SECTION 3: QUEL RECOURS POUR LES VICTIMES DE LA TORTURE
EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ?
La question du recours en RD Congo pose un réel
problème à cause de différentes raisons qui seront vues
(§1). Si une telle possibilité est reconnue aux victimes de la
torture, c'est sans nul doute pour leur permettre de faire valoir leur droit
à obtenir réparation lequel se trouve être fermement
établi en droit international général et en constitue un
principe fondamental113 (§2). Ce n'est qu'après
l'analyse de ces deux questions qu'il sera donné, dans les perspectives,
les moyens pour lutter contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants en RD Congo (§3).
§1. Recours
Le recours des victimes est généralement
freiné voire empêché pour différentes raisons. Il y
a lieu de relever l'ignorance par les victimes de leurs droits, la
réticence des autorités d'ouvrir une enquête dans la mesure
où les auteurs des actes de torture ont la qualité d'agents
publics, l'absence d'indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis
de l'Exécutif, l'absence de contrôle du parquet sur les officiers
de police judiciaire des services de sécurité. Si la torture est
infligée à une personne par une autorité de l'Etat, la
victime ne pourra voir sa plainte contre cette dernière aboutir,
113 Sur cette question, voir CPA, Affaire de l'Usine de
Chorzów (All. c. Pol.), (1928) CPIJ, Sr. A, N° 17, at 47 (13
septembre) ; CIJ , Affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, (Nicaragua c.
États-Unis), Fond 1986 CIJ Recueil, 14, 114 (27 juin) ; Affaire du
détroit de Corfou, (Royaume-Uni c. Albanie) ; Affaire des
réparations des dommages subis au service des Nations Unies, avis
consultatif, Rapports de la CIJ 1949, p. 184 ; CIJ,
Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie,
la Hongrie et la Roumanie, deuxième phase, avis consultatif,
Recueil, 1950, p. 228. Voir également l'Article 1 de l'annexe de la
Résolution 56/83 de l'Assemblée générale des
Nations unies de 2001 sur la responsabilité des États: Tout fait
internationalement illicite de l'État engage sa responsabilité
internationale.
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le parquet pouvant recevoir un ordre du Ministre de la Justice
pour suspendre les enquêtes. Le droit de porter plainte connaît
ainsi beaucoup de « freins légaux »114.
A titre illustratif, l'OMCT dans le rapport sur les violations
des droits de l'homme en RD Congo coordonné115 par elle
renseigne que les personnes âgées de moins de 18 ans ne peuvent
porter plainte sans être représentées par les personnes qui
sont titulaires de l'autorité parentale ou de la tutelle. En pratique
cependant, ce système freine les recours car les victimes sont souvent
découragées de dénoncer leur agresseur pour
différentes raisons dont la principale est que l'auteur se
révèle être souvent un agent public. La peur des
représailles est grande chez la famille de la victime qui ferme souvent
les yeux sur la souffrance de son enfant et l'importance pour sa reconstruction
de l'action judiciaire.
S'agissant des femmes, lorsqu'elles sont victimes de viols,
les magistrats ont tendance à afficher une attitude discriminante
vis-à-vis des plaintes émanant des victimes de viols. Il convient
d'y ajouter la difficulté d'apporter la preuve dans la mesure où,
pour des raisons culturelles, soit les femmes s'abstiennent de porter plainte,
soit elles le font à un moment où il devient difficile aux
médecins légistes de recueillir les preuves de l'infraction.
Concernant le droit pour les femmes de porter plainte lorsqu'elles sont
victimes de torture ou mauvais traitements ou d'une quelconque autre
infraction, l'exercice de ce droit est soumis à l'autorisation maritale
en ce qui concerne la femme mariée.
114 OMCT, Op-cit, p.82. Ce rapport souligne que le
décret n°003/2003 du 11 janvier 2003 portant création et
organisation de l'Agence Nationale de Renseignements stipule en son article 23
alinéa 1 que « les officiers de police judiciaire de l'Agence
nationale de renseignements sont, dans l'exercice des fonctions
attachées à cette qualité, placés sous les ordres
et la surveillance exclusifs de l'Administrateur Général et
accomplissent leurs missions de police judiciaire dans le respect des lois et
règlements ». L'article 25 du même texte porte que :
« Les officiers de police judiciaire ou du ministère public, avant
d'interpeller ou de poursuivre les agents et fonctionnaires de l'Agence
Nationale de Renseignements pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs
fonctions doit demander l'avis préalable de l'Administrateur
Général. Les officiers de police judiciaire ou du
ministère public, avant d'interpeller ou de poursuivre les
fonctionnaires de l'Agence Nationale de Renseignements pour les actes n'ayant
pas trait à l'exercice de leurs fonctions, doivent en informer
l'Administrateur général ».
115 Lire OMCT, Op-cit, pp.87-90
116 Adoptés par la résolution A/Res/60/147 de
l'Assemblée générale du 16 décembre 2005 ; lire
IRCT, Op-cit, pp.42-43
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En effet, aux termes de l'article 448 du code de la famille,
« la femme doit obtenir l'autorisation de son mari pour tous les actes
juridiques dans lesquels elle s'oblige à une prestation qu'elle doit
effectuer en personne ». Cependant quand l'auteur des violences est le
mari, la femme n'a pas besoin d'une autorisation maritale pour ester en justice
contre son mari conformément à l'article 451. 1 du Code de la
Famille. Alors qu'en est-il de la question de la réparation ?
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