1.2.2. Puits de carbone et protocole de Kyôto
Le protocole de Kyôto affirmant que la
végétation absorbe du CO2, les pays ayant des forêts
étendues peuvent en déduire une certaine partie de leurs
émissions (article 3, alinéa 3 du protocole de Kyôto), leur
facilitant l'accès au niveau d'émission qui leur a
été fixé.
On estime qu'en 2030, les combustibles fossiles
représenteront encore plus des trois quarts de l'énergie
utilisée. Ceux qui sauront piéger le CO2 à sa source (22 %
des émissions viennent de l'industrie, 39 % de la production
électrique) auront un levier puissant sur le futur marché mondial
des quotas d'émissions.
1.2.3. Effet de l'augmentation du CO2 ? Sur
les végétaux
La majorité des modèles prédisent une
stimulation de l'assimilation et de la séquestration du carbone en
réponse à une augmentation de CO2 atmosphérique
appelée « Fertilisation CO2 » (Houghton, 2002).
Le CO2 et l'O2 sont en compétition pour le site
réactionnel de l'enzyme photosynthétique Rubisco. Augmenter la
concentration en CO2 atmosphérique a deux effets sur le Rubisco : (1)
augmenter le taux de réaction avec le CO2 (carboxylation) et (2)
diminuer le taux d'oxygénation (Chambers et Whendee., 2004). Ces 2
effets accroissent le taux de photosynthèse puisque l'oxygénation
est suivie par la respiration qui libère du CO2. En améliorant la
photosynthèse, les plantes se développent plus vite ; en
atteignant leur taille finale en moins de temps ou en augmentant leur masse
finale.
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L'intensité de la réponse à une
augmentation de CO2 dépend du type de photosynthèse
utilisé. Les plantes qui font la photosynthèse en C3 (tous les
arbres, presque toutes les plantes des climats froids, et la plupart les
plantes cultivées, dont le blé et le riz) montrent,
généralement, une augmentation de leur taux de
photosynthèse en réponse à l'augmentation de la
concentration en CO2 par rapport au niveau actuel. Les plantes en C4 (herbes
tropicales, beaucoup d'herbes tempérées, et certaines cultures
comme le maïs ou la canne à sucre) possèdent
déjà des mécanismes pour concentrer le CO2, et ne montrent
donc pas de réponse photosynthétique directe, ou alors moindre
que les plantes en C3.
L'augmentation de la concentration atmosphérique en CO2
permet la fermeture partielle des stomates, ce qui réduit la perte d'eau
lors de la transpiration et produit alors une amélioration du ratio
carbone assimilé / perte d'eau. Cet effet allonge la durée de la
saison de croissance dans les écosystèmes secs et accroit la PPN
tant dans les plantes en C3 qu'en C4.
Malgré les effets stimulants sur la croissance des
plantes observés à de hautes concentrations en CO2 (voir tableau
1.1), il n'est pas certain que cet effet aura pour conséquence un plus
grand stockage de carbone dans la biomasse sur pied ou dans le sol. Les
expériences d'absorption de CO2 ont en effet été
menées à court terme, or souvent à long terme les effets
sont réduits voire absent. Par exemple, les plantes s'acclimatent
souvent à de hautes concentrations en CO2, et donc leur activité
photosynthétique, et dès lors leur croissance retourne rapidement
au taux observée avant que la concentration ne soit
élevée. (Oren et al., 2001)
Tableau 1.1 : Augmentation observée pour
une augmentation de la concentration du CO2 atmosphérique de 100%
- augmentation de la photosynthèse chez de jeunes arbres :
60%
- augmentation moyenne dans la PPN des cultures : 33%
- augmentation de la PPN dans une forêt de jeunes pins :
25%
- augmentation moyenne de la biomasse des prairies et des
cultures : 14%
- augmentation dans le stock de carbone d'une forêt mature
: ~0%
Source : Prentice et al., 2001 ? Sur
les eaux
« Depuis le début de la Révolution
industrielle, l'acidité de l'océan a augmenté de 30 %. Ce
changement est au moins trois fois plus important et cent fois plus rapide que
n'importe quelle autre modification de l'acidité qui a pu avoir lieu au
cours des 21 millions d'années passées. »
La combustion d'énergies fossiles libère du
dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère, ce qui provoque un
réchauffement climatique. Mais ce n'est pas le seul effet direct de
l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère, puisque celle-ci modifie aussi
la chimie des océans.
L'océan absorbe le CO2 produit par les activités
humaines à raison de 22 millions de tonnes par jour. Il élimine
ainsi 30 % du CO2 émis dans l'atmosphère et atténue les
effets nocifs de ce gaz dit « à effet de serre » sur le
climat. Mais ce précieux service que nous rend l'océan pourrait
bien avoir un coût élevé au plan écologique. Lorsque
du CO2 se dissout dans l'eau de mer, il s'y forme de l'acide carbonique.
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Ce phénomène, qu'on désigne par «
acidification de l'océan », a pour effet de diminuer la
quantité de carbonate dans le milieu océanique, au
détriment de nombre d'organismes marins qui puisent dans des
minéraux le carbonate de calcium nécessaire pour former leurs
organes solides. L'effet conjugué de l'augmentation de l'acidité
de l'eau et de la diminution de la concentration en carbonate a par ailleurs
des conséquences sur les fonctions physiologiques de nombreux organismes
marins.
L'acidification de l'océan, phénomène
auquel s'ajoutent le réchauffement des eaux de surface et des
modifications dans le brassage des eaux océaniques, pourrait
réduire la capacité de l'océan à absorber du CO2,
d'où une augmentation de dioxyde de carbone dans l'atmosphère et
une aggravation de son impact sur le climat. Si cette réduction se
vérifie, il deviendra plus difficile, et aussi plus coûteux, de
stabiliser la concentration de CO2 dans l'atmosphère.
? Sur les sols : Limitation en azote du sol
Une augmentation du flux de carbone dans les
écosystèmes terrestres sous de hautes concentrations en CO2
stimule 2 processus qui sont critiques dans la régulation à long
terme de la dynamique d'azote. Ces processus sont (1) une demande plus
importante en azote pour supporter la croissance stimulée des plantes et
(2) une séquestration croissante d'azote dans les plantes à long
cycle de vie et dans la matière organique du sol. Ce dernier
procédé diminue la disponibilité en azote pour la
croissance des plantes et est le mécanisme fixant le carbone central de
la limitation progressive en azote (Luo et al., 2004).
Les tissus ligneux sont constitués principalement de
cellulose et de lignine. Leurs ratios C/N sont élevés, allant de
200 à plus de 1000 (Levi et al., 1969 in Luo et al.,
2004). Quand un écosystème est exposé à des
concentrations élevées en CO2 atmosphérique, la
photosynthèse est stimulée grâce à l'augmentation de
l'efficacité des enzymes fixant le carbone.
Ce flux additionnel de carbone dans l'écosystème
est utilisé pour la production de biomasse, stocké dans la
matière organique du sol et retourne dans l'atmosphère à
travers la respiration autotrophique et hétérotrophique. Cette
croissance additionnelle de biomasse ainsi que l'augmentation de carbone
stocké dans le sol engendre une séquestration de l'azote dans la
matière organique, ce qui diminue progressivement la quantité
d'azote minéral disponible pour les plantes à long terme.
L'idée est donc que sans apport supplémentaire
en azote la disponibilité de l'azote minéral diminue avec
l'augmentation de la concentration en CO2, en comparaison avec les
disponibilités sous les concentrations actuelles en CO2. L'offre
additionnelle d'azote, à travers les dépôts
atmosphériques ou la fertilisation directe peut stimuler la croissance
des plantes (Vitousk, 2004), et peut en principe compenser la limitation de
nutriments sous de hautes concentrations en CO2.
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