Chapitre 1. L'examen de la légalité de
l'utilisation des robots militaires semi autonomes
Dans ce chapitre, on examine la légalité de
l'utilisation de robots semi autonomes. Ce sont les robots qui sont
actuellement utilisés par les armées et dont l'utilisation est de
plus en plus fréquente. L'initiative de l'attaque est
contrôlée par un opérateur.
On se trouve en cas de conflit armé : le robot
militaire est déployé par l'armée. L'opérateur est
un militaire, soumis aux instructions de son commandant.
Comment le DIP s'applique-t-il à des robots ? On
dégagera dans une première étape, les faits pertinents et
le droit applicable, puis on appliquera ce droit et identifiera les
illégalités mises en évidences.
I Les faits pertinents : l'utilisation de robots semi
autonomes
On se place dans l'hypothèse d'un conflit armé.
Un robot peut dans cette catégorie, être
techniquement semi autonome, capable d'identifier une cible mais il demeure
incapable d'initier une attaque ou faire feu. Seul un
opérateur humain peut faire feu par une commande en temps réel
auprès du système.
Pour simplifier, cette catégorie désigne les robots
qui ne peuvent « décider » de manière
autonome d'initier une attaque ou bien de faire feu sur une cible
identifiée. Si un opérateur ne donne pas la commande en temps
réel de faire feu, le robot ne peut en aucun cas initier une attaque.
Les fonctions autonomes du robot seraient uniquement par exemple, le
décollage, l'atterrissage automatique pour le cas d'un drone, ou bien la
capacité d'une mobilité autonome, ou de détecter et
d'identifier des cibles et alerter l'opérateur.
Selon le jargon technique il s'agit du cas
« human-in-the-loop » que l'on peut
traduire littéralement par « humain dans le
circuit ». C'est-à-dire que l'interaction d'un humain est
nécessaire à une étape de la chaine de fonctionnement du
robot pour qu'il effectue sa fonction.
Dans ce cas, l'opérateur décide de tirer et il fait
feu (décision et action). L'opérateur pilote le robot semi
autonome depuis un cockpit qui peut être situé plus ou moins loin
du champ de bataille. Dans le conflit en Afghanistan, certains drones
« Predator » étaient pilotés depuis le
Nouveau Mexique aux Etats Unis2.
Une nouvelle catégorie plus fine est apparue
récemment, dans le jargon technique. Il s'agit du cas
« human-on-the-loop » (« personne
humaine sur le circuit de fonctionnement du robot »). C'est
la situation, dans laquelle le robot est capable de réaliser sa fonction
de manière totalement autonome, sans nécessiter l'interaction
avec un humain dans le circuit de réalisation d'une fonction. Mais, en
particulier lors de la perception de certains stimuli ou bien avant de
réaliser certaines fonctions, un opérateur humain peut intervenir
et surmonter la fonction automatique du robot.
L'opérateur peut,entre autre, empêcher la réalisation d'une
fonction par le robot. Par exemple on peut imaginer un robot qui
détecterait une cible comme devant être frappée, mais avant
de tirer automatiquement, le systèmealerte l'opérateur humain.
Alors ce dernier exerce un contrôle sur la fonction
« tirer sur la cible » du robot. Il peut intervenir dans le
circuit pour empêcher une telle attaque ou manoeuvrer le tir
lui-même ou ne rien faire. Cette catégorie semble correspondre aux
robots que l'armée américainesouhaite
développer3.
Je n'étudierai pas cette catégorie car d'un point
de vue juridique, cela fait simplement basculer l'étude juridique dans
le cas « human-in-the-loop » ou bien le cas
« human-out-of-the-loop ». En effet, si le militaire est
alerté par le système et décide de prendre le
contrôle de la machine, soit pour lui-même tirer sur la cible, soit
pour décider de ne pas tirer sur la cible, le régime juridique
applicable sera le même que dans les cas
« human-in-the-loop ». C'est le régime applicable
à l'utilisation de toute arme.
Si le militaire est alerté par le système, mais
décide de ne pas intervenir et que le robot initie l'usage de la force
ou tire sur la cible, de manière autonome, alors, le régime
applicable est le même que dans le cas
« human-out-of-the-loop ». Juridiquement, ce cas s'analyse
de manière différente et inédite.
La pratique actuelle est l'utilisation de robots
militaires avec « human-in-the-loop ».
II Droit applicable
On se propose d'étudier la
« silhouette » du régime juridique applicable
à l'utilisation des robots militaires. On dégagera en particulier
le droit applicable à cette utilisation.
On peut d'abord se demander comment les robots militaires sont
définis en DIP. Comme je le démontrerai, les robots militaires
soit semi (ou totalement)autonomes, peuvent être qualifiés d'arme.
A) Définition juridique des robots militaires
1. Les robots militaires comme arme
Les robots militaires sont-ils des armes ? On se situe dans
le DIP général mais celui-ci ne donne pas de
définition d'une arme. Si on recherche dans la sous branche du
DIH, on trouve plusieurs conventions internationales qui donnent des listes
d'armes spécifiques (interdites). Ces armes sont définies
juridiquement. Elles sont décrites de manière technique,
désignées par leur nom dans les utilisations par les Etats, mais
là encore dans le DIH, il n'y a pas de définition juridique
générale d'une arme.
Au-delà, en DIH les armes sont désignées
de manière générale, dans les conventions
de Genève par exemple. Leur utilisation est ainsi en
général, soumise à un régime juridique que l'on
étudiera plus loin.
En l'absence de définition générale, on peut
appliquer une interprétation d'après l'article 31 de la
Convention de Vienne de 1969, qui dispose :
« Un traité doit être
interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à
attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but. »
Dès lors, la définition courante
d'une arme remplit les conditions de cet article 31. E David que j'ai pu
contacter considère que cette définition courante peut être
utilisée. On peut alors utiliser la définition que donne un
dictionnaire : d'après le Larousse en ligne, une arme est :
« Tout objet, appareil, engin qui sert à
attaquer (arme offensive) ou à se défendre (arme
défensive) ».
On peut ainsi, qualifier les robots militaires d'armes, qu'ils
soient semi autonomes ou bien totalement autonomes.
Il y a une difficulté supplémentaire : le
robot militaire est un ensemble mais il porte souvent une arme de tir,
autonome, que des soldats dans des situations différentes utilisent
eux-mêmes directement. Par exemple, le « Foster-Miller
TALON »4, mini tank, téléguidé peut
porter des mitraillettes « M249 ». Comment qualifier cet
ensemble? Le jargon militaire américain parle de
« systèmes d'armes ».
Mais juridiquement, si l'on reste sur la définition
courante d'une arme, un robot militaire même équipé d'une
arme reste « un engin qui sert à attaquer... ».
L'ensemble est donc une arme, elle-même, composée
d'une arme.
En outre, qualifier les robots militaires d'armes ne semble pas
contrarier l'objet et le but des traités de DIH.
Donc, dans cette étude, on qualifierales robots
militaires, d'armes.
Alors, lorsque le DIH prévoit des régimes
applicables aux « armes » de manière
générale, on considérera que ces régimes sont
applicables aux robots militaires. Dans certaines autres hypothèses on
qualifiera les robots militaires autrement que comme
« armes ».
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