CONCLUSION GENERALE
La double interrogation qui a orienté toutes les
réflexions menées dans ce travail se présentait ainsi:
quelles sont les conditions de possibilité d'une émancipation du
vécu politique des carcans de l'injustice? L'autonomie rationnelle
peut-elle aider à la déconstruction, mieux à la
refondation des systèmes de répression par lesquels
l'idéologie capitaliste néolibérale a conditionné
la justice cosmopolitique (Banque mondiale, F.M.I et autres organismes
internationaux)?
Tant une vague idéologique tente d'extraire
de l'espace public les considérations prescriptives de la morale et du
droit, pour fonder le rapport au monde, mieux la coopération sociale et
internationale sur une rationalité de la domination. Les effets pervers
de cette dernières sont visibles au quotidien: oppression,
répression, mystification démagogique du politique issue du
cynisme technocratique, l'extorsion continue de la plus-value des pays du
centre à ceux qui se trouvent dans la périphérie du monde,
entraînant ainsi le mal vivre, la souffrance, l'ajournement continu de la
promesse de vie meilleure.
Quelle attitude faut-il adopter face à
une globalisation qui impose la domination comme modalité de l'action
politique? Faut-il se résigner à la démission et sombrer
dans la voie d'un pessimisme axiologique ou est-il encore possible d'entrevoir
dans l'univers sombre des "dominés", la beauté d'un horizon
porteur d'un projet de libération? Les enjeux de telles interrogations
posent le problème de l'autonomie politique, et celui ci suppose la
prise en considération des choix politiques des individus et des
peuples. L'autonomie introduit le choix, c'est l'affirmation de soi face au
réel et responsabilité face à l'être au monde de
l'autre. Certes aux yeux de certains, l'existence d'un monde social affranchi
de la domination est une utopie, mais la catégorie d'autonomie dans la
réalité des institutions sociales, et même dans la vie
collective, des perspectives permettant une critique franche des abus et des
injustices.
Comment s'articule donc dans la théorie
de la justice comme équité, le problème de l'autonomie? Et
dans quelle mesure cette articulation peut-elle s'envisager comme critique
d'une histoire qui a fondée la coopération sociale et
internationale sur des normes hétéronomes? La pensée de
Rawls fournie une lecture non homogène de l'autonomie. Cela s'explique
par le fait qu'à l'intérieur de cette pensée, il y a une
discontinuité entre l'Etat-nation démocratique et le monde, entre
le national et l'international. Au niveau national, l'autonomie politique ouvre
la perspective de l'égalité démocratique
interprétée en terme d'équité, c'est-à-dire
la quête d'un équilibre entre la maximisation du sort des plus
défavorisés et la préservation des intérêts
des plus nantis. En fait il s'agit pour Rawls de parvenir à une forme
d'organisation sociale qui intègre l'amélioration des conditions
de plus démunis comme modalité fondamentale de l'action
politique. Et cela passe par une redéfinition du rapport entre justice
distributive et efficacité économique. Au niveau international,
la modalité de justice distributive définie au niveau national
cède la place à une politique de la tolérance, de la
charité paternaliste et de la guerre juste. A cause de son souci
d'équilibre social et par son rapport à l'utopie, la
pensée de Rawls est importante pour envisager l'effectivité de la
possibilité d'un monde meilleur. L'attention accordée au
problème de la misère dans le monde est plus qu'important pour
nous: la solution rawlsienne s'oppose à justice distributive
internationale et milite pour la refondation en justice des espaces publics des
pays du Tiers monde.
Evaluer la théorie de la justice comme
équité revient à évaluer dans celle-ci un versant
critique et un versant politique. Le problème de l'autonomie politique
tel que le résout Rawls, nous a servi sur un plan critique, dans la
déconstruction du discours de l'ajustement au monde fondé sur
l'hétéronomie des normes politiques. Mais cette solution au
problème de l'autonomie politique reste insatisfaisante sur la
stratégie de transformation globale qu'elle propose. Mai même si
son orientation de politique globale reste insatisfaisante, la théorie
de la justice comme équité, en tant que critique d'une histoire,
pose néanmoins les jalons pour une conception de l'autonomie politique
qui peut être un véritable fondement pour une politique de
libération.
|