2.5. Le principe d'humanité
D'après la clause de Martens, les combattants sont sous
l'empire d'un régime qui résulte notamment des
« principes de l'humanité ». Donc commandants et
opérateurs de robots militaires totalement autonomessont indirectement
soumis à ces principes. Cela les oblige à déployer les
robots en conformité avec ces principes. Cela apparait
problématique. Par hypothèse, il y a une contradiction entre les
principes de l'humanité et le fait qu'un robot attaque un combattant de
manière totalement autonome. En effet, on observe un combat qui oppose
des combattants à des robots. Les robots ne sont pas humain par
définition donc ils ne peuvent correctement respecter les principes
d'humanité. Ils ne peuvent en aucun cas faire preuve
d'humanité
En conclusion, la synthèse du droit applicable à
l'utilisation de robots totalement autonomes révèle
déjà, quede tels robots sont très peu
adaptés à la pratique et que le DIH ne peut pas
correctement s'y appliquer. En particulier l'utilisation de robots
militaires totalement autonomes, ne permet pas aux militaires de s'acquitter
d'obligations relatives à la distinction ou à la
précaution dans l'attaque.
B) La responsabilité de l'utilisation d'un robot
totalement autonome
Les Etats doivent respecter le DIH pertinent. Comme on l'a
déjà montré, les membres des forces armées dont les
commandants et opérateurs de robots militaires, sont des organes de
l'Etat.
Or, d'après l'article 4 du projet de la CDI, le
comportement des organes de l'Etat est imputable à l'Etat. Donc si les
membres des forces armées violent le DIH, cette violation est
imputée à l'Etat.
La violation d'une obligation internationale par l'Etat est un
fait illicite. D'après l'article 1 du projet de la CDI :
« Tout fait internationalement illicite de l'Etat
engage sa responsabilité internationale. »
Dès lors, l'Etat peut voir sa responsabilité
engagée pour ces actes.
Dans notre cas, toutes les obligations que nous avons
présentées comme applicables aux opérateurs de robots
militaires ou bien aux commandants, doivent être respectées.
Leur violation par les militaires est un fait illicite de l'Etat,
susceptible d'engager sa responsabilité internationale. Cela
vaut que le robot militaire soit semi ou totalement autonome.
Spécialement, l'art 91, PA 1, dispose que :
«La Partie au conflit qui violerait les dispositions des
Conventions ou du présent Protocole sera tenue à
indemnité, s'il y a lieu. Elle sera responsable de tous actes
commis par les personnes faisant partie de ses forces
armées. »
On envisage dans cette partie les utilisations normales des
robots militaires et non pas les crimes de guerre commis à l'aide de ces
derniers.
Une question qui est débattue par les auteurs et notamment
Philip Alston11, est la
responsabilitédisciplinaire, pour un fait illicite
commis en utilisant un robot militaire totalement autonome.
En effet, certains auteurs mettent en évidence
l'idée que les commandants pourraient commettre un tel acte illicite
mais que la mise en oeuvre de leur responsabilité pose problème
car ils n'ont aucun contrôle sur le robot, une fois celui-ci
déployé.
D'après l'art 43 du PA 1, Le commandant est responsable de
la conduite de ses subordonnés. En outre, ses subordonnés doivent
respecter le DIH.
Ainsi, lecommandant est responsable, des violations du
DIH commises par ses subordonnés dans certaines conditions. Les
subordonnés sont soumis à un régime de discipline interne.
Le DIH n'exige pas que leur responsabilité individuelle, soit
prévue.
L'article est ainsi formulé :
« 1. Les forces armées d'une Partie à
un conflit se composent de toutes les forces, tous les groupes et toutes les
unités armés et organisés qui sont placés
sous un commandement responsable de la conduite de ses
subordonnés devant cette Partie, même si celle-ci est
représentée par un gouvernement ou une autorité non
reconnus par une Partie adverse. Ces forces armées doivent être
soumises à un régime de discipline interne qui assure,
notamment, le respect des règles du droit international
applicable dans les conflits armés. »
Les commandants, non seulement ne doivent pas donner d'ordres
à leurs subordonnés contraires au DIH mais en outre,
d'après l'art 87 du PA 1, ils doivent empêcher que les
subordonnés de leur propre initiative, violent le DIH. D'après le
3., ils ont une obligation de moyens pour empêcher ces infractions,
dès lors qu'ils savent que leurs subordonnés sont
impliqués dans une infraction :
« 1. Les Hautes Parties contractantes et les
Parties au conflit doivent charger les commandants militaires, en ce qui
concerne les membres des forces armées placés sous leur
commandement et les autres personnes sous leur autorité,
d'empêcher que soient commises des infractions aux
Conventions et au présent Protocole et, au besoin, de les
réprimer et de les dénoncer aux autorités
compétentes. [...] »
D'après l'article 86 1. Du PA 1, les infractions des
commandants peuvent résulter, « d'une omission contraire
à un devoir d'agir ».
Selon le commentaire de cet article (point 3537), le
« devoir d'agir » auquel l'omission illicite s'applique,
est un régime posé aux militaires par le droit interne des Etats.
La seule omission du supérieur est une
infraction si le subordonné commet une infraction aux conventions de
Genève dans certaines conditions.
L'infraction du supérieur pour omission d'agir est
caractérisée sous conditions cumulatives :
_ Il est requis que le supérieur savait ou bien devait
savoir qu'il y avait une infraction
_ D'autre part, il faut que le supérieur n'ait pas pris
toutes les mesures pratiquement possibles en son pouvoir pour empêcher
l'infraction.
« 2. Le fait qu'une infraction aux Conventions ou
au présent Protocole a été commise par un
subordonné n'exonère pas ses supérieurs de leur
responsabilité pénale ou disciplinaire, selon le cas,
s'ils savaient ou possédaient des informations leur permettant
de conclure, dans les circonstances du moment, que ce subordonné
commettait ou allait commettre une telle infraction, et s'ils
n'ont pas pris toutes les mesures pratiquement possibles en leur pouvoir pour
empêcher ou réprimer cette
infraction. »
Donc la responsabilité du commandant ne peut être
engagée que s'il a omis d'agir tel que son devoir l'imposait, ou bien
s'il a lui-même violé le DIH.
Pour illustrer je propose un exemple pratique :
Soit l'hypothèse d'un opérateur qui, selon le droit
national doit demander à chaque fois l'autorisation de son commandant
avant de lancer un robot totalement autonome.
Ce droit national oblige alors, le commandant à
vérifier à partir d'images recueillies par les capteurs du robot
et par satellite, que l'attaque au moyen du robot n'est pas
disproportionnée. Le commandant donne l'autorisation d'utiliser le robot
sans vérifier les données satellites, lesquelles montrent la
présence d'une école à proximité de la cible. Si le
robot ainsi utilisé cause des dommages incidents
disproportionnés,qui est responsable ? L'opérateur, n'a pas
violé directement le DIH car il ne savait ni ne pouvait s'attendre
à ce qu'une école soit située à proximité de
la cible. Par contre, le commandant a violéle devoir
d'agir qui lui imposait de vérifier les données
vidéo et satellites. Alors, cette infraction viole par omission,
l'art 86 PA 1, et engage la responsabilité du commandant.
II Application du DIH à l'utilisation d'un robot
totalement autonome
On va appliquer le DIH applicable aux cas pertinents dans la
pratique. Bien que les robots totalement autonomes ne soient pas
utilisés actuellement, on tâchera, de relever certains cas qui
apparaissent probables dans un futur proches ou pertinents, en ce qu'ils
mettent en évidence des problèmes juridiques qui peuvent se poser
aussi dans le cas des robots semi autonomes. On tâchera d'éviter
d'étudier des cas imaginaires inutiles.
A) Application du régime relatif aux armes
1. application de l'interdiction des armes qui causent des
maux superflus
On a montré que l'utilisation du robot peut, selon les cas
rendre l'arme elle-même illégale (cf Chap. 1, III A) 1.) au regard
de l'art 35§2, PA 1.
Il apparait possible dans la pratique, que le robot soit muni
d'armes adaptées à son objectif militaire et à
l'environnement de celui-ci, de manière à ne pas causer de maux
superflus aux combattants touchés.
Mais, des robots équipés de missiles très
puissants utilisés contre des combattants découverts sont
dans ces cas des armes de nature à causer des
maux superflus. En effet, les combattants ainsi touchés de
manière analogue aux victimes de drones, pourraient par exemple perdre
des membres ou mourir à cause de la nature même du robot. De tels
maux sont superflus par rapport à l'avantage militaire apporté
par l'attaque ou bien l'objectif de neutraliser le combattant pris pour
cible.
Donc de telles utilisations des robots totalement autonomes les
rendraient dans ces cas illégaux comme armes de nature à
causer des maux superflus.
Dans l'ensemble, le robot peut être utilisé dans
diverses situations et l'évaluation de sa légalité en tant
qu'arme dépend de l'usage dont il fait l'objet. La
légalité doit alors être examinée au cas par cas.
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