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L'utilisation des robots militaires dans les conflits

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par Thomas Sadigh
Université Paris Sud-11 - M2 droit public international et européen 2013
  

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2.5. Le principe d'humanité

D'après la clause de Martens, les combattants sont sous l'empire d'un régime qui résulte notamment des « principes de l'humanité ». Donc commandants et opérateurs de robots militaires totalement autonomessont indirectement soumis à ces principes. Cela les oblige à déployer les robots en conformité avec ces principes. Cela apparait problématique. Par hypothèse, il y a une contradiction entre les principes de l'humanité et le fait qu'un robot attaque un combattant de manière totalement autonome. En effet, on observe un combat qui oppose des combattants à des robots. Les robots ne sont pas humain par définition donc ils ne peuvent correctement respecter les principes d'humanité. Ils ne peuvent en aucun cas faire preuve d'humanité

En conclusion, la synthèse du droit applicable à l'utilisation de robots totalement autonomes révèle déjà, quede tels robots sont très peu adaptés à la pratique et que le DIH ne peut pas correctement s'y appliquer. En particulier l'utilisation de robots militaires totalement autonomes, ne permet pas aux militaires de s'acquitter d'obligations relatives à la distinction ou à la précaution dans l'attaque.

B) La responsabilité de l'utilisation d'un robot totalement autonome

Les Etats doivent respecter le DIH pertinent. Comme on l'a déjà montré, les membres des forces armées dont les commandants et opérateurs de robots militaires, sont des organes de l'Etat.

Or, d'après l'article 4 du projet de la CDI, le comportement des organes de l'Etat est imputable à l'Etat. Donc si les membres des forces armées violent le DIH, cette violation est imputée à l'Etat.

La violation d'une obligation internationale par l'Etat est un fait illicite. D'après l'article 1 du projet de la CDI :

« Tout fait internationalement illicite de l'Etat engage sa responsabilité internationale. »

Dès lors, l'Etat peut voir sa responsabilité engagée pour ces actes.

Dans notre cas, toutes les obligations que nous avons présentées comme applicables aux opérateurs de robots militaires ou bien aux commandants, doivent être respectées. Leur violation par les militaires est un fait illicite de l'Etat, susceptible d'engager sa responsabilité internationale. Cela vaut que le robot militaire soit semi ou totalement autonome.

Spécialement, l'art 91, PA 1, dispose que :

«La Partie au conflit qui violerait les dispositions des Conventions ou du présent Protocole sera tenue à indemnité, s'il y a lieu. Elle sera responsable de tous actes commis par les personnes faisant partie de ses forces armées. »

On envisage dans cette partie les utilisations normales des robots militaires et non pas les crimes de guerre commis à l'aide de ces derniers.

Une question qui est débattue par les auteurs et notamment Philip Alston11, est la responsabilitédisciplinaire, pour un fait illicite commis en utilisant un robot militaire totalement autonome.

En effet, certains auteurs mettent en évidence l'idée que les commandants pourraient commettre un tel acte illicite mais que la mise en oeuvre de leur responsabilité pose problème car ils n'ont aucun contrôle sur le robot, une fois celui-ci déployé.

D'après l'art 43 du PA 1, Le commandant est responsable de la conduite de ses subordonnés. En outre, ses subordonnés doivent respecter le DIH.

Ainsi, lecommandant est responsable, des violations du DIH commises par ses subordonnés dans certaines conditions. Les subordonnés sont soumis à un régime de discipline interne. Le DIH n'exige pas que leur responsabilité individuelle, soit prévue.

L'article est ainsi formulé :

« 1. Les forces armées d'une Partie à un conflit se composent de toutes les forces, tous les groupes et toutes les unités armés et organisés qui sont placés sous un commandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette Partie, même si celle-ci est représentée par un gouvernement ou une autorité non reconnus par une Partie adverse. Ces forces armées doivent être soumises à un régime de discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du droit international applicable dans les conflits armés. »

Les commandants, non seulement ne doivent pas donner d'ordres à leurs subordonnés contraires au DIH mais en outre, d'après l'art 87 du PA 1, ils doivent empêcher que les subordonnés de leur propre initiative, violent le DIH. D'après le 3., ils ont une obligation de moyens pour empêcher ces infractions, dès lors qu'ils savent que leurs subordonnés sont impliqués dans une infraction  :

« 1. Les Hautes Parties contractantes et les Parties au conflit doivent charger les commandants militaires, en ce qui concerne les membres des forces armées placés sous leur commandement et les autres personnes sous leur autorité, d'empêcher que soient commises des infractions aux Conventions et au présent Protocole et, au besoin, de les réprimer et de les dénoncer aux autorités compétentes. [...] »

D'après l'article 86 1. Du PA 1, les infractions des commandants peuvent résulter, « d'une omission contraire à un devoir d'agir ».

Selon le commentaire de cet article (point 3537), le « devoir d'agir » auquel l'omission illicite s'applique, est un régime posé aux militaires par le droit interne des Etats.

La seule omission du supérieur est une infraction si le subordonné commet une infraction aux conventions de Genève dans certaines conditions.

L'infraction du supérieur pour omission d'agir est caractérisée sous conditions cumulatives :

_ Il est requis que le supérieur savait ou bien devait savoir qu'il y avait une infraction

_ D'autre part, il faut que le supérieur n'ait pas pris toutes les mesures pratiquement possibles en son pouvoir pour empêcher l'infraction.

« 2. Le fait qu'une infraction aux Conventions ou au présent Protocole a été commise par un subordonné n'exonère pas ses supérieurs de leur responsabilité pénale ou disciplinaire, selon le cas, s'ils savaient ou possédaient des informations leur permettant de conclure, dans les circonstances du moment, que ce subordonné commettait ou allait commettre une telle infraction, et s'ils n'ont pas pris toutes les mesures pratiquement possibles en leur pouvoir pour empêcher ou réprimer cette infraction. »

Donc la responsabilité du commandant ne peut être engagée que s'il a omis d'agir tel que son devoir l'imposait, ou bien s'il a lui-même violé le DIH.

Pour illustrer je propose un exemple pratique :

Soit l'hypothèse d'un opérateur qui, selon le droit national doit demander à chaque fois l'autorisation de son commandant avant de lancer un robot totalement autonome.

Ce droit national oblige alors, le commandant à vérifier à partir d'images recueillies par les capteurs du robot et par satellite, que l'attaque au moyen du robot n'est pas disproportionnée. Le commandant donne l'autorisation d'utiliser le robot sans vérifier les données satellites, lesquelles montrent la présence d'une école à proximité de la cible. Si le robot ainsi utilisé cause des dommages incidents disproportionnés,qui est responsable ? L'opérateur, n'a pas violé directement le DIH car il ne savait ni ne pouvait s'attendre à ce qu'une école soit située à proximité de la cible. Par contre, le commandant a violéle devoir d'agir qui lui imposait de vérifier les données vidéo et satellites. Alors, cette infraction viole par omission, l'art 86 PA 1, et engage la responsabilité du commandant.

II Application du DIH à l'utilisation d'un robot totalement autonome

On va appliquer le DIH applicable aux cas pertinents dans la pratique. Bien que les robots totalement autonomes ne soient pas utilisés actuellement, on tâchera, de relever certains cas qui apparaissent probables dans un futur proches ou pertinents, en ce qu'ils mettent en évidence des problèmes juridiques qui peuvent se poser aussi dans le cas des robots semi autonomes. On tâchera d'éviter d'étudier des cas imaginaires inutiles.

A) Application du régime relatif aux armes

1. application de l'interdiction des armes qui causent des maux superflus

On a montré que l'utilisation du robot peut, selon les cas rendre l'arme elle-même illégale (cf Chap. 1, III A) 1.) au regard de l'art 35§2, PA 1.

Il apparait possible dans la pratique, que le robot soit muni d'armes adaptées à son objectif militaire et à l'environnement de celui-ci, de manière à ne pas causer de maux superflus aux combattants touchés.

Mais, des robots équipés de missiles très puissants utilisés contre des combattants découverts sont dans ces cas des armes de nature à causer des maux superflus. En effet, les combattants ainsi touchés de manière analogue aux victimes de drones, pourraient par exemple perdre des membres ou mourir à cause de la nature même du robot. De tels maux sont superflus par rapport à l'avantage militaire apporté par l'attaque ou bien l'objectif de neutraliser le combattant pris pour cible.

Donc de telles utilisations des robots totalement autonomes les rendraient dans ces cas illégaux comme armes de nature à causer des maux superflus.

Dans l'ensemble, le robot peut être utilisé dans diverses situations et l'évaluation de sa légalité en tant qu'arme dépend de l'usage dont il fait l'objet. La légalité doit alors être examinée au cas par cas.

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