§2. Le traitement des auteurs d'actes de torture en
RDC
Le droit international prévoit clairement l'obligation
pour les Gouvernements de poursuivre les personnes accusées de torture.
Cette obligation existe quels que soient le lieu où le délit a
été commis et la nationalité de la victime ou de l'auteur
présumé. Les États sont donc tenus par le droit
international d'enquêter sans délai et de manière
impartiale sur toute allégation de torture109.
Force est de constater que bien que pénalisée,
la torture reste pratiquée en RDC de manière récurrente ;
et, comme le précisent les rapports de l'OMCT et de l'ASADHO, les
auteurs des actes de torture bénéficient d'une totale
impunité qui peut constituer de fait « une prime d'encouragement
»110.
Sur cet aspect, l'ONG « Centre des Droits de l'Homme et
du Droit Humanitaire » dans son rapport sur les tortures commises par
l'ANR au Katanga note ce qui suit : « la torture est une des
violations des droits humains les plus secrètes. Elle est
généralement infligée à l'abri des regards et des
efforts considérables sont souvent déployés pour
dissimuler les éléments de preuve essentiels à la
poursuite en justice des tortionnaires. Les investigations ne sont jamais
menées ; lorsqu'elles le sont, elles sont souvent entravées par
l'inertie, l'inefficacité, la peur ou la complicité des
autorités chargées d'enquêter. La triste
réalité est que la plupart des victimes d'actes de torture dans
notre pays, en dépit des dénonciations sont victimes de
déni de justice. Le fait que les auteurs de tels agissements ne soient
jamais
109 Lire à ce sujet l'Article 5 de la Convention contre
la torture, l'Article 4 de la Convention sur le génocide, l'Article 27
du Statut de Rome de la Cour pénale internationale; IRCT, Action
contre la torture. Guide pratique du Protocol d'Istanbul à l'intention
des avocats, 2ème édition, Copenhague, Scanprint,
2007, p.39
110 OMCT, Op-cit, p.63; ASADHO, Op-cit, p.13
111 CDH / Rapport intérimaire sur la torture à
l'ANR / Katanga/ Juillet 2005, p. 23 cité par OMCT, Op-cit,
p.63
112 CDH, Op.cit, p 17 cité par OMCT, Op-cit,
pp.63-64
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inquiétés, crée un climat dans lequel
ils croient qu'ils pourront toujours recourir à la torture et aux
mauvais traitements sachant qu'ils ne seront pas arrêtés,
poursuivis ni sanctionnés »111.
Ainsi, à titre illustratif, il a été
cité le cas de MM. Juvénal Kitungwa Lugoma et Dieudonné
Bamoina Baina Mboka de l'Union BAMOINA112. Le 25 mai 2004, le
secrétaire général adjoint chargé de la jeunesse de
l'Union Nationale des Fédéralistes Congolais, (UNAFEC),
Juvénal Kitungwa Lugoma est arrêté et mis au cachot alors
qu'il devait avoir un entretien avec M. Jules Katumbwe Bin Mutindi, Directeur
Provincial de l'ANR / Katanga. Le 26 mai, ce fut le tour de Dieudonné
Bamoina Baina Mboka, secrétaire permanent du même parti,
d'être appréhendé par les agents de l'ANR, dans la commune
de Lubumbashi.
Les deux personnes ont été auditionnées
pendant plusieurs heures en rapport avec la marche de protestation
organisée par leur parti le 17 mai 2004 à Lubumbashi contre la
désignation de M. Urbain Kisula Ngoy au poste de Gouverneur de la
province du Katanga. Les détenus avaient fait l'objet d'interdiction
formelle de recevoir la visite des membres de leurs familles ou de leurs
conseils sans omettre les actes de brutalité ou de traitements
dégradants notamment le pincement des organes génitaux, des coups
de crosse et privation de nourriture. Ils n'avaient droit qu'à deux
minutes par jour pour faire leurs besoins naturels.
Au lieu de les déférer devant le magistrat pour
leur permettre de présenter leurs moyens de défense pour les
griefs mis à leur charge, le Directeur provincial de l'ANR/ Katanga les
a transférés, le 27 mai 2004, au centre Pénitentiaire et
de rééducation de la Kasapa où ils ont été
détenus sans dossiers judiciaires. Ils ont été
libérés trois semaines plus tard.
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Mais si les auteurs d'actes de torture
bénéficient d'une impunité criante en RD Congo, quelles
sont les voies de recours disponibles pour les victimes desdits actes ?
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