De la protection des sous-acquéreurs des biens meubles en droit rwandais( Télécharger le fichier original )par Jean Claude RWIBASIRA Université nationale du Rwanda - Bachelor of Law (LLB) 2008 |
SECTION 2. RAPPORT ENTRE LE SOUS-ACQUEREUR DEPOSSEDE ET SON COCONTRACTANTLes relations intervenues entre le possesseur, acheteur, et son auteur ne tombent pas suite à la restitution de la chose. L'acte subsiste (§ 1) et le dépossédé a droit de mettre en mouvement une action en garantie d'éviction contre son vendeur (§ 2). § 1. Maintien de l'acteLe possesseur, sous-acquéreur, obligé de restituer la chose sur la revendication du propriétaire, exercée dans le délai de trois ans, a, en vertu des principes de la vente, une action en garantie d'éviction contre son vendeur, s'il n'a pas été remboursé le prix ou remboursé partiellement128(*). Le vendeur peut lui-même exercer un recours contre l'aliénateur précédent. L'article 658, al. 2 CCLIII rappelle l'existence de ces recours : sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. Malheureusement, le recours, dirigé contre le voleur ou l'inventeur ou simplement à un particulier non négociant, il se révèle le plus souvent, illusoire en raison, nous l'avons dit, de leur insolvabilité probable. Le possesseur de bonne foi se trouve dans une situation défavorable pendant les trois années qui suivent la perte ou le vol. Il risque de restituer le meuble sans pouvoir récupérer le prix qu'il a payé. Malgré tout, quoique lors de la vente il n'avait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente129(*). § 2. Action en garantie contre l'évictionDe première vue, nous pouvons constater que l'action en garantie appartient à l'acheteur. Pourtant, elle passe à ses ayants cause y compris les successeurs à titre particulier. Cette règle se trouve édictée par l'article 292 CCLIII qui dispose que « l'obligation de livrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ». Or, il se fait que l'action en garantie contre le vendeur précédent est considérée comme l'accessoire de la chose vendue130(*). Elle est donc transmise automatiquement à chaque sous-acquéreur131(*). Il en résulte qu'en cas de ventes successives, le dernier acquéreur ne dispose pas seulement d'une action contre son vendeur, mais peut aussi agir contre le vendeur primitif, mais seulement dans l'obligation de garantie telle qu'elle a été déterminée lors de la vente originaire132(*). Cette action est ouverte à l'acheteur contre l'un ou l'autre vendeur antérieur, quand bien même il n'aurait pas d'action contre son vendeur direct. En effet, en stipulant qu'il ne sera pas tenu à la garantie, le vendeur direct transmet quand même à l'acheteur tous les droits sur la chose, y compris donc son action en garantie contre le premier vendeur133(*). Cependant, d'aucuns s'opposent à ce point de vue, en prétendant que dès qu'il y a un intermédiaire qui a acquis à titre gratuit, tout action s'arrêterait à lui134(*). Ils expliquent en disant que l'acheteur ne peut agir que si ceux dont il prétend le droit avaient véritablement un droit. Ces auteurs notent qu'il en est ainsi même au cas où il y aurait une clause de non garantie dans une parmi les ventes successives. Nous n'épousons pas le point de vue de ces auteurs, car, comme l'explique bien un auteur belge, « en stipulant la non garantie à son profit, le vendeur intermédiaire ne garantit pas la chose qu'il vend, mais il ne la cède pas moins avec tous ses accessoires, donc aussi avec l'action en garantie qu'il avait lui-même contre son vendeur135(*) ». Nous pensons que c'est à juste titre qu'il a été jugé en Belgique que « les clauses de non garantie intervenues dans des ventes intermédiaires demeurent personnelles aux vendeurs qui les ont stipulées et n'ont pas pour effet de paralyser l'action directe du dernier acquéreur contre le vendeur originaire136(*). La jurisprudence française va dans le même sens137(*). Ainsi, il est à féliciter le législateur rwandais d'avoir mis en place ces mesures de protection des parties en cas de sous-acquisition des biens meubles. Cependant, une évaluation de ces mesures s'avère nécessaire. D'après notre étude, nous remarquons que la revendication mobilière ne préoccupe tellement pas les rwandais. Cela, à notre avis, est dû à la mentalité rwandaise selon laquelle les meubles sont les biens qui passent sans laisser les traces, dont la preuve de propriété est malaisée et donc dont la revendication est impossible. Mais, cela ne veut pas dire qu'il est juridiquement impossible de revendiquer les meubles. La revendication prescrite par l'article 658 CCLIII est possible que ça soit en cas de force majeure notamment aux faits de guerre138(*), en cas de perte ou de vol. Dans notre cas de sous acquisition des téléphones mobiles, nous remarquons que ces principes de l'article 658 CCLIII restent dans des lettres puisque, comme nous l'avons démontré, la Police Judiciaire intervient dans la dépossession des sous-acquéreurs des téléphones mobiles sans observation d'aucune disposition en leur protection. Il faudrait que cette première observe la loi sinon ces règles deviendraient lettres mortes. En outre, la protection supplémentaire offerte par l'article 659 CCLIII nous semble illusoire. L'obligation pour le revendiquant de rembourser au possesseur le prix qu'il avait payé pour acquérir la chose enlève à la revendication une bonne part de son utilité pratique. C'est seulement si le meuble perdu ou volé présente pour lui un intérêt particulier (souvenir de famille, par exemple) ou si la chose a augmenté de valeur par un fait indépendant de l'acquéreur, qu'il se déterminera à la revendiquer contre le remboursement du prix payé par le possesseur évincé139(*). Mais, du moins, si le sous-acquéreur n'est pas mis hors de sa possession, notre but de lui protéger serait atteint. Ce deuxième chapitre a été consacré à l'état des lieux des mesures de protection des parties en cas de sous-acquisition d'un bien meuble. Pour compléter notre travail, nous allons entamer le troisième chapitre qui portera sur la proposition des mesures de protection des parties en cas de sous-acquisition des biens meubles. * 128 Ibidem. * 129 Article 303 CCLIII. * 130 Voy. J. B. IYAKAREMYE, De la garantie d'éviction en matière de vente, mémoire, Kigali, U.N.R., Faculté de Droit, 1993, pp. 16-58, inédit. * 131 J. LIMPENS, La vente en droit belge, Bruxelles, Etablissement Emile Bruylant, 1960, p. 150. * 132 Ibidem. * 133J. LIMPENS, op.cit., p. 151. * 134 M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t.X, Contrats civils, Paris, L.G.D.J., 1956, p. 113. * 135J. LIMPENS, op.cit., p. 151. * 136 Gand, 12 juillet 1899, Pas., 1900, II, 13. * 137 Cass. fr., 12 novembre 1884, D. 1885, I, 357. * 138 Voy. E. NKERABIGWI, op. cit., p. 741. * 139 Voy. F. TERRE et Ph. SIMLER, op. cit., p. 327. |
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