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Penser la justice dans le monde, une urgence Rawlsienne

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par Eric Christian BONG NKOT
Université de Yaoundé 1 - Mémoire rédigé en vue de l'obtention d'un diplôme d'études approfondies ( DEA ) en philosophie.  2009
  

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3- L'idée de nation d'un point de vue cosmopolitique et la question de la justice distributive à l'échelle mondiale.

Pour comprendre si l'idée de nation d'un point de vue cosmopolitique peut impulser une interprétation du libéralisme politique pouvant conduire à une approche progressiste susceptible d'universaliser le principe de différence, peut être faudrait-il commencer par préciser en quoi consiste le principe de différence.

En tant que principe de justice distributive, le principe de différence offre deux aspects importants. Il offre une sécurité sociale et une obligation morale de maximiser le minimum. Ceci s'applique aux individus comme aux peuples. Il prend chez Rawls la forme d'un principe de justice maximum pouvant s'appliquer dans le cadre d'une économie capitaliste et d'une économie socialiste. Dans le cadre socialiste, il prend la forme du « socialisme libéral ». Dans le cadre capitaliste, il prend la forme d'une « démocratie des propriétaires ». Ici, la justice distributive doit maximiser le transfert du capital, des moyens de production et des pouvoirs de décision. Les objets de distribution appartiennent à la structure de base de la société et à la société internationale. A cet effet le transfert des ressources naturelles n'intervient pas comme objet de justice distributive.

Dans ce cas l'inégalité des ressources naturelles entre les peuples ne doit pas être considérée comme une injustice. Si ces différences de ressources naturelles ne sont pas causées par des facteurs de développement inégal au sein de la société internationale, il s'agit d'inégalités qui ne sont nécessairement pas injustes. Ainsi, la justice distributive ne cherche pas à corriger les inégalités résultantes du comportement volontaire et coupable des individus ou des peuples. Ces questions sont du ressort des Etats souverains. Cela dit on peut lire l'injustice sur un double plan en rapport avec la justice. Sur le plan procédural, on peut lire l'injustice dans l'application d'une procédure de libération faisant intervenir, dans les débats portants sur la justice sociale et la justice internationale, la considération de nos talents et de nos ressources naturelles. Sur le plan substantiel, on peut lire l'injustice dans l'acceptation des inégalités au niveau du capital, des moyens de production et des pouvoirs de décision. La justice exige la dotation des ressources financières et des capacités de développement infrastructurelles et des pouvoirs de décisions permettant aux peuples de développer au maximum les ressources dont ils disposent.

Cette interprétation de la justice distributive nous oblige à réévaluer l'interprétation qui a souvent été faite du principe de différence. Il est souvent affirmé, et de façon orthodoxe, que le principe de différence justifie les inégalités uniquement si elles servent à maximiser le minimum. Cela peut s'interpréter de deux manières. Tout d'abord on peut entendre ici que de façon général, les inégalités quelles qu'elles soient, ne sont justifiables que si elles sont utilisées comme des instruments au service de l'amélioration des conditions des plus démunis. Mais on peut aussi dire que la justification des inégalités ne s'applique qu'aux biens affectant le développement optimal de la structure de base de la société locale ou de la société internationale, sans tenir compte des inégalités résultant des talents et des ressources naturelles. Autrement dit, seuls les inégalités relatives aux talents individuels et aux ressources naturelles sont justifiables, même si elles ne sont pas mises au service de la maximisation du sort des plus défavorisés. Cela est valable pour les individus comme pour les peuples, pour les Etats comme pour la société internationale.

Ainsi, on n'affirme plus religieusement qu'avec le principe de différence, les seules inégalités justifiables sont celles qui résultent de la volonté de maximiser le sort des plus démunis. Certes, les inégalités relatives aux talents individuels et aux ressources naturelles engendrent des inégalités dans les biens appartenant à la structure de base de chaque société. Mais ces biens doivent ensuite être distribués à l'avantage des plus défavorisés et dans des conditions qui n'entravent pas la permanence d'une telle distribution. Le principe de différence, dégagé de la simplicité de l'interprétation égalitariste traditionnelle, pose que la répartition maximale est celle qui n'entrave pas la possibilité d'une maximisation du minimum à long terme. En plus de cela, il soutient que le transfert des biens institutionnels (capital, moyen de production, centre de décision) doit s'effectuer jusqu'à ce que les individus et les peuples parviennent à un niveau de développement qui est fonction des talents et des ressources dont ils disposent. Tel est le sens profond du principe de différence.

Cependant, une remarque mérite d'être faite. Elle concerne l'idée que dans le sens profond du principe de différence, les inégalités entre les individus et les peuples au niveau des talents et des ressources naturelles ne sont pas nécessairement injustes. Une interprétation simpliste du principe de différence établit que Rawls défend la thèse selon laquelle les talents individuels et les ressources naturelles sont des faits moralement arbitraires, et pour lesquels les individus et les peuples ne sont pas moralement responsables. A cet effet, ils doivent être considérés comme des possessions collectives298(*). Mais en réalité, la thèse essentielle de Rawls est que les talents et les ressources naturelles ne sont pas les objets pour lesquels il y aurait des propriétaires. Les talents ne sont pas eux-mêmes des objets nécessitant une distribution égalitaire. C'est plutôt la distribution des talents qui doit être traitée comme s'il s'agissait d'un bien commun. Ainsi, il ne s'agit pas d'envisager une distribution égalitaires des talents, mais plutôt d'apprécier le fait que leur complémentarité est un bien collectif. On peut dire la même chose pour ce qui est des ressources naturelles qui constitue un patrimoine commun à l'humanité, et non les ressources elles-mêmes.

A cet effet le principe de différence devient moins un principe de réparation, et plus une manière particulière de gérer ce bien commun qu'est la distribution et la complémentarité des talents et des ressources naturelles. Il est l'expression d'un consensus portant sur le bien commun de la diversification et de la complémentarité des ressources naturelles de l'humanité entière.

De cette interprétation du principe de différence, nous aboutissons à une conception de la justice distributive qui s'applique aux individus et aux peuples, et qui se situe en de ça et au delà des principes de liberté des personnes et des peuples. Cette conception possède une dimension charitable, en ce qu'elle pose le devoir d'assistance aux individus et aux peuples en situation de détresse, à l'échelle locale comme à l'échelle internationale. Mais au-delà de ce seuil charité, il faut chercher à maximiser le capital, les moyens de production, et les pouvoirs de décisions aux individus et aux peuples, à l'échelle locale et internationale. On contribue ainsi à réaliser au sein de la société, à l'échelle nationale et internationale, le maximum pour que les individus et les peuples parviennent à un plein développement, en fonction des ressources dont ils disposent. A ce niveau, les seules inégalités pouvant être justifiables seraient celles requises pour le maintient d'une richesse pouvant servir les objectifs d'une redistribution juste et celles relatives aux talents et aux ressources naturelles.

On a une approche de la justice distributive qui unit le nationalisme et le cosmopolitisme au profit de la justice sociale. Elle rejette aussi bien la sublimation des droits individuels que la primauté des droits collectifs. Elle procède d'un pluralisme axiologique et se base sur une conception cosmopolitique et nationaliste de la personne et des peuples, inscrivant ainsi le nationalisme dans un combat pour la justice sociale tout en interpellant le cosmopolitisme sur la nécessité d'une autonomie des peuples au plan national. Elle tranche sur le débat entre nationalisme et cosmopolitisme, débat qui oppose la vision partiale nationaliste du rapport au monde à la vision impartiale cosmopolitique.

Certains défenseurs du nationalisme, comme David Miller, soutiennent que la justice sociale exige des conditions confiance solidaire qui ne peuvent être garanties que par la nationalité299(*). Ainsi le nationalisme implique nécessairement un point de vue partial à l'égard de se membres, et s'oppose au cosmopolitisme qui considère de manière impartiale les droits des individus. Mais ce débat nous semble mal posé, puisque de nos jours, dans le cadre d'un droit des peuples juste et raisonnable, il est possible pour les individus de faire preuve de partialité à l'endroit de leurs proches, en acceptant les contraintes raisonnables issues du droit des peuples. A cet effet, le nationalisme comme l'entend Miller est contestable. Le nationalisme peut aussi adopter une position impartiale qui affirme les droits collectifs de tous les peuples et non seulement de son propre peuple. Dans ce cas, la défense de son propre peuple doit se faire dans le but d'appliquer l'égalité des peuples comme principe politique, et non dans un but égocentrique de privilégier son propre peuple.

Un nationalisme prenant la forme impartiale de l'affirmation des droits collectifs de tous les peuples n'entre pas en contradiction avec le cosmopolitisme. Inversement, si le cosmopolitisme ne s'appuie pas sur un individualisme moral, il peut être compatible avec le nationalisme. Dans ce cas, la solidarité cosmopolitique suppose, d'une part que soit établi la reconnaissance mutuelle et le respect entre les peuples. D'autre part, la justice cosmopolitique ne peut être envisageable sans la reconnaissance du droit qu'ont les peuples à un développement égal et à une infrastructure adaptée à leurs besoins.

* 298 - On se réfère souvent à La Justice comme équité. Une réinterprétation de théorie de la justice, pp. 74 -79.

* 299 David Miller. On Nationality, Oxford, Clarendon Press, 1995, p.140.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway