B. Les insuffisances de l'assistance médicale
gratuite
Limitée par des ressources de financement insuffisantes
(1), l'assistance médicale se trouve
limitée aussi par le détournement de la technique en pratique
(2).
1. Des ressources de financement
insuffisantes
Limité par le budget consacré à
l'institution d'assistance sociale, le nombre des bénéficiaires
n'est pas déterminé en fonction des besoins et des
nécessités de la population indigente. C'est
généralement le budget qui détermine les formes et le
contenu de l'assistance, ce qui risque d'éloigner la technique de son
objectif principal.
Ainsi pour qu'elle soit efficace et efficiente, l'assistance
médicale gratuite doit être garantie à tous ceux qui en ont
besoin et par la suite le nombre des bénéficiaires devrait
être déterminé en fonction des besoins et non en fonction
du budget qui lui est consacré.
La gratuité des prestations de soins pour les pauvres
est une obligation qui incombe à la nation et elle peut être
garantie dans le cadre de l'assistance médicale gratuite en
reconnaissant aux personnes nécessiteuses un droit subjectif à
l'assistance comme c'est le cas dans le système
Français.1
Un droit subjectif à l'assistance permet de
répondre aux besoins des personnes de faibles moyens à partir du
moment où elles répondent aux conditions exigées.
Toutefois, en Droit tunisien, vu l'insuffisance des ressources
de financement de l'assistance médicale gratuite, d'une part, et face
à l'ampleur du phénomène de pauvreté à un
moment donné, d'autre part, « l'état de besoin ne
crée pas automatiquement, dans le système tunisien, un droit
à l'assistance dont la mise en oeuvre peut être
réclamée par le requérant ayant acquis la qualité
d'assisté ».2
On peut ainsi être admis à l'assistance sans
pouvoir pratiquement bénéficier de ses prestations en raison de
l'insuffisance des ressources financières de l'institution.
Il est donc certain que l'insuffisance des ressources de
financement de l'assistance médicale face à l'importance du
nombre de personnes nécessiteuses
1 Cf. J-M DUPUIS, « Les enjeux du financement de
la protection sociale », Dr. Soc. n° 6, 1995, p. 619 et s.
2 A. MOUELHI, th. préc., p. 400.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 145
devrait faire appel à des corrections à
l'institution pour qu'elle puisse atteindre la finalité de lutter contre
l'exclusion sociale notamment en matière des prestations de soins.
Cette situation va être à l'origine de
l'idée de l'extension de la sécurité sociale au profit de
nouvelles catégories socioprofessionnelles dont l'emploi est
caractérisé par la précarité et le revenu par sa
faiblesse. Il s'agit essentiellement de certaines catégories de
travailleurs dont le régime de couverture est institué par la loi
n° 200232 du 12 mars 2002.1
Toutefois, malgré les tentatives d'extension de la
couverture sociale par les assurances sociales au profit des catégories
socioprofessionnelles vulnérables, un certain nombre des
dépourvus d'un accès aux prestations de soins sont des demandeurs
des carnets de soins dans le cadre de l'assistance médicale. Cette
situation une meilleure organisation de la technique de l'assistance
médicale pour réussir une couverture complète en besoins
de santé pour tous ceux qui ne sont pas couverts par la
sécurité sociale.
Face au sous-financement de la technique d'assistance
médicale gratuite des solutions peuvent être
préconisées pour assurer des ressources de financement
supplémentaires. En effet, il serait possible de prévoir des
cotisations sur le tabac et les alcools au titre du financement de l'assistance
médicale du fait qu'ils présentent un « mauvais risque
santé ». C'est ainsi qu'en France, au titre du financement de
l'assurance maladie, est prévue une « minuscule vignette
"sécurité sociale" figurant sur la bouteille de "Whisky" ou de
"Pastis" qui ne signifie pas qu'il s'agit d'un médicament, mais que vous
deviendrez un "mauvais risque santé" si vous en consommez trop
».2
Par ces cotisations un grand système collectif de
solidarité en matière de santé pourrait être
envisagé pour couvrir tous les exclus de la protection par les
assurances sociales.
1 V. Supra, p. 116.
2 J-C. HAZERA, « Quel remboursement ?
Sommes-nous bien assurés par la sécurité sociale ? »,
Problèmes économiques n° 2-646, du 5 janvier 2000, p. 25.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 146
Aussi faut-il ajouter que les associations peuvent participer,
par leurs actions sociales et par les dons qu'elles peuvent assurer, au
financement des programmes d'assistance médicale gratuite pour qu'il n'y
aurait plus d'exclus en matière de prestations de soins de santé
en Tunisie.
Ainsi, limitée par le sous financement d'une part,
l'assistance médicale gratuite connaît, d'autre part, des
détournements en pratique, qui pourraient dévier la technique de
son objectif.
2. Détournement de la technique en
pratique
L'imprécision des conditions d'accès aux
prestations de l'assistance médicale gratuite parait être la cause
de l'inégal accès aux prestations de l'assistance
médicale.
A cela pourrait s'ajouter une inégale
répartition géographique des services de l'institution, c'est
ainsi que M Abdessatar MOUELHI dans sa thèse voit que
« l'assistance s'est développée non pas dans la logique
de réduction des disparités sociales, mais dans la logique de
répartition des conséquences de ces disparités
».1
Pour bénéficier des prestations de l'assistance
médicale, le postulant à ces prestations dépose,
auprès de la direction régionale des affaires sociales, une
demande qui sera examinée par le personnel du bureau local de service
social qui, à son tour doit procéder à des investigations
en vu de déterminer les ressources personnelles et familiales du
requérant qui doivent correspondre au seuil de pauvreté
national.
Le traitement des dossiers s'effectue ensuite au niveau du
ministère des affaires sociales et se termine par l'établissement
d'une liste définitive des bénéficiaires.
Certes, il est nécessaire de rappeler qu'auparavant,
l'appréciation de la situation de pauvreté du requerrant d'un
carnet de soins gratuit se fait par le "OMDA" qui lui délivre
"l'attestation de pauvreté" nécessaire à la constitution
du dossier. Cette situation va faire du "OMDA" un premier niveau de
sélection dont le rôle est peut être le plus important
puisqu'il peut priver celui qui en a vraiment besoin d'un droit à
l'assistance en refusant de lui donner un certificat de pauvreté. C'est
ainsi que M. Hichem GRIBAA affirmait qu' « il est
établi que les carnets de soins gratuits sont
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 147
1 A. MOUELHI, th. préc., p. 410.
2 H. GRIBAA, Le droit à la
santé, Op. cit., p. 93.
octroyés au détriment du bon sens, et
souvent pour des raisons politiques, partisanes et électoralistes
».2
Le détournement de la technique en pratique et la
mauvaise gestion du système ont permis de relever parmi les
bénéficiaires des carnets de soins gratuits ou à tarif
réduit des travailleurs affiliables aux régimes de couverture
sociale existants.
Il est évident que le bon fonctionnement de
l'institution d'assistance médicale gratuite doit passer par une
meilleure sélection et un meilleur ciblage des
bénéficiaires. C'est pour cette raison que les commissions
locales et régionales prévues par le décret n° 98-409
du 18 février 1998 et le décret n° 98-1812 du 21 septembre
1998, tels que modifiés respectivement par le décret n°
2004-2730 et 2004-2731 du 31 décembre 2004, déterminent les
bénéficiaires des carnets de soins par référence au
registre national de la pauvreté. Une nouvelle situation qui fait preuve
d'un certain niveau de démocratie sociale.
En effet, en tant que technique de protection sociale,
l'assistance médicale gratuite se présente comme un palliatif
permettant de couvrir le droit à la santé pour ceux qui n'en
jouissent pas par les assurances sociales. Cette technique
complémentaire de protection sociale profite à ceux qui sont
dépourvus de revenus professionnels, pour qu'il n'y aurait plus d'exclus
en matière de prestations de santé.
Conclusion de la deuxième partie 148
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