L'ASSURANCE SOCIALE
ET L'INEGAL ACCES AU DROIT
A LA SANTE
DEUXIEME PARTIE
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 82
Comme de nombreux systèmes juridiques de
sécurité sociale, le Droit de la sécurité sociale
en Tunisie se fonde sur une conception professionnelle dite aussi indemnitaire
ou commutative. Cette conception se fonde sur la solidarité. Ainsi
chaque travailleur assuré social paie, selon ses revenus, et
reçoit, selon ses besoins, les prestations de santé qui lui sont
nécessaires. En revanche cette qualité de travailleur
assuré social n'est plus exigée avec l'adoption dans certains
pays de la conception universelle ou alimentaire puisqu'elle cherche à
garantir à tout citoyen un minimum de sécurité social
indépendamment de sa qualité de travailleur et de ses
capacités contributives.
Il s'agit ici d'une protection de base garantie pour toute la
population. L'option en Tunisie pour la conception professionnelle ne va pas
être sans effet sur la consécration du droit à la
santé pour toute la population par le biais de l'assurance sociale.
En effet, la sélectivité de l'assurance sociale
(chapitre I) va nécessiter l'extension de la
protection sociale en matière de santé par d'autres techniques
(chapitre II) pour protéger d'autres
catégories socioprofessionnelles.
Chapitre I : LA SELECTIVITE DE L'ASSURANCE
SOCIALE
La sélectivité de l'assurance sociale a permis
d'exclure certaines catégories socioprofessionnelles
(section 2) de la protection sociale
nécessaire et par la suite les privés de leur droit de la
santé, du fait que la conception professionnelle de la
sécurité sociale (section 1) ne permet
de protéger que les travailleurs assujettis aux régimes
légaux de protection.
Section 1 : LA CONCEPTION PROFESSIONNELLE DE LA
SECURITE SOCIALE
La présentation de la conception professionnelle de la
sécurité sociale (Paragraphe 1) va en
faire preuve de la sélectivité de l'assurance sociale
(Paragraphe 2).
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 83
Paragraphe 1 : PRESENTATION DE LA CONCEPTION
PROFESSIONNELLE
La Tunisie a choisi une conception professionnelle dont le
fondement (A) la fait distinguer des autres
conceptions de sécurité sociale (B)
A. Fondement de la conception professionnelle de la
sécurité sociale
Dans un pays récemment indépendant, les
préoccupations des pouvoirs publics sont très diverses et vont
porter sur le politique, l'économique, mais aussi et surtout sur le
social.
Soucieux d'assurer la protection sociale la plus
étendue et généralisée pour toute la population, le
législateur tunisien se trouve aussi contraint par la faiblesse de
l'économie du pays. Une contrainte qui le mettra dans l'obligation
d'opter pour une conception professionnelle de la sécurité
sociale.1
"La Tunisie a choisi la conception fonctionnelle pour
l'institution de son système de sécurité sociale. Quoique
sélectif ce système présente des avantages, c'est un
système géré en tant que service public fondé sur
la satisfaction de l'intérêt général. Il prodigue
des prestations d'une grande importance dans la vie économique de
l'assuré social en particulier et du pays en
général".2
Cette conception professionnelle se fonde sur l'exercice d'une
activité professionnelle et garantie le droit à la protection au
travailleur, ainsi que ses ayants droits, par le biais de l'assurance sociale,
contre les risques sociaux.
Les assurances sociales sont nées en Allemagne,
Bismarck, inquiet des succès de la gauche et plus
précisément de la "Social-démocratie", déclare que
« l'évolution progressive de l'idée moderne de l'Etat
...veut qu'il accomplisse non seulement une mission défensive tendant
à protéger des droits existants, mais également une
mission tendant à promouvoir positivement, par des institutions
appropriées ... le bien-être de tous ses membres »
3. C'est donc pour promouvoir le droit des citoyens, le lendemain
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2 A. SEFI, Art. préc.
3 Un célèbre message au Reichstag du 17
novembre 1881 suivi de 1883 à 1889 de l'adoption de différentes
lois sur l'assurance maladie, assurance accident, assurance invalidité -
vieillesse .... y à ce propos, J-J. DUPEYROUX et X. PRETOT, Op. cit.
p.14. - Bismarck déclare aussi : « ... il faut faire un
peu de socialisme pour éviter d'avoir des socialistes ».
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de l'indépendance, à la protection, à la
sécurité sociale et à la santé, que les pouvoirs
publics ont opté pour une couverture sociale de plus en plus extensive
et compatible aussi avec les possibilités économiques d'un Etat
nouvellement indépendant.
Les assurances sociales se sont émergées suite
à l'échec de garantir une protection sociale suffisante pour
toute la population par d'autres techniques de protection. Ces techniques
"n'ont pas été spécialement élaborées
pour la solution des problèmes posés par les risques sociaux mais
qui peuvent éventuellement leur être
appliquées"1. Elles ont précédé
l'institution de sécurité sociale, il s'agit de l'épargne,
l'assistance, la responsabilité, l'assurance et la mutualité.
Mais, bien qu'elles aient allégé les maux sociaux de certaines
catégories sociales, elles ont échoué dans la protection
des "pauvres" dont notamment la classe ouvrière2.
La technique des assurances sociales se base essentiellement
sur l'assujettissement obligatoire de tous les travailleurs salariés au
régime de sécurité sociale, mais aussi sur le
prélèvement des cotisations sur le salaire réparties entre
l'employeur et le salarié. Par cette technique, la conception
professionnelle de la sécurité sociale va se présenter,
pour les pouvoirs publics en Tunisie, comme l'ultime solution pour
étendre la couverture sociale au profit de la majorité de la
population3.
Toutefois, après avoir adopté la loi N°
60-30 su 14 décembre 1960 relative à l'organisation des
régimes de sécurité sociale, le législateur
tunisien, conscient des insuffisances de la conception professionnelle, a
essayé d'adapter le dispositif protecteur de cette conception aux
spécificités d'autres catégories socioprofessionnelles. La
protection de ces catégories a toujours obéit à la logique
de l'assujettissement aux assurances sociales à savoir l'exercice d'une
activité professionnelle et le paiement des cotisations à
l'organisme gestionnaire.
Ce souci d'élargissement de la couverture sociale pour
garantir une protection sociale suffisante pour la population présente
un fondement pour deux autres conceptions de sécurité sociale qui
se distinguent de la conception professionnelle.
1 J-J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit. p13
2 Cf. A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit. p57
3 Sur la naissance et l'évolution du droit de
la sécurité sociale en Tunisie, Cf. A. MOUELHI, Ibid.,
p. 68-84.
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