisément selon Pigou, la
présence d'effets externes négatifs pose le problème de la
désadéquation entre les coûts privés et le
coût collectif (coût social) des activités
économiques. En reprenant l'exemple de la firme A qui utilise l'eau
d'une rivière pour y rejeter ses effluents, on voit que celle-ci se
conduit comme si elle utilisait un facteur de production sans le payer. Son
coût de production (qui est un coût privé), est dès
lors inférieur à ce qu'il devrait être et diffère du
coût social de son activité, du coût qu'elle inflige
à l'ensemble de la collectivité. Une telle situation est
contraire à la théorie économique pour laquelle le
coût social de l'activité doit être couvert par l'ensemble
des dépenses qu'elle engage. Au delà du problème de non
optimalité des arbitrages des agents économiques, Pigou souligne
que l'existence des effets externes pose aussi un problème de justice
sociale puisque certains agents ne sont pas rémunérés en
fonction de leur contribution exacte à la richesse collective. La
solution préconisée par Pigou consiste à répondre
à ces deux problèmes avec l'aide d'une intervention de l'Etat, la
taxe pigouvienne. Pour que le calcul économique privé de
l'entreprise A reflète le véritable coût social de son
activité, il faut que celle-ci y comptabilise l'usage de la ressource
environnementale. Il faut qu'elle internalise l'effet externe. Cela n'est
possible que si on lui envoie un signal prix reflétant la perte de
valeur de l'environnement qu'elle inflige à l'ensemble de la
collectivité. C'est selon Pigou, l'Etat, qui va jouer ce rôle de
donneur de prix en imposant une taxe (dite pigouvienne) au pollueur,
égale au dommage social marginal causé par son activité
polluante. C'est le principe du pollueur-payeur : l'entreprise polluante est
alors correctement informée sur les véritables coûts
sociaux de son activité. Avec cette taxe portant sur chaque unité
de pollution émise, son coût de production est désormais
plus élevé tandis que son profit l'est moins.
Dans le prolongement des travaux de Pigou, les
économistes de l'environnement furent
amenés à distinguer plusieurs types de taxes
(Barde, Smith, 1997). Les redevances ou les taxes sur les émissions
frappent directement la quantité ou la qualité des polluants
rejetés. On y recourt dans la plupart des pays de l'OCDE mais à
des degrés divers, pour faire face à des problèmes
d'environnement, tels que la pollution de l'air (en France, des redevances sont
été instaurées sur les émissions d'oxydes de
soufre, en Suède, elles visent les émissions d'oxyde d'azote), de
l'eau (systèmes de gestion de l'eau en France, en Allemagne, et aux Pays
Bas), du bruit (redevances sur le bruit des aéronefs) ou des rejets de
déchets (elles ne visent cependant que les déchets industriels).
Leur principal objectif est de dégager des recettes. Les redevances ou
les taxes sur les produits visent les produits polluants au stade de leur
fabrication, de leur consommation ou de leur élimination. Ce sont par
exemple les taxes sur les engrais, les pesticides et les piles, les principales
étant les éco-taxes sur l'énergie (taxes sur la teneur en
carbone et en soufre des carburants et combustibles). Ces taxes ont pour objet
de modifier les prix relatifs des produits ou de financer des systèmes
de collecte et de traitement.
I.2.2.2 Les permis négociables
L'internalisation des effets externes nécessite souvent
l'intervention publique. Cette intervention peut cependant prendre des formes
diverses, certaines se limitant à des fonctions régaliennes
classiques, d'autres au contraire s'étendant à une fonction
d'action économique plus volontariste. L'absence de marché, pour
des biens comme l'air, l'eau,... conduit à une allocation imparfaite des
ressources particulièrement des ressources naturelles, mais aussi des
facteurs de production polluants. L'une des solutions, pour traiter ce
problème, consiste à définir un marché, là
où il n'en existe pas à priori, et à laisser jouer les
mécanismes de la concurrence pour internaliser les externalités
visées. Il suffirait à la base de définir des droits de
propriété ou des droits d'usage lorsqu'ils font défaut
(biens libres) pour rétablir le bon fonctionnement de l'économie,
sans que l'Etat s'implique davantage. La coordination des comportements des
agents économiques (ménages, entreprises) est alors
assurée soit par la négociation directe, soit par
l'émergence d'un signal de prix (un prix de pollution, un prix du permis
de pollution...) qui résulte de la confrontation des
préférences individuelles et collectives. Il existe donc une
filiation entre les modes d'internalisation négociée, telles que
Ronald Coase (1960) a pu les proposer et ce que l'on appelle aujourd'hui les
systèmes de permis d'émission négociables
(désignés également sous le terme de marchés de
droits à polluer ou marché des droits de pollution). Selon le
théorème de Coase, l'absence de coûts de transaction
(coordination des activités des firmes), il y a intérêt
économique à ce qu'une négociation s'instaure directement
entre pollueurs et victimes jusqu'à ce que survienne une entente
spontanée sur le niveau de pollution acceptable.
Les travaux de Coase ont été
réutilisés dans les années 80 afin de mettre en place un
système de permis d'émission négociables. Les permis
négociables offrent aux pollueurs une souplesse accrue pour
répartir leurs efforts de lutte contre la pollution entre
différentes sources, tout en permettant aux pouvoirs publics de
maintenir un plafond fixe d'émissions polluantes. L'augmentation des
émissions d'une source doit être compensée par la
réduction d'une quantité au moins équivalente
d`émissions provenant d'autres sources. Si par exemple, un plafond
réglementaire de pollution est fixé pour une zone donnée,
une entreprise polluante ne peut s'y installer ou y étendre son
activité qu'à condition de ne pas accroître la charge de
pollution totale. Il faut donc que l'entreprise achète des droits
à polluer ou permis à polluer à d'autres entreprises
situées dans la même zone réglementée, celles-ci
étant alors tenues de réduire leurs émissions dans des
proportions équivalentes (c'est ce que l'on appelle aussi les
échanges de droits d'émissions). Cette stratégie a un
double objectif : d'une part, mettre en oeuvre des solutions peu
coûteuses (en encourageant les entreprises, pour lesquelles la
réduction des émissions serait très coûteuse,
à acheter des droits de polluer à d'autres entreprises pour
lesquelles la réduction le serait moins) ; d'autre part, concilier
développement économique et protection de l'environnement en
permettant à de nouvelles activités de s'implanter dans une zone
réglementée sans accroître la quantité totale
d'émissions dans cette zone.
I.2.2.3 Les systèmes de
consignation
Ces systèmes sont largement appliqués dans les
pays de l'OCDE, en particulier pour les récipients de boissons. Une
certaine somme d'argent (une consigne) est versée lors de l'achat d'un
produit contenu dans un certain type d'emballage. Elle est remboursée
lorsque l'emballage est rapporté au détaillant ou à un
centre de traitement.
I.2.2.4 Les aides financières et les
subventions
Les aides financières constituent également un
instrument économique important qui est utilisé dans de nombreux
pays de l'OCDE quoique dans des proportions limitées. Parmi les
principales formes d'aides figurent les subventions, les prêts à
taux réduits et les amortissements accélérés.
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