SECTION II. REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA
DEUXIEME REPUBLIQUE
La deuxième République fut régie
par la constitution du 24 juin I967 . Mais son initiateur Joseph
Désiré MOBUTU fut à la tête de l'Etat congolais le
24 novembre I965 suite à un coup d'Etat. Sous cette République,
le Zaïre a connu deux périodes : du règne du régime
monolithique et celle des instabilités politiques qui ont abouti
à des transitions de ce pays.
§1 . PRINCIPALES REVISIONS SOUS LE REGIME DU
MONOPARTISME
La constitution du 24 juin I967 qui régissait
la deuxième République avait fait l'objet des révisions de
tout bord, qui ont amené le pays à un certain moment dans un
gouffre total.
Mais, comment cette constitution fut-elle
élaborée ? Pour rappel, la constitution du 24 juin I967 a
été l'oeuvre d'une commission constitutionnelle composée
des juristes congolais du premier gouvernement issu du coup d'Etat. Il faut
néanmoins préciser que cette commission n'était pas assez
représentative comme celle de I964,
" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
car elle n'était qu'une commission gouvernementale. Les
experts commis à cet effet, étaient issus du milieu du pouvoir,
la société civile n'ayant pas été associée.
Il y a donc lieu d'affirmer qu'au stade de la rédaction du texte
constitutionnel, le peuple était mis en l'écart étant
entendu que la commission politique du gouvernement qui l'élabora
était fermée aux forces vives de la nation .I84
Cette constitution a été proposée au
peuple qui l'adopta à l'issue du référendum
organisé du 4 au 24 juin I967 . Cependant, l'adoption du texte
constitutionnel par le peuple ne garantit pas sa stabilité. Si tel
était le cas, cette constitution n'aurait pas été victime
des dix-sept révisions unilatéralement initiées par les
pouvoirs publics qui n'associèrent en aucune fois le souverain primaire.
C'est autant dire que cette constitution aura été l'une des plus
instables qu'ait connu la RDC.
La révision constitutionnelle, pour être
régulière, doit tout d'abord rentrer dans l'intérêt
général du peuple et de la République, la
préservation de la démocratie ; ensuite elle doit respecter la
procédure prévue par le constituant quant à ce . Mais les
révisions constitutionnelles en RDC ont pour un but de renforcer le
pouvoir purement personnel des dirigeants.
En effet, les révisions intervenues au Zaïre
(RDC), outre qu'elles violaient les dispositions des articles 74, 75 et 28 de
la constitution du 24 juin I967, ont eu pour effet de renforcer certaines
institutions au détriment des autres, provoquant d'une part une
concentration des pouvoirs entre les mains d'une institution « la
présidence » et d'autre part un déséquilibre
institutionnel qui a amené les observateurs à dire que le
Zaïre était une République monarchique.
Les révisions de la constitution du 24 juin n'ont pas
respecté le principe selon lequel la constitution est une loi
suprême et fondamentale qui s'impose à tous : gouvernants et
gouvernés. Le constitutionnalisme et la démocratie
n'émergent guère dans une telle instabilité
constitutionnelle dûment entretenue.
Cette constitution qualifiée de révolutionnaire
par le nouveau régime a été marquée par de
multiples changements aux fins, disait-on chaque fois, de changement aux
réalités du moment. Elle a connu de nombreuses révisions
dont certaines ont même donné à penser qu'il s'agissait
finalement des nouvelles constitutions, tellement les
72
I84 NKULU KILOMBO, Op. cif, p .I35
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
philosophies qui sous-tendaient ces révisions ainsi que
l'agencement des structures et des organes appelés à exercer le
pouvoir étaient différentes, parfois contradictoires
.I85
1*1* Loi constitutionnelle n°70-001 du 23
décembre 1970
A* Circonstance politique et changement
constitutionnel
En juin I967, la constitution avait limité les partis
politiques à deux. L'article 4 alinéa 2 de cette constitution
disposait : "il ne peut-être créé plus de deux partis
politiques dans la République. Ces partis s'organisent et exercent leurs
activités librement. Ils doivent respecter les principes de la
souveraineté nationale, de la démocratie et les lois de la
République- .I86
En mai I967, Mobutu avait officiellement
présenté au public son parti politique, le Mouvement Populaire de
la Révolution, avec la publication du Manifeste de la N'sele, le 20 mai
I967 . Pendant ce moment, il y a eu une tentative d'Antoine KIWEWA qui
consistait à créer un second parti d'obédience lumumbiste
lui valurent de sérieux ennuis avec le pouvoir en place.
Ainsi, depuis sa création en I967, le MPR a
été conçu non pas comme un parti politique classique
devant lutter pour conquérir le pouvoir mais plutôt comme une
courroie de transmission entre le pouvoir et les masses populaires
.I87
Pour que ce parti atteigne cet objectif, son créateur
l'érigea en institution suprême de l'Etat. C'est pourquoi, aux
termes de l'article 2 de la Loi n°70-00I du 23 décembre I970, les
principales institutions de la République sont :
I . Le Mouvement Populaire de la Révolution ;
2 . Le Président de la République, Président
du parti et chef du gouvernement ;
3 . L'Assemblée nationale ;
4 . Le Gouvernement ;
5 . La Cour Constitutionnelle ;
6 . Les cours et tribunaux .I88
I85 NKULU KILOMBO, Op. cit, p .I3I .
I86 IYELEZA MOJU MBEY et alii, Recueil des Textes
constitutionnels de la République du Zaïre. Du 19 mai 1960 au 28
mai 1991, éd . Ise consult, Kinshasa, I99I, p . 85 .
I87 VUNDUAWE te PEMAKO, F ., A l'ombre du Léopard.
Vérités sur le régime de Mobutu Sese Seko, TomeI,
éd . Zaïre Libre, Bruxelles, 2000, pp . I64-I65 .
I88 IYELEZA MOJU MBEY et alii, Recueil...Op. cit , p .
94 .
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Comme on le voit, cette Loi consacra le Mouvement
Populaire de la Révolution comme institution suprême de la
République, toutes les autres institutions lui étant
subordonnées et fonctionnant sous son contrôle
.I89
B* Effet sur le constitutionnalisme et de la
démocratie
Lorsqu'un parti politique est crée, c'est dans
un cadre d'abord privé et qui par la suite évolue dans la vie
politique. Cela est le même avec le Mouvement Populaire de la
Révolution qui était au départ une organisation
privée mais après cette réforme constitutionnelle, il
devient une institution politique.
Ceci amène l'étatisation du parti MPR et
par conséquent, on assiste à un déséquilibre total
des institutions de l'Etat. En effet, les pouvoirs étaient presque
concentré au niveau du parti et toutes institutions classiques
devenaient désormais ses organes dont le constitutionnalisme
était battu en brèche sous cette loi-constitutionnelle. Il
n'existait pas une séparation des pouvoirs comme l'esprit de
Montesquieu.
En ce qui concerne la théorie de la
séparation des pouvoirs, il faut savoir qu'un pouvoir politique non
étatique ne peut assujettir le pouvoir politique. C'est ainsi qu'en
érigeant le Mouvement Populaire de la Révolution en institution
première de la République, cela dénote d'une confusion du
pouvoir qui est là consacré au sommet de l'Etat
Zaïrois.
De ce fait, la séparation et
conséquemment la limitation des pouvoirs n'était plus concevable
au Zaïre, le Président ayant confisqué tous les pouvoirs en
sa qualité de Président de l'institution suprême de l'Etat.
Pire, l'article 9 de cette loi avait même pris soin de préciser
que ..lorsqu'un député se rend coupable de manquement
grave à la discipline du parti, il perd son mandat à
l'Assemblée et y est remplacé par un suppléant..
.I90 Par cela, le pouvoir législatif était assujetti par le
pouvoir exécutif incarné par le Chef de l'Etat, chef du
gouvernement et chef du parti.
En effet, le Président du MPR fut
lui-même Président de la République, chef du parti et chef
du gouvernement. De ce point de vue, il allait de soi qu'il devait confondre
ses prérogatives de chef du parti d'avec ses fonctions de chef de l'Etat
et de chef du gouvernement. Donc, par l'institutionnalisation du MPR, c'est la
suprématie présidentielle qui était indirectement
consacrée.
I89 NKULU KILOMBO, Op. cit, p .
I44 .
I90 Art. 9 de la Loi n°70-00I du 23 décembre
I970 portant révision de la constitution,
Recueil..., p . 95
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" Révisions constitutionnelles et leur
impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en
Afrique ~ Cas de la République démocratique du
Congo"
Quant aux droits et libertés fondamentaux, sous
la constitution originelle ainsi que sous constitutions subséquentes
dites de révisions de la constitution du 24 juin I967, les droits et
libertés fondamentaux ont connu une période des vaches maigres
bien qu'ils aient été souvent mentionnés dans les
différents textes constitutionnels. Ceci étant, les pratiques
violentes marquent la plupart des régimes où l'arbitraire, le non
respect du droit, la violation des droits de l'homme sont quotidiens. Elles
dénotent également la confusion entretenue
délibérément entre la res publica et la chose
privée.
Cette réforme constitutionnelle n'envisageait
aucunement l'esprit démocratique. La plupart des gouvernants
étaient nommés par le seul chef, le chairman du MPR qui
était inamovible. Il n'avait pas de la tolérance,
c'est-à-dires les valeurs démocratiques dans
l'au-delà.
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