2. Les prestations en espèces
Les prestations en espèces ou revenus de
remplacement1 prennent la forme d'indemnité
journalière en cas d'incapacité temporaire (a)
ou de rentes en cas d'incapacité permanente
(b).
a. En cas d'incapacité temporaire de
travail
L'article 20 de la loi n°95-56 prévoit que la
victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle, qui se
trouve dans une incapacité temporaire de travail, conserve
l'intégralité de sa rémunération.
Le but recherché ici est d'assurer à la victime
un revenu dit de "remplacement" durant toute la période
précédent la guérison complète ou la consolidation
de la blessure.2
Dans le secteur privé, l'incapacité temporaire
de travail ouvre droit au versement d'une indemnité journalière
compensatrice, en remplacement de la perte du salaire. Cette indemnité
en vertu de l'article 35 de la loi n°94-28 est « égale aux
deux-tiers de la rémunération quotidienne habituelle de la
victime qu'elle que soit la durée de l'incapacité. La
journée de travail au cours de laquelle l'accident s'est produit, est
intégralement à la charge de l'employeur » 3.
La caisse nationale n'intervient pour servir
l'indemnité journalière qu'à partir du cinquième
jour de l'accident, sauf, pour les accidents qui nécessitent une
hospitalisation ou jugés médicalement graves4.
1 J.J. DUPEYROUX, Op. cit., p.443.
2 Le médecin qui délivre un
certificat médical qui n'est pas sincère à la
réalité et à l'état de santé de
l'assuré risque d'être poursuivi pénalement. V à ce
propos,
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3 Sous l'égide de la loi de 1957 cette
indemnité était égale à 50% du salaire pendant les
45 premiers jours et aux 2/3 du même salaire à partir du
46ème jour.
- V. sur ce point S. BLEL, Op. cit., p.42.
4 Le délai de carence, comme le note S.
BLEL, a été institué dans le but de responsabiliser
davantage les victimes d'une part et d'éviter les abus en
décourageant les accidents minimes d'autre part, Op. cit.,
p.43.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 79
De ce qui précède, on peut observer qu'il existe
un traitement beaucoup plus favorable des agents du secteur public par rapport
à ceux du secteur privé, concernant la compensation de la perte
de revenu en cas d'incapacité temporaire de travail. Qu'en est-il donc
pour l'indemnisation de l'incapacité permanente de travail pour les
agents des deux secteurs ?
b. En cas d'incapacité permanente de
travail
L'incapacité permanente de travail est
l'incapacité de travail qui subsiste après consolidation des
blessures ou guérison apparente de la maladie. Telle que définie
par la loi de 19941 et la loi de 19952, ainsi que la
doctrine, aussi bien tunisienne3 que française4,
l'incapacité permanente de travail présente l'un des risques
majeurs du travail puisqu'il s'agit « d'une réduction
définitive ou présumée telle, de la capacité de
travail de la victime dont l'état s'est stabilisé »
5.
Dans ce cas, la victime atteinte d'une incapacité
permanente, due à un accident de travail, a droit à une
compensation de la réduction de sa capacité de travailler. Cette
compensation prend la forme d'une rente dont le montant est calculé en
fonction du taux d'incapacité et du salaire de
référence.
Dans le secteur public, et contrairement à la
législation du secteur privé, le taux d'incapacité et
fixé par arrêté du premier ministre sur proposition de la
commission médicale. Toutefois, l'article 21 de la loi de 1995 reprend
les mêmes éléments cités par l'article 38 de la loi
de 1994 pour déterminer le taux d'incapacité.
A ce propos, il y a lieu de noter que le taux
d'incapacité est déterminé sur la base des mêmes
critères et par référence au même barème dans
le secteur public que dans le secteur privé.
1 Art. 38 Al. 1er de la loi n°94-28
du 21 février 1994 dispose : « L'incapacité permanente
de travail est celle qui subsiste après consolidation de la blessure
survenue suite à l'accident de travail ou de la guérison
apparente de la maladie professionnelle ».
2 Art. 21 alinéa 1er de la loi
n°95-56 du 28 juin 1995 dispose : « L'incapacité
permanente de travail est celle qui subsiste après consolidation de la
blessure survenue suite à l'accident de travail ou de la guérison
apparente de la maladie professionnelle ».
3 Cf. A. MOUELHI, Op. cit.,
p.228-231.
V. aussi, S. BLEL, Op. cit., p.45-47 (dans le secteur
privé) et p.96 (dans le secteur public).
4 Cf. J-J. DUPEYROUX - X. PRETOT,
Sécurité sociale, Op. cit., p.88-90.
V. aussi J-J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p.447-450.
5 J.J. DUPEYROUX, Op. cit., p.447.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 80
Toutefois, contrairement au secteur privé où
l'incapacité permanente est indemnisée soit sous forme de capital
de rente1 ou de rente réversible2, dans le secteur
public seule l'incapacité permanente et totale donne lieu à la
réparation. Ainsi, la victime qui n'est pas dans l'impossibilité
totale et absolue de travailler et qui a repris son activité «
continue à percevoir l'intégralité de son salaire sans
aucune autre indemnisation même si l'incapacité peut lui
constituer un handicap sur le plan physique et même moral puisque les
chances de promotion dans le travail pourraient être compromises
» 3, ce qui semble présenter une
inégalité dans le traitement des travailleurs des deux secteurs,
public et privé, qui se trouvent exposés aux mêmes risques
professionnels.
L'indemnité aux termes des articles 23 de la loi de
1995 et 42 de la loi de 1994 n'est due que si le taux d'incapacité est
supérieur à 5%4.
Ainsi, avec l'intégration des risques professionnels
dans le cadre des assurances sociales par la loi de 1994 et la loi de 1995, le
législateur tunisien a cherché à protéger la
santé de la totalité de la main d'oeuvre dans le secteur public
et dans le secteur privé par une panoplie de textes juridiques
(législatifs et réglementaires) dans le but d'élargir la
couverture, par l'extension du régime à des catégories non
couvertes, d'améliorer les prestations et de les harmoniser avec celles
prévues par les régimes de sécurité sociale.
1 Dite aussi indemnité unique, elle est servie
à la victime ayant un taux d'incapacité supérieur à
5% est inférieur à 15%.
2 Dite aussi rente annuelle ; elle est servie aux
victimes dont le taux d'incapacité est égal ou supérieur
à 15%.
3 S. BILEL, Op. cit., p.96.
4 En Droit comparé, certains pays ne
procèdent à l'indemnisation qu'à partir d'un certain taux
(en France à partir de 6%), d'autres pays, par contre, procèdent
à l'indemnisation quelqu'en soit le taux (Belgique).
Conclusion de la premiére partie 81
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