De la protection des sous-acquéreurs des biens meubles en droit rwandais( Télécharger le fichier original )par Jean Claude RWIBASIRA Université nationale du Rwanda - Bachelor of Law (LLB) 2008 |
b) La possessionPour être protégé par l'article 658, al.1er CCLIII contre la revendication du tiers propriétaire, le possesseur, sous-acquéreur, doit avoir une possession, véritable à titre de propriétaire, animo domini, à l'exclusion de la détention précaire80(*). Il faut encore que la possession soit réelle, effective, c'est-à-dire qu'elle se concrétise dans la maîtrise du meuble.81(*)Cette condition est énoncée par l'article 39 CCLIII qui, consacrant une application de l'article 658, al.1er CCLIII, exige une mise en possession réelle82(*). En somme, pour que le sous-acquéreur invoque l'article 658, al.1er CCLIII, sa possession doit être réelle et effective, c'est-à-dire ayant le corpus et l'animus domini. Une détention précaire, avec une conviction qu'on détient pour autrui et donc qu'on devra restituer tôt ou tard ne peut faire acquérir la propriété au détenteur.
Nous sommes dans les années 1970. Le père de l'une de nos lectrices, dit Marcon, est propriétaire d'une Volkswagen Schwimwagen amphibie, ancien véhicule de l'armée allemande, acquis dans les années 50, et qu'il confie à un garagiste pour réparation. Les pièces se font rares, le garagiste ne doit pas non plus mettre beaucoup d'empressement à les rechercher car le propriétaire décède en 1997 sans que le véhicule n'ait réparé. En 2002, les héritiers, qui ne connaissaient pas l'existence de cette auto, sont contactés par le garagiste, lequel demande à la veuve des documents qui lui permettraient de faire établir une carte grise à son nom ! Pour se justifier, il argue du fait que le propriétaire de la Schwimwagen ne s'est pas manifesté durant toutes ces années. Ce modèle de véhicule est aujourd'hui assez prisé, puisqu'il s'agit d'un rare amphibie, et il ne fait guère de doute que le garagiste a flairé la bonne affaire et qu'il pense pouvoir le récupérer pour rien. Mais la fille du propriétaire, curieuse de vérifier s'il s'agit bien du véhicule qui a marqué son enfance, demande au garagiste à voir le véhicule. Elle se rend donc dans son atelier, accompagné du Conservateur d'un musée automobile. Et elle découvre la Schwimwagen de son père en pièces détachées. Notre lectrice, dit-il, laisse passer un peu de temps pour réfléchir et, en juillet 2003, se rend à nouveau au garage, toujours accompagnée du Conservateur de musée. Elle annonce alors au garagiste qu'elle souhaite récupérer le véhicule dont elle possède toujours la carte grise au nom de son père. Grosse colère du professionnel qui prétend préférer se débarrasser du véhicule plutôt que de le restituer à la fille. En date du 9 septembre 2003, celle-ci co-signe avec sa
mère une lettre recommandée qu'elle adresse au garagiste,
réclamant la restitution du véhicule au plus tard le 30 du
même mois. Ce courrier reste sans réponse, et notre lectrice
apprend, peu après, que le garagiste a fait établir des
témoignages par acte notarié pour se « dire
propriétaire du véhicule » et qu'il prétend
ainsi se faire établir une carte grise à son nom ! Sûr
de son bon droit, il s'est fait conseiller par un avocat qui abonde en son
sens, en se basant sur deux articles du Code Civil Français, les
articles 2229 et 2279, équivalant aux articles 623 et 658 CCLIII. Que
disent-ils ? Notons bien, pour prescrire, il faut comprendre acquérir par prescription et le dictionnaire84(*) nous dit pour prescription, « mode d'acquisition par le simple fait d'écoulement du délai ». Disséquons ces articles : « ...possession... à titre de propriétaire ». Le garagiste n'a jamais été propriétaire puisque le véhicule est réputé appartenir au papa de la fille. De plus, le véhicule était conservé dans un garage, lieu non public. Article 658 CCLIII s'applique pour un objet que vous pourriez trouver sur la voie publique (en cas de perte). Si cet objet est réclamé par son propriétaire dans les trois ans, l'objet doit lui être rendu. Si l'objet n'est pas réclamé au bout de trois années, il est réputé appartenir à son découvreur85(*). En l'espèce, le garagiste n'a pas « trouvé » la voiture, puisque celle-ci lui a été confiée dans le cadre de son activité de garagiste-réparateur et la carte grise est bel et bien au nom du papa de ladite fille. Ces articles ne peuvent donc pas lui être opposés. Par contre, l'article 630CCLIII selon lequel « ce qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit » s'appliquerait parfaitement. En d'autres termes, le garagiste qui prend en charge un véhicule (possède) pour un client (autrui) ne peut jamais en devenir propriétaire. Nous concluons que, quel que soit le temps durant lequel un véhicule est déposé ou abandonné dans un garage aux bons soins d'un professionnel, ce dernier ne peut en aucun cas devenir propriétaire du véhicule et ne peut en disposer à sa guise puisqu'il n'est qu'un simple détenteur. * 80 F. TERRE et Ph. SIMLER, op.cit., p. 322, no 433. * 81 Idem, no 434. * 82 Voy. Supra, chapitre I, section I, §1. * 83 D. MARCON, « Un garagiste peut-il se réclamer propriétaire d'un véhicule qui lui a été confié pour travaux ? », en ligne, sur http://www.denismarcon-club-internet.fr, consulté le 27/11/2007. * 84 R. GUILLIEN et J. VINCENT, op.cit, p. 449. * 85 Voy. Infra chapitre II, Section I, §2. |
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